Police de sécurité du quotidien (PSQ). Le point en Bretagne

Le ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, a dévoilé jeudi sa réforme de la police et la création d’une « police de sécurité du quotidien (PSQ) », réforme annoncée par Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle.

Une réforme qui suscite beaucoup d’indifférence y compris chez les policiers, qui voient défiler à chaque gouvernement de nouvelles « grandes réformes » sans que cela ne porte réellement ses fruits en matière de lutte contre la délinquance et pour la sécurité des Français.

La Bretagne est peu concernée par la « reconquête républicaine », qui devrait consister, à partir du mois de septembre 2018, à une action renforcée de la police dans 60 quartiers de France, dont trois en Bretagne, à Nantes. Ainsi, les quartiers de Malakoff, des Dervaillères, de Bellevue sont les « bénéficiaires » de cette annonce, et ce dispositif se mettra en place début 2019. Sur le terrain, beaucoup d’habitants restent sceptiques, eux qui voient chaque année la guerre des gangs prendre de l’ampleur dans ces quartiers.

Ce dispositif consistera simplement en un renforcement des effectifs et en la création d’un poste de référent entre la police et la population locale. En Bretagne, des élus, comme Laurence Maillart-Méhaignerie qui participait au lancement de la Police de Sécurité du Quotidien par le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb, affichent leur mécontentement de ne pas voir d’autres zones à risque sélectionnées pour bénéficier de ce coup de pouce en termes d’effectifs.

« Je regrette de ne pas voir figurer le quartier de Maurepas dans la liste des quartiers qui vont pouvoir expérimenter la Police de Sécurité du Quotidien dès ce début d’année. Nous allons travailler et nous mobiliser collectivement pour obtenir l’expérimentation de la Police de Sécurité du Quotidien sur le quartier de Maurepas lors de la deuxième vague de désignation qui aura lieu probablement avant l’été. » explique la députée (LREM) de la 2e circonscription d’Ille-et-Vilaine.

Un département « sélectionné », comme le Finistère et la Loire-Atlantique, pour être « mieux accompagné » en zone gendarmerie. « Ils ont été sélectionnés, car marqués par la délinquance, d’importants flux de biens & personnes et une forte croissance démographique. » explique Gérard Collomb, qui a détaillé les objectifs et les moyens dans un langage très administratif et très convenu, difficile donc de savoir ce que cela donnera concrètement sur le terrain.

Des « brigades et groupes de contact » vont par ailleurs être lancées, à Dinan (Côtes-d’Armor), Brest et Carhaix (Finistère), Montfort-sur-Meu, Rennes, Saint-Malo et Vitré (Ille-et-Vilaine), Vannes (Morbihan), Sizun (Finistère) dont l’objectif sera de « renforcer le lien entre la gendarmerie, la population et les élus ».

Les forces de l’ordre ont du pain sur la planche en Bretagne au regard du nombre moyen de faits constatés par an sur la période 2015-2016-2017.

Département Libellé Département Population Homicides Viols Agressions et harcèlements sexuels
22 Côtes-d’Armor 597 397 6,3 120,3 165,7
29 Finistère 905 855 5,7 165,7 238,3
35 Ille-et-Vilaine 1 032 240 7,0 208,3 336,3
44 Loire-Atlantique 1 346 592 14,0 332,3 425,3
56 Morbihan 741 051 5,7 125,0 202,3

Pour certains, cela ressemble, sous une autre appellation à un rétablissement d’une « police de proximité » – l’aspect « assistante sociale » en moins- qui avait été soldée, sous l’ère Jospin, par un échec cuisant (voir le rapport à ce sujet), est d’ailleurs dénoncé par le syndicat de défense des policiers municipaux :

« Il faut bien comprendre, qu’une police de proximité confiée à l’État central n’a aucun sens : les problèmes locaux ne se règlent pas par une politique nationale : à problème local, solution locale. Les problèmes de Roubaix ne sont pas les mêmes qu’à Arcachon, à Nice, à Évry ou à Drancy. (…) Confier cette nouvelle mission à la Police nationale, c’est la retirer de son cœur de métier, de sa mission première et essentielle : la lutte contre la délinquance affirmée, la police judiciaire. (…) Le risque est donc un désengagement des effectifs au détriment de la lutte contre la délinquance et le terrorisme, la protection soutenue des populations. La Police de Proximité, une Police du quotidien est nécessaire, mais ne peut être que l’œuvre des acteurs locaux, qui eux, sont au plus près de la population. »

« À ce jour, avec les informations que l’on a, je ne suis pas capable de dire s’il y a une réelle différence entre cette nouvelle police et la police de proximité », souligne Frédéric Lagache, secrétaire général adjoint du syndicat policier Alliance. au Huffington Post.  « Si c’est dans une optique d’assainir les quartiers, faire un travail de policier et arrêter les délinquants, oui, pas de souci. Mais si c’est pour faire dans le social, ça ne marchera pas. De même que ça n’a pas marché il y a 20 ans ». 

Oui, mais les décennies précédentes ont démontré que très souvent, les responsables politiques ne raisonnent pas à moyen et long terme, volonté de laisser une empreinte et électoralisme oblige, au détriment bien souvent des attentes des Français.

En attendant, les lourdeurs administratives et judiciaires n’ont toujours pas été supprimées – ce qui freine considérablement le travail et l’efficacité policière. Les jeunes policiers risquent de se retrouver nommer dans les pires endroits de France, face à des individus issus d’une autre société qu’eux (il faut imaginer le jeune policier de 25 ans qui a passé toute sa jeunesse à Carnac ou à Lorient et qui se retrouve à Trappes …), et à être dégoutté de ce métier à jamais sans avoir pu faire appliquer la loi. Les tribunaux sont toujours aussi engorgés du fait du manque d’effectif de la magistrature, et des lourdes administratives dignes d’un autre siècle.

A faire douter d’une réelle envie de réformer efficacement le pays tout de même ….

Crédit photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2018, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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