Voile. Rencontre avec Clarisse Crémer, skipper pleine d’avenir

Nous somme allés à la rencontre de Clarisse Crémer, skipper, pour recueillir ses impressions et ses projets, quelques mois après sa magnifique deuxième place sur la mini transat. Nous avons choisi de lui poser quelques questions car elle a su nous faire participer à sa course, ainsi qu’à sa préparation, au moyen de nombreuses vidéos postées sur son site internet et sur sa page Facebook.

Loin du professionnalisme des grosses « écuries » , Clarisse a montré qu’avec beaucoup de volonté on peut faire de grandes choses, se dépasser et réaliser ses rêves !

Breizh-info.com : Bonjour Clarisse, merci d’avoir accepté de nous répondre, pouvez vous vous présenter, ainsi que votre parcours?

Clarisse Crémer : J’ai 28 ans, j’ai débuté la course au large il y a maintenant 2 ans, dans l’objectif de participer à la Mini Transat 2017, course transatlantique en solitaire sur des petits bateaux de 6m50.

Après 2 années de préparation et de qualification, j’ai finalement pris le départ de cette course en octobre 2017 et suis arrivée 2ème sur 55 concurrents en Martinique après 25 jours de mer en deux étapes.

Breizh-info.com :  Qu’est ce qui vous a donné envie de vous lancer dans le circuit mini?

Clarisse Crémer : C’est en partie dû au fait que j’avais suivi mon copain, Tanguy Le Turquais, pendant 2 Mini Transat (2013 et 2015). Grâce à lui j’ai été piquée par le virus, mais j’ai encore un peu de mal à expliquer pourquoi je me suis lancée du jour au lendemain ! Une envie d’oser sans trop calculer… un peu obligatoire quand on se lance dans ce genre de projets fous.

Breizh-info.com : Parlez nous de la Mini Transat, elle n’est « mini » que par la taille des bateaux, c’est bien ça?

Clarisse Crémer : Exactement, les minis sont les plus petits bateaux de course au large, ce sont de véritables bolides de 6m50. A l’intérieur on ne tient pas debout et l’arrière fait à peine 3m de large, bref on est à l’étroit mais on fait une vraie transat, de La Rochelle à La Martinique avec une escale aux Canaries pour attendre la fin de la période des cyclones.

Breizh-info.com : Comment avez vous préparé cette course, en sachant que vous n’êtes pas professionnelle, et qu’il a donc fallu j’imagine, adapter votre vie professionelle à la préparation de ce défi?

Clarisse Crémer : En effet ! Mais j’ai la chance d’être freelance donc j’ai pu adapter mon emploi du temps pendant ces 2 années. La 1ère année de préparation j’ai continué de bosser l’équivalent de 2 jours par semaine, et la 2nde année j’ai arrêté de bosser en mars.  On consacre beaucoup de temps à la nav’, les entrainements, la préparation technique du bateau, les formations météos, électronique, la communication autour du projet, et puis surtout les courses qui prennent beaucoup de temps avec les convoyages, les périodes de vérification du matériel de sécurité etc.

Breizh-info.com :  Comment s’est déroulée votre course, que ce soit en terme de stratégie, de motivation, de fatigue et même de déprime?

Clarisse Crémer : C’est un vaste sujet ! La 1ère étape j’étais tout simplement dans un état d’extase : tellement heureuse de réaliser mon rêve et de participer à cette course extraordinaire. Je n’en revenais pas et j’ai profité de chaque minute. Je n’ai pas écouté les classements mais je suis tout de même arrivé 3ème ! A l’arrivée j’étais dans un état de bien être après 11 jours de mer que je n’aurais jamais osé imaginer. Pourtant je me suis donnée à fond, je n’ai jamais dormi plus de 20 minutes d’affilé…

La 2nde étape je pense que je me suis un peu plus mise la pression, et les conditions météo ont fait qu’on est parti très vite avec un rythme soutenu. Bref, j’en ai moins profité psychologiquement mais j’étais à fond sportivement ! Je m’empêchais de penser à l’arrivée pour ne pas craquer et vivre l’instant présent. Il y a eu une période où j’ai moins bien géré (et où je pense ne pas avoir eu de chance sur la météo) pendant laquelle j’ai perdu 60 milles sur mes plus proches poursuivants, j’ai cru devenir folle.

Heureusement j’ai tenu bon et conservé ma 2ème place. Quel bonheur à l’arrivée !

Breizh-info.com :  Votre bateau,Pile Poil, parlez nous de lui!

Clarisse Crémer : C’est un Pogo 3 conçu par le chantier Structures à Combrit dans le pays bigouden ! Un pur produit breton :) Il mesure 6m50 , a un mat de 10mètres et pèse un peu moins d’une tonne. Il est conçu pour aller vite, très vite, et a beaucoup de voiles pour s’adapter à chaque allure (7 à bord en tout). Je l’ai eu neuf et ai tout optimisé à bord pour qu’il soit le plus solide et le plus performant possible, notamment grâce à l’aide de Tanguy Le Turquais qui est très doué pour ça.

Malheureusement j’ai du le vendre après ma Transat car ce sont des bateaux assez chers, mais ce qui est chouette c’est qu’il va refaire la transat’ en 2019 avec un nouveau proprio, Benjamin Ferré, qui courra sous les couleurs d’un incubateur d’aventure baptisé IMAGO. Un beau projet !

Breizh-info.com :  Vous êtes arrivée deuxième, comment vit on une deuxième place quand on est « bizut », vous vous attendiez à un tel résultat?

Clarisse Crémer : Absolument pas. Je voulais surtout arriver de l’autre côté pour boucler ce projet sans frustration ! Finalement je me suis prise au jeu et je me suis découverte des ressources insoupçonnées. Je suis vraiment fière d’avoir pu me battre comme ça ! Mais il ne faut pas oublier qu’il y a toujours une part de réussite, je pense qu’on était près d’une dizaine à pouvoir prétendre à un podium à l’arrivée.

Breizh-info.com : Le circuit mini est un véritable laboratoire pour les progrès technique dans la course au large, en particulier dans la catégorie « proto », comment voyez vous l’évolution de la technique, et donc l’évolution des budgets,ne risque-t-on pas de réserver les courses (figaro, tour de france à la voile,etc…), à une élite au palmarès déjà bien rempli qui aura plus de facilité à trouver des sponsors?

Clarisse Crémer : C’est vrai que j’aimerais parfois que les avancées technologiques puissent servir à rendre des bateaux funs et rapides plus accessibles financièrement (ce qui devrait être possible !), et non pas à faire toujours plus rapide, toujours plus compliqué et plus cher, ce qui est un peu le cas en ce moment. C’est top de faire des progrès techno, de voir les bateaux voler, mais si ça devient la norme on risque de voir tous les budgets s’envoler aussi !

Par exemple à mon humble avis je ne vois pas trop l’intérêt de mettre des foils sur les Figaros 3. Quand on voit ce qu’on fait en Mini de série, des bateaux hyper funs et rapides, on se dit qu’on aurait pu faire moins cher et tout aussi marrant, mais les foils c’est à la mode et ça fait joli sur les pontons… Je suis sure que les Figaros 3 vont très bien marcher et que les courses vont être top mais je trouve ça dommage d’avoir voulu faire « du foil à tout prix ».

Après, je ne suis pas sure que le problème soit de fermer à une élite sportive :  la voile est un des rares sports où le palmarès ne fait pas tout, ce n’est pas toujours le plus méritant sportivement qui trouve des sponsors (la preuve avec le Vendée Globe par exemple), mais par contre je pense qu’on va avoir de plus en plus de chefs d’entreprise ou de personnes avec un gros réseau qui se lancent de zéro en arrivant avec un beau budget. Ca peut être chouette car ça donne des aventures intéressantes mais ces personnes là devraient peut-être plutôt faire la Mini que le Vendée Globe pour commencer !

Breizh-info.com :  Quelle est la suite de votre programme (Transat, en solitaire ou en double, figaro, etc…)

Clarisse Crémer : La Transat AG2R en double avec Tanguy Le Turquais, sur Figaro 2. Départ le 22 avril de Concarneau ! Après, je ne sais pas encore !

Breizh-info.com :  Quels conseils donneriez vous à quelqu’un qui voudrait lui aussi se lancer?

Clarisse Crémer : De prévoir un peu mais pas trop… à un moment il faut se lancer, de toute façon on ne peut pas tout calculer !

www.clarissecremer.com

Suivez mon aventure sur l’Atlantique !

Crédit photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2018, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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