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Nantes. Opposés à l’accord UE – Mercosur, les agriculteurs évoquent l’exemple russe

23/02/2018- 10h50 Nantes (Breizh-info.com) – Voir des tracteurs manifester à Nantes, les Nantais ont l’habitude. Les mélangeuses à paille, moins. Pourtant, entre 11 et 15 heures ce mercredi, près de 160 agriculteurs, une quinzaine de tracteurs et des mélangeuses se sont installés face à la préfecture de Nantes, afin de protester contre la signature de l’accord de libre-échange entre l’UE et le Mercosur (Amérique du sud). Elle pourrait intervenir dès fin mars 2018, après que les négociations aient commencé… en 1999.

A l’appui de leur délégation envoyée à la préfecture, les agriculteurs ont déversé contre les murs, projetées par les mélangeuses, l’équivalent de 7 remorques de paille mélangée à des prospectus. Allégorie de la paperasserie qui pèse sur les agriculteurs ou des mots qui s’envolent tandis que les écrits, eux… aussi ? Non, « ce sont des plumes de poulets », répliquent des agriculteurs énervés mais facétieux alors que les forces de l’ordre – gendarmes mobiles et CRS – en nombre, entourent la Préfecture et ont dressé une barrière anti-émeute près de l’Erdre.

« Une incohérence totale de la part du gouvernement »

Les agriculteurs dénoncent « une incohérence totale de la part du gouvernement » et une « trahison » de l’agriculture française déjà plongée dans une crise profonde – hormis quelques filières, nombre d’agriculteurs ne gagnent pas leur vie, voire perdent de l’argent en travaillant pourtant d’arrache-pied. Il se trouve en effet, d’après la FNSEA, qu’outre mettre encore plus à mal les filières agricoles françaises, les produits du Mercosur seraient aussi bourrés de substances interdites en France (hormones de croissance, OGM, pesticides…).

« Nous on produit en se pliant à des normes, conformément aux attentes des consommateurs », nous explique un agriculteur. « Là, on fait introduire sur le marché des produits qui ne répondent pas aux normes françaises, et qui contiennent 36 substances ou produits dangereux ». Joël, producteur lait et viande dans le pays de Blain, renchérit : « déjà qu’on ne se sort pas de la crise du lait [qui s’est muée cet automne en pénurie de beurre] mais en plus ils vont tirer nos prix à la baisse. Eux vont s’en sortir, pas nous ».

Selon la FNSEA, « un contingent de 100 à 130.000 tonnes de viandes bovines sud-américaines, à droits de douane quasi-nuls », devrait être autorisé sur le marché européen, qui plus est « sur le segment de l’aloyau allaitant (morceaux nobles, à griller) estimé à 400.000 T seulement au niveau européen ». Pour la volaille, « 78.000 T équivalent carcasses » ont été proposées par l’UE au Mercosur, alors que 500.000 T de volaille sont déjà importées du Brésil en UE et que « un poulet sur deux consommés en France est importé », soit de l’UE, soit d’ailleurs. L’accord de libre-échange s’étend aussi aux produits à forte teneur en sucre, substituts d’éthanol, volaille et autres céréales…

La FNSEA estime en conséquence que si l’accord est adopté, il y aura « une baisse de 9.60% du prix du jeune bovin payé au producteur français, soit une diminution de 30 à 60% du résultat courant des exploitations spécialisées bovin viande ». Et 30.000 emplois, sur les 104.000 directs dans la filière bovins-viandes, seraient menacés. Sans parler des conséquences en cascade dans l’industrie de transformation ou dans les autres filières agricoles. Du fait de l’importance de l’agroalimentaire en Bretagne, elle serait – à nouveau – en première ligne.

Les agriculteurs brocardent aussi l’irrespect des engagements pris par les grandes surfaces lors des états-généraux de l’alimentation : « on assiste à un festival de promotions scandaleuses », comme les dix kilos de pommes de terre à 1 euro ou du lait bio à 0.67€ le litre ( !) voire à des exigences – pendant les négociations avec les producteurs – de baisses de prix de 10 à 20%, toujours au nom de la « bataille du pouvoir d’achat » qui se fait « surtout sur le dos de l’agriculture française », estime ainsi un jeune agriculteur en train de s’installer.

Le modèle russe ?

Bref, la FNSEA conclut que « les scandales au Brésil [molécules interdites, trafic de viande avariée] devraient conduire l’UE à fermer les frontières, comme vient de le faire la Russie ». En novembre dernier, l’agence sanitaire agricole russe Rosselkhoznadzor a suspendu à partir du 1er décembre ses importations de bœuf et porc depuis le Brésil, après avoir détecté de la ractopamine – une hormone de croissance interdite en Russie – dans la viande. Le Brésil représentait en 2017 plus de la moitié (52.1%) des importations de viande en Russie, pour une valeur de près d’un milliard de dollars. Pour les mêmes raisons, en février 2017, la Russie avait aussi fermé ses portes au bœuf néo-zélandais.

Cependant en parallèle la Russie a décidé très récemment d’augmenter ses importations en provenance de Colombie et d’Argentine – bien que son agriculture soit en pleine modernisation et les capacités de production augmentent significativement depuis plusieurs années, elle n’arrive pas encore à satisfaire toute la demande intérieure.

Cependant, depuis l’embargo sur les productions agricoles occidentales (EU, USA, Australie, Norvège [hors poissons et pisciculture], Canada) – la réponse de la Russie aux sanctions qui l’ont visée depuis 2014 – la politique de « remplacement de l’import » par l’augmentation de la production nationale a porté ses fruits. Dans la filière porcine, l’import ne représentent plus que 8% de la consommation en 2017 contre 26% en 2013, selon le ministère de l’Agriculture russe.

Si la hausse des prix à la consommation – de 25% en moyenne pour les viandes à 46% pour les légumes sur la période 2013-2017 – a pénalisé les consommateurs, elle a aussi permis aux agriculteurs et à l’industrie de transformation d’augmenter leurs revenus. Et donc se moderniser pour produire plus et mieux ou diversifier leur production.

Ils ont aussi été aidés par d’importants subsides de l’État représentant l’équivalent de 3.5 milliards d’euros en 2017. La valeur des importations a été divisée par deux en quatre ans – de 43 milliards de dollars en 2013 à 25 en 2017. Pour les légumes, le tonnage importé a été divisé par deux dans (463.000 T en 2016) sur trois ans tandis qu’en parallèle, la production des légumes dans les serres russes augmentait de 30%.

Louis-Benoit Greffe

Crédit photo : Breizh-info.com
[cc] Breizh-info.com, 2018, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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