MAJ 08h15 : Jean-Yves Le Drian a annoncé sur Cnews qu’il quittait le Parti socialiste, à quelques jours de l’élection d’un nouveau dirigeant à la tête de cette formation les 15 et 29 mars.
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Il y a longtemps que Jean-Yves Le Drian se fiche du PS. Certes, dans son jeune temps, la carte de la rue de Solférino lui a été d’une grande utilité pour devenir maire et député de Lorient. Mais ça, c’était autrefois – le « vieux monde », dirait Macron. Fin connaisseur de la société bretonne, Le Drian a compris depuis longtemps que, pour gagner les élections régionales, tout en conservant comme base l’électorat « de gauche », il était nécessaire de récupérer une fraction notable de la droite – en particulier les centristes. D’où l’importance de se donner une image du type qui est, certes, « de gauche », mais pas sectaire pour un sou. Roi de l’ouverture en direction des patrons, des sportifs, des milieux culturels, Le Drian a su y faire pour se tailler une stature de leader régional ; il est certainement le seul homme politique breton que l’homme de la rue est capable de citer. On le connaît car on le voit à la télé, on l’entend à la radio, on le lit dans les journaux. Politique de communication bien huilée qui lui procure notoriété et popularité.
Résultat des courses : il gagne les élections régionales en 2010 et en 2015, année record, où il l’emporte au second tour avec 53,34% des suffrages exprimés – ce qui lui donne 53 élus, contre 18 à la droite (LR – UDI –MoDem) et 12 au FN. Le duc de Bretagne, c’est lui !
Prochainement, les adhérents du Parti socialiste seront invités à élire leur nouveau patron – le premier secrétaire. Se pose alors le cas Le Drian. Où se situe-t-il ? A l’intérieur ou à l’extérieur du PS ? Très décontracté, le ministre avait affirmé qu’il dirait « quand ce sera le moment » s’il quittait le PS, ajoutant : « c’est une hypothèse » (BFM-TV et RMC, mercredi 7 février 2018).
Si on comprend bien, il en est toujours membre. Pour la direction du parti,il est facile de vérifier s’il a payé sa cotisation en 2017 et en 2018. Dans la foulée, Luc Carvounas, député du Val-de-Marne et candidat au Job de premier secrétaire, se met en colère : « Je demande aux instances nationales d’acter officiellement son départ. Il ne peut plus y avoir d’ambiguïté » (Le Figaro, jeudi 8 février 2018). Même son de cloche avec Stéphane Le Foll : « Le PS a voté contre le budget, nous sommes dans l’opposition à la majorité. Le Drian doit savoir s’il est dans l’opposition ou dans le gouvernement », souligne-t-il, pas opposé à son exclusion (Le Figaro, id.)
Il faut compter avec les intransigeants. « Aucun membre de ce gouvernement ne pourra voter au prochain congrès » du Parti socialiste, affirme le coordinateur du parti, Rachid Temal. Puisque le PS est « dans l’opposition au gouvernement », il n’y a « donc pas de membre du Parti socialiste au gouvernement », ajoute-t-il (Ouest-France, 10/11 février 2018). D’autres font preuve de d’avantage de diplomatie : « C’est un homme politique et donc il doit faire des choix. Il devra se déterminer. On ne peut pas à la fois être dans la majorité et l’opposition (…) S’il entend nous rejoindre, il sera le bienvenu », indique Olivier Faure, un des quatre candidats au poste de premier secrétaire du Parti socialiste (Le Télégramme, vendredi 9 février 2018).
Toutes ces déclarations n’impressionnent pas Le Drian – loin s’en faut. Pour lui, la double appartenance -ministre d’Emmanuel Macron – et membre du PS – est pertinente. « Croire que dans quelques années ça va revenir comme avant est une erreur. Il faut donc se situer dans une nouvelle donne qu’a instaurée le président Macron », estime-t-il (BFM-TV et RMC, mercredi 6 février 2018).
Mais tout cela manque de clarté et ne répond pas à la bonne question : Le Drian a-t-il payé sa cotisation en 2017 et en 2018 ? Et, dans l’affirmative, auprès de quelle instance : rue de Solférino ou bien la fédération du Morbihan. Étant entendu que cette dernière est dirigée par un homme de Le Drian. Si ça lui fait plaisir de rester adhérent, on voit donc mal ce qui pourrait l’en empêcher.
Bernard Morvan
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