Depuis le 29 janvier, des travaux assurés par les services du conseil départemental de Loire-Atlantique ont lieu sur la RD281 (les Ardilières – le Bois Rignoux). Une semaine avant, le 22 janvier, 200 personnes – paysans et habitants de la ZAD – s’étaient rassemblées pour démonter le gros des chicanes, mais avaient du laisser en place l’épicerie du Sabot (Lama Fâché), construite au bord de la route.
Protégés par un important déploiement policier du fait de la présence hostile de plusieurs dizaines d’activistes d’extrême-gauche qui se refusent à la réouverture de la route imposée par les organisations paysannes, ces travaux avancent laborieusement et témoignent de la défaite majeure des zadistes : si l’aéroport est enterré, son monde vit toujours. C’est le mouvement collectif des zadistes, s’il a jamais existé, qui s’effondre.
Zadistes contre zadistes pour nettoyer la route avant le passage de la préfète
Quelques jours avant avait eu lieu une forte confrontation des zadistes des abords et de ceux qui sont les plus proches des organisations paysannes. Cheville ouvrière de la transmission des décisions des paysans anti-aéroport (Copain 44, Acipa, Confédération paysanne) sur la ZAD, le CMDO, groupe de zadistes volontiers taxé d’autoritarisme par d’autres avait sorti les pieds de biche : « le jeudi 25, au matin, alors que des personnes sont sur le toit et à l’intérieur de Lama Fâché, une trentaine de mecs du CMDO et leurs amis de la Maison de la Grève de Rennes commencent à démonter la cabane avec pieds de biches et marteaux ».
Un autre texte donne une relation proche au sujet du rôle du groupe de la Maison de la Grève à Rennes, issu de la mouvance autonome : « toujours mode gros bras et sans aucun respect pour les gens pour qui elle était un lieu chargé d’histoires. Comme pour la destruction de la cabane du sabot, une bande de spectateur[s] des comités de soutiens à l’ACIPA était là. Le comité de la maison de la grève et leur potos de la ZAD furent à la pointe de ce sinistre moment en grimpant sur la cabane et en commençant à la « démonter » avec acharnement ». Un témoin abonde : « le matin, des uniformes north face, quechua et gilet jaune débarquent autour de Lama Faché. Le récit publié est correct. Au delà d’une embrouille de millieu, c’etait une opération de maintien de l’ordre ».
En parallèle, les positions opposées au nettoyage ont été étouffées – pour un mouvement « collectif » et « démocratique », ça fait désordre : « plusieurs textes critiques du nettoyage n’ont pas été publiés sur le site zad.nadir, ainsi que sur la liste inter-comités qui est passée soudainement d’une publication directe à une modération pour « filtrer » les positions gênantes » ; quant au communiqué mettant en cause la Maison de la Grève de Rennes, il a été refusé sur le média d’extrême-gauche rennais Expansive.
Les bonnes habitudes de censure et de baston contre les déviationnistes ont la vie dure… Les intéressés appellent eux-même à la censure là où il est sorti. Commentaire d’un militant : « moi j’ai connu la Maison de la Grève à Rennes qui était une sorte de B17 à Nantes donc une certaine diversité. Puis est arrivé un groupe qui a pratiqué la domination et l’exclusion selon les pratiques appélistes. Les appélistes appelant à la censure ,ça n’a rien d’étonnant ! Leur site lundi « machin » ne leur suffit pas. Bas les masques et enfilez vos gilets pare balles! »
Après un « simulacre de négociation » et le toit démonté, les zadistes des abords démontent la cabane eux-mêmes dans l’après-midi pour la reconstruire 15 mètres plus loin dans un pré. Résultat, le lendemain la préfète pouvait passer tranquille, seulement saluée par quelques fesses dodues de zadistes opposés à la réouverture de la route. Car la question de la RD281 reste un très bon marqueur des dissensions fortes entre zadistes eux-mêmes, et entre zadistes et paysans. Et de la gestion catastrophique de l’avenir après la lutte anti-aéroport, puisque les divisions anciennes sont en train de faire exploser le mouvement collectif.
Infotraflics et travaux à rythme très poussif
Après le curage des fossés et le nettoyage de la route, les services du CD44 en sont maintenant à la pose de 22 buses sous les entrées de champs. Posée le 22 février, l’une d’elles a été dégradée la nuit suivante, puis remplacée. Des barricades sont aussi dressées le week-end, lorsque les travaux s’interrompent.
Cependant, le busage a été achevé vendredi dernier ; cette semaine, ce sont les travaux de réfection de la chaussée, des marquages au sol et de la pose de la signalisation qui commencent. Le conseil départemental espère toujours rouvrir la route à la circulation mi-mars. Il l’avait interdite à la circulation et retirée du réseau routier départemental en juin 2013.
Les travaux s’accompagnent aussi d’une forte présence policière : « Depuis 3 semaines, la zad vit une énorme présence policière. Sous prétexte d’encadrer des machines de travaux, entre 20 et 50 fourgons des gendarmes mobiles occupent la D281 tous les jours, empêchant les gens d’emprunter la route », écrivent ainsi le 24 février des zadistes installés non loin des travaux, dans l’ancien cœur historique de la ZAD autour des Planchettes devenu depuis 2013 le centre de la « zone non-motorisée ». Ils font aussi état de « passages réguliers de l’hélico et d’un drône, la présence d’un camion avec caméra télescopique et une antenne d’écoute, des physionomistes, et la prise d’images vidéo constante ».
Au quotidien, les « infotraflics » font état par exemple de « 5 camions de gendarmes mobiles aux Ardilières », le 26 février au matin. Le 19 février, « les flics sont au Bois Rignoux [carrefour de la RD42 et de la RD281 au nord de la Pâquelais, près du centre de santé] Ils font un barrage à la Paquelais. Les travaux concernent les fossés entre Bel air et Ardillères », au nord de la limite de la ZAD donc. Le cinq février, « une dizaine de poids lourds bâchés des flics [en fait des gendarmes] sont entrés sur la ZAD » écrivent les occupants ; la veille, « une voiture a été incendiée au niveau de bison futé. La voiture a été enlevé ce matin par le manitou de COPAIN44 », le collectif des paysans opposés à l’aéroport qui a installé plusieurs exploitations agricoles sur l’ex-ZAD, favorable à la réouverture de la route.
Plusieurs cabanes auraient été visitées par les policiers présents en absence de leurs occupants, « comprendre par là : entrer et tout retourner ». Ces derniers dénoncent l’irrespect d’engagements pris par le conseil départemental auprès des occupants : « le débroussaillage a été fait plus près que prévu, les fossés surcreusés malgré le fait que [ce n’est] pas la période pour du curage complet à cause des habitats des amphibiens, et plusieurs entrées de champs ont été enlevées ». De leur côté les zadistes ont démonté deux cabanes (Bison Futé et Lama Fâché) et déplacé une troisième (aux Planchettes le 19 février), ils continuent d’exiger que la route « soit limitée en vitesse à 50km/h avec des sections à 30 et des ralentisseurs » à cause des nombreux « lieux de vie » aux abords.
Une présence policière qui agace tout le monde
Les habitants historiques et ceux des alentours de la ZAD commencent eux aussi à trouver le temps long. « Je suis contrôlé au moins deux fois par jour, matin et soir », nous explique ainsi un artisan qui emprunte la RD281 pour aller à Nantes. « J’ai arrêté de passer par là alors que je l’empruntais toutes ces années où il y avait les chicanes ; marre des contrôles », nous affirme un paysan des abords de la ZAD.
Cela dit, des locaux ne sont pas dupes : si les policiers sont là, c’est qu’il y a des occupants hostiles qui sans cela pourraient s’en prendre aux ouvriers qui travaillent sur la route. « Qui sont les occupants ? Qui souhaite empêcher la ré-ouverture de la route souhaitée par la majorité du mouvement ? Qui met tous les jours la pression sur les ouvriers, donnant ainsi prétexte aux flics de justifier leur présence ? Faudrait pas prendre les gens pour des cons », s’insurge l’un d’eux sur Indymedia. Ceux qui ont été pris pour des « cons » pendant des années par l’État, certains zadistes et les politiques pourraient finir par se rebeller. Car comme le dit une vieille chanson, « apprenez la manière d’avoir de bons bâtons / Car voici le printemps et aussi la saison / Pour aller à la guerre donner des horions ».
Emilie Lambert
Crédit photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2018, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine