19/02/2018 – 06h45 Nantes (Breizh-info.com) – Comme à Saint-Brieuc, Lanester ou encore Cholet, Nantes a aussi vu des manifestants – en grande majorité des motards – se rassembler devant la Préfecture puis partir en opération escargot pour protester contre le durcissement des taxes et législations diverses qui pèsent sur les usagers de la route, et surtout l’abaissement de la vitesse à 80 km/h sur les nationales sans terre-plein.
Anthony est venu de Pornic avec sa voiture : « je suis travailleur pauvre, je n’ai pas le droit à l’emprunt, j’en ai assez d’être tabassé par toutes les taxes. Le contrôle technique, par exemple, est passé de 60 à 120 € en trois ans et a été encore durci [à partir du 20 mai 2018 il y aura 132 points de contrôle étudiant 606 défauts possibles dont 467 soumis à l’obligation de contre-visite, contre 123 points de tests pour 453 défauts dont 196 soumis à contre-visite auparavant], tout augmente, les péages notamment, c’est l’horreur ».
En parallèle, les infrastructures ne suivent pas et les déplacements sont de plus en plus longs : « en 2010, je travaillais à Vertou, je partais à 7h10 de Pornic pour embaucher à 7h30 ; en 2014 quand j’ai arrêté là-bas, je partais à 6h45, tout ça pour 40 km. J’éprouve un ras-le-bol complet ».
Sloane Gérard n’a que 25 ans, et avec quelques autres personnes elle est à l’origine du collectif Colère 44 qui regroupe aujourd’hui plus de 2000 personnes – en majorité des motards. « Nous sommes en colère contre tout ce que l’Etat nous fait, contre les lois qu’ils nous pondent. Nous sommes dans la classe moyenne, taxés jusqu’au bout et sur tout, ras le bol ».
Pas motarde, elle est de Riaillé, dans le nord-est de la Loire-Atlantique. « Ils disent que les 80 km/h c’est pour la sécurité, ils feraient mieux de refaire les routes, quand on voit les nids de poules, y a du boulot. Si c’est par écologie, à 80 km/h il y a une surconsommation de gazoil, on est en surrégime (4e) ou en sous-régime (5e) [ce qui induit un risque d’usure prématurée des moteurs, NDLA]. Qu’ils nous remettent avec des calèches et des chevaux dans ce cas ! »
Vincent est aussi à l’origine du groupe, « il y a un mois, un mois et demi ». Les autres départements autour de la Loire-Atlantique ont des groupes similaires, « notamment le 72 [Sarthe], le 56 [Morbihan], la Vendée, l’Anjou, la Haute-Garonne et les Landes ailleurs en France. S’ils ne nous entendent pas dans nos départements, nous irons à Paris ». Colère 44 a déclaré sa manifestation, mais n’envoie pas de délégation à la préfecture : « nous ne sommes pas un syndicat. Est-ce que le préfet vient nous voir ? S’il veut nous voir on l’écoutera ».
Il est de Guérande, et lui aussi n’est pas convaincu par les 80 km/h. « Qu’ils commencent par refaire les routes. Les 80 km/h n’ont pas fonctionné ailleurs [en Finlande, la vitesse n’est abaissée sur le réseau routier que l’hiver, en Suisse le bilan est mitigé, l’exemple souvent donné est celui des Pays-Bas ], et en France non plus [les accidents ont même augmenté]. Je suis chauffeur routier, ça signifie donc que tout le monde sera à la queue leu leu derrière les camions, ça va être le bazar pour dépasser, il y aura des accidents… et des amendes ». Pour lui, ce n’est « qu’une nouvelle solution pour taper dans le porte-feuille des gens ». Qui n’en peuvent plus, la Cour des Comptes a relevé dernièrement 700 millions d’€ d’impayés d’amendes routières, soit 30% des PV. « Pas étonnant ; avec tout ce que les gens paient, on en est réduits à travailler pour survivre ».
Cheyenne et Carole sont venues participer à la manifestation. Pour elles aussi, l’amélioration de la sécurité routière ne passe pas par le 80 km/h, « ridicule », pour Cheyenne. « Il faut déjà refaire les marquages au sol sur les routes, la nuit, on ne voit rien », remarque Carole. « Il y a des routes complètement pourries, par exemple la route qui passe au centre de Pont Saint-Martin, il y a des trous. Les dos d’âne rouges [coussins berlinois] qui glissent quand il pleut – c’est vrai qu’il ne pleut jamais par ici. Les réparations des routes, c’est du raccommodage, on glisse quand il pleut sur les plaques, le gravier c’est pareil, pas mieux ».
Carole a encore une proposition : « s’ils veulent vraiment protéger les motards et diminuer la gravité des accidents, il faut mettre des doubles glissières sur le périphérique pour éviter qu’on ne s’encastre ». Bref, conclut Cheyenne, « on paie des amendes, on nous aligne, soi-disant pour améliorer la sécurité routière, mais il n’y a aucune avancée, rien de concret derrière ».
Un CRS : « le 80 km/h, il n’y a que des inconvénients »
Non loin du cortège, un CRS commente – en tenant à rester anonyme. « C’est vrai que le 80 km/h, il n’y a que des inconvénients. Plus de pollution, ça n’a pas marché à l’étranger, ça use les moteurs. Bref, c’est encore un truc pour mettre des amendes pendant quelques années, quand ça ne marchera plus, il y aura une autre idée du genre ». Pour sa part, « j’ai fait du contrôle routier, la vitesse, ce n’est pas le gros des infractions. Ce sont surtout des fautes d’inattention, le téléphone au volant, beaucoup la consommation d’alcool voire le mélange avec des stupéfiants, notamment en région parisienne. La vitesse, c’est un faux problème ».
Pendant ce temps, les motards ont fini de se préparer. Ils démarrent, prêts à partir pour Commerce puis à sortir sur le périphérique par la porte de l’Estuaire, pour en faire un tour complet et revenir par le Hangar à Bananes. « Bonne manif à tous et à la semaine prochaine ! », crie Vincent. Le rassemblement est prévu à 14h toujours, mais cette fois sur le cours Saint-Pierre.
Louis-Benoît Greffe
Crédit photos : Breizh-info.com
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