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Breton et Européen, je ne me sens pas Français : en ai-je le droit ?

Nadine Morano qui qualifie l’hystérique Rockhaya Diallo de « Française de papier », Denis Tillinac qui rappelle que les Corses, Alsaciens et Bretons sont Français, un débat sur l’identité nationale toujours ouvert, jamais vraiment débattu, autant de raison qui me conduisent à expliquer aujourd’hui pourquoi, bien que je possède la carte d’identité française, je me sens Breton, Européen, mais pas Français, sans pour autant manquer de respect ou dénigrer ce pays qu’est la France.

Tout d’abord, pour moi, la France n’est pas « une et indivisible ». Il suffit, pour n’importe quel Breton, de se rendre à Nice, à Lyon, ou à Perpignan, pour se rendre compte de la différence qui existe avec les habitants de ces régions. Hormis la langue, ces Niçois, Lyonnais ou Catalans ne sont pas plus proches de moi que ne le sont des Flamands, des Tchèques ou des Italiens. Tout du moins ce n’est pas mon ressenti, moi qui me sent nettement plus chez moi lorsque je vais en Écosse ou en Irlande, et même en Angleterre, que lorsque je vais à Paris ou dans la Creuse.

C’est une question de ressenti, et à ce que je sache, il n’est pas (encore) interdit de ressentir.

Sur ma carte d’identité, il est écrit avant tout « République française » et non pas « France ». Une raison supplémentaire pour ne pas me sentir Français. Pour moi, la République française, c’est le « vivre ensemble » imposé, ce sont « mes compatriotes d’outre-mer », avec qui je n’ai rien en commun, ce sont ces immigrés venus du monde entier qui chaque année un peu plus, obtiennent la même carte d’identité que la mienne sans que jamais un gouvernement ne m’ait consulté pour me demander mon avis. Ce sont toutes ces minorités qui, chaque jour, s’accaparent un peu plus l’espace médiatique, reléguant le mâle blanc et hétérosexuel que je suis au rôle d’oppresseur, de prédateur sexuel potentiel, et d’espèce que l’on souhaiterait en voie de disparition.

Ce sont enfin des références historiques, de Jeanne d’Arc à la Révolution française, en passant par Charlemagne, ou par De Gaulle qui me laissent totalement de marbre. Je ne vais tout de même pas m’excuser de ne pas vibrer pour ce roman national, et de m’enthousiasmer bien plus pour les chouans, pour les exploits de Nominoe, pour William Wallace ou pour les insurgés de Pâques 1916.

La langue, y compris maternelle, ne fait pas tout. Je parle aussi anglais, ou espagnol, je ne suis pourtant ni Anglais ni Espagnol. Je parle très mal le breton, et pourtant je suis Breton. C’est comme cela, je me sens chez moi de Brest à Clisson, et dès que je passe la Gravelle ou de l’autre côté de la Loire, ou encore le mont Saint-Michel, je me sens, psychologiquement « à l’étranger ».

Ce n’est ni réducteur ni insultant vis-à-vis de mes voisins, je me sens aussi profondément Européen, j’aime découvrir les moindres recoins de ce continent.

Il s’agit simplement d’un schéma psychologique, mental, qui dépasse toute la valeur d’une CNI plastifiée . Une CNI qui, si on écoute attentivement nos dirigeants, pourrait être acquise par tout un chacun sur la planète du moment qu’il fait l’effort de parler français, qu’il fuit la guerre, la famine, ou la misère, ou qu’il a pour projet de travailler ici.

Nos peuples en Europe ne sont pas de simples robots voués à travailler et à parler la langue du pays dans lequel ils vivent : ils sont les héritiers d’une histoire, d’un code génétique, de cultures, de tradition, et de ressentis qui dépassent et qui ne se comparent pas avec le bon vouloir d’un agent administratif en Préfecture estampillée « République française ».

Et qu’on ne me parle pas des prouesses sportives des uns et des autres qui permettraient de « fédérer la nation ». J’ai regretté la défaite croate en 1998, j’exècre au possible les équipes de France de sport collectif depuis ma plus tendre enfance, et je choisirai toujours le parti, dans ces sports collectifs, des autres nations européennes contre celui de la France, sélection nationale qui est pour les dirigeants et les élites un laboratoire à « vivre ensemble » qui me dégoûte profondément. Collabo ? Non. Européen ? Oui.

Voilà où nous en sommes aujourd’hui. Breton, européen, je ne me sens nullement Français, et encore moins citoyen de la République. Cela n’enlève en rien le respect que j’ai pour ceux qui s’engagent et combattent pour ce drapeau, comme pour d’autres d’ailleurs. Et l’affection que je peux avoir pour ceux qui s’en revendiquent, mais qu’on nous laisse juste tranquille avec notre ressenti.

Je troquerais, si je le devais, ma Carte nationale d’Identité contre n’importe laquelle en Europe, puisqu’avant toute chose, c’est le sang qui coule dans mes veines, c’est mon histoire, c’est mon ADN, ma culture, mes goûts aussi, qui déterminent ce que je suis aujourd’hui, et ce que seront mes enfants demain.

Cela ne vous plait pas ? Alors, retirez-moi ma nationalité française, ce fardeau, cet obstacle à toute idée bretonne et européenne, ce vecteur de risée dans l’Europe entière en raison de ce que ce pays est aujourd’hui devenu.

Mais vous ne m’empêcherez jamais d’avoir honte lorsque, devant franchir une frontière y compris au sein même de notre Europe, je dois sortir cette carte plastifiée qui m’assimile de facto, de façon républicaine, à tout ce que je ne suis pas.

Julien Dir.

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