Front national. Il y a 40 ans, l’assassinat de François Duprat [Interview]

Le 28 février prochain sortira le premier tome des mémoires de Jean-Marie Le Pen, fondateur du Front national, livre intitulé « le temps des épreuves, 1928-1972 ». Dans le même temps, un autre livre, concernant un autre fondateur du Front national, fait moins de bruit mais mérite également que l’on s’y attarde, « François Duprat, le prophète du nationalisme révolutionnaire », édité par les éditions Ars Magna.

Le 18 mars 1978, au lieudit Le Hameau de Gauville, près de Caudebec-en-Caux, François Duprat décède dans l’explosion de son véhicule.

Alors numéro deux du Front national, ou “ peut-être plutôt numéros un-bis ” selon l’expression de son biographe Nicolas Lebourg l’homme qui vient d’être ainsi assassiné est quasiment inconnu du grand public.

Par contre, il est une personnalité de premier plan du mouvement national français et Lebourg nous précise que sa vie se confond avec l’histoire récente de celui-ci : “ Co-fondateur de la Fédération des étudiants nationalistes, d’Occident, d’Ordre nouveau et du Front national, il participa à la direction et produisit la propagande de ces trois derniers mouvements, et fut exclu des trois premiers. Il anima ses Groupes nationalistes révolutionnaires à la lisière du parti présidé par Jean-Marie Le Pen. Durant le même temps, il établit des liens personnels avec la totalité des organisations néo-fascistes sis dans l’ensemble de l’Europe, et il collabora avec des mouvements arabes, en particulier les mouvements palestiniens al-Fatah et Front populaire de libération de la Palestine. Acharné de l’écriture, il fut l’auteur de plusieurs ouvrages, mais aussi d’articles politiques publiés dans une dizaine de journaux de la presse d’extrême-droite, et il créa lui-même une autre dizaine de bulletins et de revues. Il ne se satisfit pas pour autant d’un poste d’intellectuel, et mania de concert la barre de fer, alors qu’en règle générale l’activisme est une phase précédant l’engagement politique classique et non simultanée. ”.

Quarante années après son assassinat, et à quelques jours du congrès national du Front national, qui pourrait voir la modification du nom du parti fondé en 1972, ce livre, préfacé par Christian Bouchet, est un recueil de témoignages de camarades et de militants, mais aussi véritable anthologie, est incontestablement un témoignage important concernant l’histoire politique du 20ème siècle.

Car si François Duprat n’avait pas été assassiné le 18 mars 1978, qui peut dire quelle tournure aurait prise, par la suite, le Front national et plus globalement, la mouvance nationaliste en France ?

« François Duprat, le prophète du nationalisme révolutionnaire » – Ars Magna 

Le livre est vendu au prix de 32 euros  (franco) à Ars Magna, BP 60426, 44004 Nantes cedex 1 (à commander ici)

Nous avons interrogé Christian Bouchet, directeur des maisons d’édition Ars Magna et auteur de la préface de l’ouvrage.

Breizh-info.com : Christian Bouchet, vous venez de publier François Duprat, le prophète du nationalisme-révolutionnaire, pourquoi ?

Christian Bouchet : Pour deux raisons. La première parce que le 18 mars prochain on célèbrera le 40° anniversaire de son assassinat et qu’il convenait, à mon sens, que ceux qui ont milité avec lui dans les années 1970 lui rendent hommage par un livre qui est à la fois une anthologie et un recueil de témoignages.

La seconde, parce que le Front national va bientôt tenir un congrès décisif et qu’il me semblait donc nécessaire de rappeler à travers la figure de François Duprat qui furent ceux qui l’ont fondé et pourquoi ils combattaient.

Breizh-info.com : Nombre de nos lecteurs ignorent sans doute qui est François Duprat, pouvez-vous le leur rappeler ?

Christian Bouchet :  Dans la seconde partie des années 1970, François Duprat était le numéro deux du Front national, ou peut-être plutôt « son numéros un-bis » selon l’expression de son biographe Nicolas Lebourg. Quasiment inconnu du grand public, il était par contre une personnalité de premier plan du mouvement national français et Lebourg nous précise que sa vie se confond avec l’histoire de celui-ci : « Co-fondateur de la Fédération des étudiants nationalistes, d’Occident, d’Ordre nouveau et du Front national, il participa à la direction et produisit la propagande de ces trois derniers mouvements, et fut exclu des trois premiers.

Il anima ses Groupes nationalistes révolutionnaires à la lisière du parti présidé par Jean-Marie Le Pen. Durant le même temps, il établit des liens personnels avec la totalité des organisations néo-fascistes sis dans l’ensemble de l’Europe, et il collabora avec des mouvements arabes, en particulier les mouvements palestiniens al-Fatah et Front populaire de libération de la Palestine. Acharné de l’écriture, il fut l’auteur de plusieurs ouvrages, mais aussi d’articles politiques publiés dans une dizaine de journaux de la presse d’extrême-droite, et il créa lui-même une autre dizaine de bulletins et de revues. Il ne se satisfit pas pour autant d’un poste d’intellectuel, et mania de concert la barre de fer, alors qu’en règle générale l’activisme est une phase précédant l’engagement politique classique et non simultanée. »

Le 18 mars 1978, au lieudit Le Hameau de Caudevillé, près de Caudebec-en-Caux, François Duprat qui venait de diriger la campagne législative du Front national fut victime d’un attentat qui pulvérisa son véhicule et lui ôta la vie.

Breizh-info.com : Qu’est-ce que le nationalisme-révolutionnaire dont, comme vous, il se revendiquait ?

Christian Bouchet : François Duprat l’a ainsi définit dans son Manifeste nationaliste-révolutionnaire :

« Le nationalisme-révolutionnaire représente une tentative de prise en charge de la crise actuelle de l’Europe, sur le plan d’une remise en cause radicale des valeurs de ladite société. Le nationalisme-révolutionnaire propose comme noyau central de l’action humaine l’idée de nation, conçue comme un rassemblement organique d’éléments qui, sans elle, ne représenteraient qu’un agrégat sans consistance et traversé de tensions destructrices. La nation organisée ne peut être qu’une nation où les différences de classe ont été éliminées d’une façon réelle, et non par des vœux pieux, car de telles différences supposent automatiquement des tensions, néfastes à l’harmonie nationale. Ces tensions doivent être éliminées par l’État, qui est celui du peuple tout entier.

Le nationalisme-révolutionnaire envisage la France comme une nation colonisée, qu’il est urgent de décoloniser. Les Français se croient libres alors qu’ils ne sont, en vérité, que les jouets des lobbies étrangers, qui les grugent et les exploitent, grâce à la complicité d’une fraction des classes dirigeantes, à qui ces lobbies jettent quelques morceaux de leur festin.

Face à cette situation, nous pouvons estimer que les conditions de lutte des nationalistes-révolutionnaires sont similaires à celles qui furent le lot des groupes nationalistes du tiers monde (il importe peu, à cet égard, que la France, en raison de son passé colonial, ait été, en même temps, durant une certaine période, à la fois colonisatrice et colonisée).

Il est évident que cette situation de pays colonisé n’est pas perçue par nos compatriotes ; cette cécité n’est due qu’à l’habilité de nos exploiteurs, qui n’ont de cesse que de prendre le contrôle des médias, puis, insensiblement, de toute notre culture nationale, dont la réalité même peut désormais être délibérément niée. Par cette méthode, il devient incontestablement très difficile de faire comprendre aux Français qu’ils vivent dans un pays dont le peuple n’est pas forcément maître de son destin.

Le processus de destruction de notre identité nationale, pour hypocrite et camouflé qu’il puisse être, n’en est déjà pas moins très fortement entamé et le premier devoir des nationalistes-révolutionnaire est d’y faire face. »

Breizh-info.com : Aujourd’hui quel héritage a laissé François Duprat ?

Christian Bouchet :  Sans provocation aucune, je dirais : tout d’abord le Front national. Sans François Duprat, celui-ci ne serait jamais devenu ce qu’il est. En effet, c’est Duprat qui lui fit, non sans mal, abandonner son positionnement anti-communiste atlantiste de départ pour en faire un mouvement anti-immigration et qui exposa dès le milieu des années 1970 toute la dialectique anti-immigration qui est toujours en usage maintenant. Dans une de ses études sur le FN, Nicola Lebourg a relevé : « Les nationalistes-révolutionnaires ont donné quatre idées au FN : l’anti-immigration, l’anti-américanisme, l’antisionisme, la défense de l’identité face au Système. Ils l’ont ainsi sorti de l’ornière de l’antisoviétisme. » De ces quatre idées, François Duprat est le concepteur de deux d’entre elles, les autres furent théorisées par ceux qui, comme moi, se voulaient ses disciples.

Notons que si Duprat avait vécu, l’avenir du FN eut pu être tout autre. À cette époque, il n’était pas encore « la chose » de Jean-Marie Le Pen et François Duprat militait pour qu’il soit organisé démocratiquement en interne, avec un droit de tendance reconnu, sur le modèle du MSI.

L’autre héritage de Duprat est celui des « trotskistes du Front national », ces groupuscules NR qui, de Troisième voie au Bastion social, en passant par Nouvelle résistance et Unité radicale, n’ont cessé d’agir sur les marges du FN et ont joué à son égard un rôle d’aiguillons et de passeurs d’idées et de stratégies.

Breizh-info.com : Les assassins de François Duprat n’ont jamais été identifiés. Avez-vous une idée de qui il gênait ?

Dans les années 1970, les antifas et gauchos n’étaient pas, comme maintenant, des petits-bras et on leur attribue, en Italie, en Espagne et en France, de nombreux attentats et assassinats. François Duprat fut leur victime car ils avaient compris sa dangerosité pour ce qu’ils représentaient.

Propos recueillis par Yann Vallerie

Crédit photos : DR
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