Des Gens du voyage à la gentrification, le budget participatif de Rennes

Pour la troisième fois, la ville de Rennes a mis en place le vote d’un budget participatif qui vient consacrer les projets ayant reçus l’approbation des Rennais. Et les initiatives sélectionnées sont tout à fait à l’image du Rennes d’aujourd’hui. Entre « vivre ensemble » et gentrification.

54 489 votes

Les trois semaines de vote se sont clôturées dimanche 25 février. Une période durant laquelle les porteurs de projets ont défendu leurs idées via une campagne de promotion dans Rennes et sur les réseaux sociaux. Au final, ce sont 25 projets, soit deux par quartier, qui ont été retenus. Et qui verront donc le jour par la suite.

Au total, 54 489 votes ont été comptabilisés lors de cet épisode. En termes de votants, 16 370 individus se sont exprimés sur ces questions d’aménagement urbain. Parmi lesquels, 3322 bulletins papier et 13 048 votants numériques. À titre informatif, chaque votant disposait de 10 votes, même si tous n’ont pas utilisé la totalité.

Mais, au-delà du caractère participatif de l’initiative qui donne l’occasion aux habitants de se prononcer sur tel ou tel projet, les propositions retenues en disent long sur les attentes des Rennais d’aujourd’hui. Ou d’une partie d’entre eux du moins.

Vivre ensemble et gens du voyage

Dans le quartier de Bourg L’Evêque/La Touche/Moulin du Comte, les deux projets retenus sont particulièrement évocateurs.

Il s’agit tout d’abord d’un « city-stade pour vivre ensemble » qui, à en croire son descriptif, est une idée portée par « les enfants du terrain des gens du voyage du Petit Champeaux ». Aidés bien entendu par des employés de la municipalité rennaise.

Nous y apprenons ainsi que, « depuis deux ans, les animateurs du service socio-sport du CPB interviennent les mercredis après-midi sur les deux terrains d’accueil des gens du voyage, afin de permettre aux enfants des terrains d’accéder à la culture sportive ».

Mais, pas de quoi satisfaire les gens du voyage visiblement car « malheureusement, ces séances d’initiation sont circonscrites dans une salle polyvalente (25 m²), ce qui limite le choix des activités ».

Luther King en renfort

Plus qu’un simple équipement sportif, les objectifs de ce futur city-stade sont aussi de pouvoir « offrir à ce public souvent délaissé des conditions de pratique décentes ». Mais pas uniquement car les gens du voyage ne seront pas les seuls à bénéficier du nouvel équipement si l’on en croit la présentation.

« L’ouverture à tous doit favoriser la mixité sociale : l’idée est que les jeunes du terrain du Petit Champeaux bénéficient de cette infrastructure mais aussi que les habitants des quartiers du Nord-Ouest, de Villejean, de la route de Vezin viennent pratiquer », peut-on ainsi lire. Tandis que jeunes gens du voyage et populations extra-européennes de certains quartiers rennais ne sont pas réputés pour leur volonté de « vivre ensemble » les uns avec les autres, le descriptif semble coupé de la réalité.

« Le sport peut devenir un outil fédérateur en favorisant l’échange et la rencontre de l’autre », nous apprend le texte publié par La Fabrique Citoyenne. Le tout avant de conclure par un argument d’autorité : une citation de Martin Luther King. De quoi faire oublier aux contribuables rennais les 250 000 euros nécessaires à la réalisation du projet.

Rénovation par le street art

Le second projet est donc, lui aussi, tout à fait dans l’air du temps. Il est cette fois question de redonner une nouvelle jeunesse à un pont enjambant la rue de Lorient. L’idée étant de faire « participer un ou plusieurs street artistes en vogue aujourd’hui à Rennes qui pourrai(en)t créer une belle œuvre ».

Voilà désormais que la culture street art est devenue l’ultime pansement d’un urbanisme sans réelle cohérence ni inspiration. Un pansement qui avoisine tout de même les 10 000 euros de budget.

Novlangue et gentrification

Le tableau rennais ne serait pas complet si, une fois évoqués les projets à destination des « jeunes défavorisés » ou valorisant la « culture de la rue », il n’était pas question des nouveaux urbains branchés. Ceux-là même qui sont au cœur des processus de gentrification en cours à Rennes comme à Nantes.

Ainsi, la création d’une guinguette dans le parc de Bréquigny ou encore la « végétalisation du centre-ville » ont été sélectionnées par les votants. De même que le projet baptisé « Place aux jeux et à la convivialité sur une place des containers végétalisée ». Tout un programme !

Par ailleurs, la création d’un « jardin chinois à Rennes » ainsi que l’aménagement de terrains de mölkky seront également financés par la ville. Enfin, il est à noter qu’aucun des 25 projets retenus ne fait référence à la Bretagne et à sa culture. Le Rennes de 2018 en somme…

Crédit photo : DR
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