A l’heure des réseaux sociaux, et de la sacro-sainte « ouverture » sur la planète, jamais le monde n’était apparu aussi petit, aussi clos, aussi rétrécissant. Et si les réseaux sociaux, plutôt que d’être des vecteurs de liberté et d’information, étaient en réalité des prisons mentales que nous nous efforçons chaque jour de renforcer un peu plus ?
Pour répondre à cette question, il suffit — si l’on s’intéresse à la vie de la cité comme devrait le faire tout un chacun — de fabriquer plusieurs pseudonymes sur Facebook. Tout d’abord, avec vos vraies coordonnées, vous allez rapidement vous rendre compte que vos « amis » qui ne partagent pas vos points de vue, vos partages, vos réflexions ne vont pas le rester bien longtemps. Ils vous sortiront de leur liste ou masqueront vos publications. Vous-même, si vous n’acceptez pas le débat d’idées, ferez rapidement le tri.
Finalement, vous aurez en permanence un cercle, qui va s’agrandir, de connaissances, de suiveurs, qui aiment ce que vous partagez. C’est d’autant plus marquant si vous êtes engagé politiquement. Ainsi, si vos centres d’intérêt tournent essentiellement autour des questions écologiques, de protection animale, votre lecture quotidienne risque rapidement de tourner autour de ces questions, puisque vous ne verrez passer que des informations — le tri dans vos contacts se faisant — qui concernent ces intérêts.
Si vous êtes militant politique et que vous faites partie de la grande majorité finalement très intolérante et imperméable aux idées qui ne sont pas les vôtres, alors vous ferez là encore un tri dans vos contacts, jusqu’à n’avoir que ce que vous souhaitez voir chaque jour sur votre réseau social. Essayez de vous fabriquer un pseudonyme très marqué à droite et un autre très marqué à gauche, laissez-les grandir, et vous verrez dans quelque temps que vous aurez l’impression de vivre, à travers ces réseaux sociaux, dans deux mondes différents, opposés et irréconciliables.
Chaque jour qui passe, vous constaterez que vous ne recevez pas les mêmes informations selon vos personnalités, vos cercles, et vous aurez donc une vision du monde totalement différente, possiblement, de celle de votre voisin le plus proche, alors que vos vies se ressemblent pourtant.
Et au final, votre lecture du monde et de l’information risque de s’en trouver totalement biaisée, et de façon de plus en plus marquée. Car lorsque toute la journée (et non pas uniquement le matin en lisant son journal comme c’était le cas par le passé), votre cerveau reçoit (sans effectuer la moindre recherche, mais simplement par ce qui s’affiche sur vos murs) des informations qui vous confortent dans ce que vous pensez, c’est bien votre vision qui se réduit comme peau de chagrin, et votre capacité de réflexion qui s’amenuise, qui se sclérose.
Loin d’être des vecteurs de liberté, les réseaux sociaux semblent en réalité (et Facebook en tête) devenir des prisons gérées par les internautes eux-mêmes. Des prisons dans lesquelles l’indignation sélective, les réactions binaires (c’est bien, c’est mal, pas de demi-mesure), et la censure règnent, tout en permettant aux structures qui les gèrent (et les gouvernements l’ont parfaitement compris) de « canaliser » les sentiments, de colère, d’injustice, de révolte (il est plus facile de « liker », ou de commenter, que d’agir dans le réel).
Les réseaux sociaux ressemblent aujourd’hui nettement plus à un formidable outil totalitaire de contrôle des populations qu’à de vrais espaces de liberté et d’échanges. Et si nos libertés individuelles et collectives passaient par une déconnexion générale ?
Julien Dir
Précision : les points de vue exposés n’engagent que l’auteur de ce texte et nullement notre rédaction. Média alternatif, Breizh-info.com est avant tout attaché à la liberté d’expression. Ce qui implique tout naturellement que des opinions diverses, voire opposées, puissent y trouver leur place.
Crédit photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2018, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine