Le « Koursk » de Roman Töppel : la Seconde Guerre mondiale revisitée

 La bataille dite de Koursk est le plus grand engagement de la Seconde Guerre mondiale. Elle se déroule du 5 juillet à la fin août 1943. Étirée sur plus de 1 000 km. de front, avec en son cœur  le « saillant de feu » autour de Koursk.

Pour les Allemands, c’est l’opération Citadelle, pour les Russes qui doivent le repousser, l’opération Roumantsiev. Elle engage 3 000 000 d’hommes, des milliers de blindés et d’avions. Les pertes soviétiques atteindront, au moins, 1 500 000 morts et disparus, côté allemand, autour de 200 000.

Et pourtant, c’est l’Armée rouge qui l’emporte. Une victoire décisive qui ouvre la reconquête de l’espace soviétique, Koursk sera magnifiée par les témoignages, le cinéma. Un film-fleuve, « Libération » sera vu par des dizaines de millions de spectateurs. Du côté allemand, la bataille sera regardée comme un échec majeur, un désastre, imputable au seul Hitler.

Toute une bibliographie, nourrie de témoignages, n’accédant pas aux archives (fermées, interdites) a longtemps nourri cette lecture idéologique de Koursk, comme d’ailleurs de Stalingrad ou du siège de Léningrad…

Roman Töppel est un historien de premier plan qui dirige l’édition critique en cours de Mein Kampf. Il a longuement étudié les guerres napoléoniennes. Son dernier ouvrage, traduit et annoté par Jean Lopez (un des très rares historiens français habilités à parler du front de l’Est) a connu un véritable intérêt outre-Rhin.

Töppel a certes usé des témoignages mais avec un regard très critique. Il a ouvert des archives techniques qui lui ont permis de remettre en cause la lecture convenue de Koursk. Il met en avant de nouvelles pistes qu’il conforte par tout son travail de chercheur.

Résumons :

– Côté allemand, il souligne la supériorité technique, la qualité des armements vite et bien maîtrisés par des combattants aguerris. Mais cette supériorité a été remise en cause par les choix stratégiques du haut-commandement. Hésitations, tergiversations ont encombré la démarche de Manstein qui s’est ensuite défaussé de son échec en l’attribuant à Hitler. En fait, il semble bien que celui-ci ait eu un regard plus juste et plus réservé sur cette offensive de la dernière chance à l’Est.

– Côté soviétique, la victoire du maréchal (sic) Staline est en fait celle de Joukov qui se montre ici un très grand stratège. Mais il est freiné par des chefs subalternes trop souvent médiocres, les purges des années 30 ayant éliminé les meilleurs cadres. Les combattants, solides, endurants ont été délibérément sacrifiés. Ils ont servi des armes nombreuses mais inférieures à celles de l’ennemi. Quant à la guerre des partisans, exaltée à outrance, elle n’a pas joué le rôle qu’on lui attribuait.

Ainsi, la contribution de Töppel est-elle particulièrement salutaire puisqu’elle donne l’exemple de ce qui doit être engagé pour connaître et comprendre un conflit raconté trop souvent par les seuls vainqueurs. Pour la France, on peut mesurer tout ce qui reste à faire quitte à bien écorner le détestable « roman national ».

Jean Heurtin

   * Roman Töppel, Koursk, 1943, Perrin/Ministère des Armées.

Crédit photo : DR
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