Ayant bénéficié en 2017 d’un don de plusieurs centaines d’illustrations et de dessins de Marguerite Chabay, le Musée départemental breton de Quimper lui consacre actuellement une exposition ayant pour but de faire découvrir au public l’œuvre de cette talentueuse artiste quimpéroise injustement oubliée.
Née en 1917 à Quimper au 49 de la rue Kéréon, Marguerite est le quatrième enfant d’une famille unie et aimante qui saura l’entourer et l’aider à surmonter le terrible handicap qui est le sien, une arthrogypose qui soude et bloque ses articulations.
Malgré cela, elle va contracter très jeune la passion du dessin et trouver des sources d’inspirations dans les récits que lui conte Marie Manchec, employée pour s’occuper d’elle après avoir été plusieurs années durant l’employée de maison d’Anatole Le Braz. Point n’est besoin d’être grand clerc pour comprendre l’influence qu’aura cette dernière sur Marguerite. Une autre rencontre à l’aube de l’adolescence sera déterminante pour l’illustratrice, celle avec Renée Cocheril. Marguerite a 14 ans, Renée 35 ans mais malgré cette importante différence d’âge vont naître une complicité et une amitié intellectuelle et artistique qui durera près de 40 ans.
En 1937, Marguerite Chabay a 20 ans, elle a déjà réalisé plusieurs petits travaux d’illustrations, des cartes de vœux, et des projets d’affiches dont un pour la foire exposition de Quimper. Elle a aussi illustré un texte de la Comtesse de Ségur. Elle reste cependant peu connue hors des frontières de Cornouailles.
C’est après avoir été contactée par la maison d’édition Gautier-Languereau en 1938 pour illustrer plusieurs petites historiettes destinées à la Semaine de Suzette que son nom va enfin commencer à se faire connaitre et surtout que son talent va éclater. Finesse des traits, réalisme des personnages, harmonie des couleurs dans un style qui n’a rien à envier à des illustrateurs aussi talentueux que Kate Greenaway où Arthur Rackham.
Malgré cette première reconnaissance du milieu éditorial, les nombreuses autres illustrations qu’elle réalisera (Souriceau et Souricette, Les 4 filles du docteur March, la Petite fille aux Allumettes, les Trois Bandits) resteront malheureusement orphelines de toutes publications.
L’exposition permet heureusement de découvrir esquisses, planches et dessins jusqu’ alors inconnus du public.
Il faudra attendre 1945 pour que soit enfin publié aux éditions GP un livre enrichi de ses illustrations. Écrit avec sa sœur ainée, les « Volontaires du Général Larafale » s’inscrit dans la veine des récits patriotiques d’après-guerre destinés à la jeunesse. L’observation des illustrations ayant servi à ce livre permet de dire sans exagération que sa technique de représentation des enfants n’est pas sans similitudes avec le travail d’un des plus grands illustrateur français du XX° , Francis Poulbot.
Malgré quelques parutions dans la Semaine de Suzette de ce que Marguerite Chabay aurait voulu être sa grande œuvre Minouchette et Catchipou, elle n’arrivera pas à percer dans l’édition enfantine.
A partir des années 50, elle fera passer au second plan sa passion du dessin pour s’engager au service des adultes handicapés.
Durant toutes ces années, parallèlement à l’illustration enfantine, Marguerite Chabay va aussi être un témoin précieux de la vie quimpéroise de l’époque. A travers, une multitude de dessins et croquis, elle nous offre une représentation des petits métiers présents dans la ville : sabotier, fileuse, potier, drapier ou vendeur de porcelaine.
De la place Médard aux bords du Steir, de la rue du Salé à la cathédrale Saint Corentin, avec son style à la fois naïf et réaliste, elle donne l’occasion aux visiteurs de l’exposition de se laisser emporter par leur imagination pour ressentir à la vue des costumes chamarrés et des coiffes lumineuses la vie de la population cornouaillaise de l’époque.
L’attachement à ses racines, l’amour de la Bretagne, sa foi catholique vont inspirer Marguerite et l’on ne peut que regretter que les magnifiques illustrations de l’enfance de Jésus, sa vie des Saints bretons comme ses tableaux de scènes de genres n’aient pas trouvé d’éditeur.
Quelques projets d’affiches et des couvertures de guide où brochures touristiques réalisées par ses soins viennent compléter et témoigner de la diversité de son talent et de la richesse de son œuvre.
Le Musée départemental breton nous offre donc là une bien belle exposition à voir, quelques instants en dehors du temps, quelques minutes de quiétude et de nostalgie d’une douceur de vivre révolue et rend là un hommage bien mérité à une grande illustratrice quimpéroise. A voir sans hésiter.
Yannig Berthelot
Du 9 février au 20 mai, exposition L’enfance rêvée, dédiée au travail de Marguerite Chabay, au Musée départemental breton,1 Rue du Roi Gradlon, 29000 Quimper . Du mardi au vendredi : de 9 h 30 à 17 h 30 et samedi et dimanche de 14 h à 17 h 30. Tarif plein : 5 €, réduit : 3 €. Gratuit le week-end.
Crédit photo : DR
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