La saison prochaine, la moyenne du nombre de JIFF sur la feuille de match en Top 14 et en Pro D2 sera de 15. En 2019-2020, elle passera à 16, sous peine de se voir retirer des points. Elle montera même à 17 en 2020-2021. À l’inverse, le nombre de joueurs non JIFF ayant le droit de jouer en Top 14 et en Pro D2 doit diminuer : 16 en 2018-2019, 15 en 2019-2020, 14 en 2020-2021 et 13 en 2021-2022 et 2022-2023.
Pour être considéré comme JIFF il faut au minimum remplir l’une des deux conditions suivantes :
– Avoir passé au moins trois saisons au sein d’un centre de formation agréé, dans le cadre d’une convention de formation.
– Avoir été licencié au moins cinq années à la FFR, au plus tard lors de la saison qui s’achève l’année des 23 ans du joueur.
#ComitéDirecteur
Réuni hier et aujourd’hui, le Comité directeur de la LNR a entériné plusieurs décisions, dont certaines concernant les prochaines saisons… #JIFF #SalaryCap #PhasesFinales2018 #LabelStades #Mutations20182019
Le Communiqué ➡?https://t.co/gtTemLQLpC pic.twitter.com/SAGpzdvKgC– LNR Officiel (@LNRofficiel) 7 février 2018
Derrière cette appellation, et cette décision, on trouve une volonté de privilégier la formation, volonté dénoncée par beaucoup comme une hypocrisie moderne, et comme une porte ouverte à un pillage potentiel, dès le plus jeune âge, de certains pays de l’hémisphère sud. Les clubs français vont en effet continuer d’aller chercher des jeunes ou très jeunes Fidjiens (ou autres) pour leur permettre d’être JIFF (les exemples de Raka, Nakaitaci, Rokodoru…), au détriment d’une formation 100 % française.
Sur Internet, les réactions des amateurs de rugby à cette annonce ne se sont pas fait attendre :
« Tout système coercitif impliquant une discrimination positive n’a qu’une conséquence : celui d’abaisser la qualité. Vous verrez plus de joueurs français jouer avec les JIFF, mais vous ne verrez pas forcément plus de bons joueurs français, et je dirais même “au contraire”. Avant, quand un étranger était bien en place, ces jeunes devaient se défoncer et s’appliquer pour devenir meilleur que lui. Au final, il en ressortait des joueurs excellent. Maintenant, ils auront moins à fournir d’effort, car on leur donnera intrinsèquement un avantage. Ils seront donc moins bons » explique l’un d’entre eux sur le site Rugbyrama.
Ou encore Guilhem34, qui résume un peu toute l’ambiguïté de la chose :
« le système JIFF est une plaisanterie. Il y a de tout. Des JIFF non sélectionnables, des sélectionnables non JIFF. Il y a aussi des JIFF sélectionnable qui n’ont pas envie de jouer pour la France parce que tout simplement ils ne sont pas français (je le comprends assez bien d’ailleurs). Quand aborde t on le vrai soucis ? C’est le nombre d’étrangers sur la feuille de match qui ne compte pas celui des JIFF ou alors met 5 non JIFF sur la feuille pour compenser leur diversité. »
Car effectivement, depuis l’arrêt Bosman et les accords de Cotonou, les équipes françaises, malgré un règlement qui stipule normalement que seuls deux joueurs étrangers peuvent figurer sur la feuille de matchs, sont en principe (en principe seulement) obligées d’ouvrir les vannes. Ainsi, outre la libre circulation des joueurs européens, les joueurs issus de pays signataires des accords de Cotonou comme l’Afrique du Sud, les Tonga, les Fidji, les Samoa doivent être considérés de la même façon que les joueurs français et européens.
Quand nous disons en principe seulement, la chose n’est pas difficile à comprendre : il suffit d’aller regarder les effectifs des provinces irlandaises, des clubs gallois, anglais, écossais, pour comprendre. Et de se reporter ensuite à la transformation dans les équipes nationales. Il n y a qu’en France où vous verrez autant de joueurs de l’hémisphère Sud, à la fois dans les clubs, mais aussi désormais en équipe nationale en raison de jeux de passe passe malsains (quoi que les arrangements de la Fédération écossaise avec le règlement ne sont pas mal non plus, il faut rappeler que pratiquement un quart des 210 joueurs retenus pour le tournoi des 6 nations 2017 n [étaient pas nés dans leur pays de sélection..]
En moyenne, 68,6 % des joueurs présents sur une feuille de match en Premiership [championnat anglais] sont sélectionnables avec le XV de la Rose. En Top 14, seuls 59,6 % des joueurs le sont avec le XV de France. Si l’on prend les équipes irlandaises, le pourcentage grimpe allègrement. La différence entre ces nations par la suite se situe donc là.
Et si l’on compare avec l’hémisphère sud, et la Nouvelle-Zélande notamment, on comprend rapidement pourquoi les All Blacks ont la meilleure équipe du monde, outre la spécialisation de tout un pays sur le rugby, dès le plus jeune âge : en Super Rugby les clubs ne peuvent pas faire signer un joueur étranger s’il n’y a un joueur néo-zélandais au poste voulu, et ils ne peuvent pas engager plus d’un étranger à certains postes, notamment dans la mêlée.
Via des accords tacites entre les dirigeants de clubs et de fédérations, l’arrêt Bosman, tout comme les accords de Cotonou, pourraient parfaitement être contournés, ce à quoi s’appliquent d’autres fédérations. Tout est question de volonté politique et sportive. Mais peut être qu’à force de perdre et de descendre dans le classement des nations mondiales, sans compter le risque que la population se lasse du rugby en France si il devient petit à petit comme le football, les dirigeants français finiront par comprendre d’où vient le problème…
Yann Vallerie
Crédit photo : DR
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