Bande dessinée. Ar-Men, l’enfer des enfers

Il existe deux types de phares. Ceux du « paradis », sur terre, et les « enfers », en pleine mer. C’est le cas du plus emblématique d’entre eux : Ar-Men. Edifié au large de l’île de Sein, ce phare est le plus exposé aux fureurs de la mer. On le surnomme « L’Enfer des enfers ». Pendant près de cent-cinquante ans, des gardiens, par équipe de deux, ont veillé à ce que sa lanterne fonctionne. Empreinte de poésie, avec une touche de fantastique, une bande dessinée décrit la vie de ces gardiens.

Années 1960. Germain est le dernier gardien du phare d’Ar-Men, l’édifice le plus à l’ouest de la pointe du Finistère. Son travail consiste à surveiller la lentille et effectuer des réparations diverses, afin que jamais le feu ne cesse de briller dans la nuit. Il aime cet isolement, même s’il faut supporter les vibrations causées par les vagues. Il repense à sa fille noyée qu’il n’a pu sauver et se souvient des légendes bretonnes qu’il lui racontait, notamment celle de la ville engloutie d’Ys. Louis, l’autre gardien, se tait. Ils vivent des journées monotones, ponctuées par la cérémonie de l’allumage du feu. Mais lors d’une forte tempête, une vague casse une vitre. Des flots d’eau se déversent dans l’escalier, attaquant le crépi et faisant apparaître un texte ancien. Il s’agit des souvenirs de Moïzez, le premier gardien. Celui-ci raconte comment tout petit il fut miraculeusement sauvé parmi les déchets d’un navire sur les côtes de Sein, fut adopté par une femme de l’île, participa à la difficile construction du phare d’Ar-Men puis en devint le premier gardien. Louis, l’autre gardien, raconte alors sa rencontre avec un gardien plus âgé, Julien, qui était parti de l’île de Sein pour rejoindre De Gaulle à Londres.

Le dessinateur Emmanuel Lepage a eu l’idée de cette bande dessinée après la diffusion en 2016 d’un reportage dans l’émission « Thalassa » : Les Gardiens de nos côtes réalisé par Herlé Jouon. Il y incarnait son propre rôle en tant qu’auteur se livrant à des repérages et rencontrant des anciens gardiens, marins et ingénieurs pour un album à venir. Il était même hélitreuillé sur ce phare haut de 32 mètres ! C’est le soir même de la diffusion de ce reportage que l’idée de réaliser une bande dessinée sur ce phare lui est suggérée par son éditeur.

Emmanuel Lepage a bâti un récit qui reste fluide malgré toutes les histoires emboîtées. En effet, dans son scenario, l’Histoire et l’imaginaire se mélangent.

L’Histoire, c’est bien sûr le long chantier (de 1867 à 1881) de construction de ce phare sur une roche affleurant aux seules grandes marées. On découvre ainsi que seules huit heures de travail effectives sur la roche sont réalisées en 1867, lors de la première année du chantier ! Le scénariste décrit également les rudes conditions de vie des gardiens, en se basant sur les témoignages des derniers gardiens d’Ar-Men (Michel Le Ru et Daniel Tréanton), emmenés par hélicoptère le 10 avril 1990, et mis à la retraite suite à l’automatisation des phares. Lepage raconte également plusieurs faits marquants de l’ile de Sein.

L’imaginaire, c’est l’évocation des légendes bretonnes, notamment celle de la cité d’Ys. Le scenario laisse également une place à l’Ankou. On comprend que le phare devient le purgatoire du gardien Germain en quête de rédemption.

Le dessin d’Emmanuel Lepage est magnifique. Passionné par cette œuvre, il a réalisé les 88 planches en seulement huit mois ! Exerçant son art dans sa maison de Plourhan (Côtes-d’Armor), c’est paradoxalement sa première bande dessinée sur la Bretagne. Pour reconstituer l’intérieur du phare, il a utilisé les documents et photos confiés par le fils d’un gardien. Chaque époque a son graphisme. Le récit du gardien Moïzez et l’épilogue font l’objet d’un lavis noir et blanc. La période des années 1960 est représentée à l’aquarelle. Enfin, la légende de la ville d’Ys est réalisée avec des encres de couleurs. Chaque page devient une œuvre d’art.

L’album est accompagné d’un DVD inédit contenant le documentaire « Les gardiens de nos côtes » d’Herlé Jouon.

Ar-Men: L’Enfer des enfers, 96 pages, 21 euros. Editions Futuropolis.

Kristol Séhec.

Crédit Photo : DR
Breizh-info.com, 2017, dépêches libres de copie et diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine.

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Une réponse à “Bande dessinée. Ar-Men, l’enfer des enfers”

  1. Tamazight dit :

    Je l’ai lu patiemment, une feuille par jour, grâce à un pote de Brest qui scannait la page sur le Télégramme et me l’envoyait par mail. Superbe histoire. Je l’achèterai à mon prochain voyage en France parce que il ne faut même pas penser à se faire envoyer ce genre de choses par la poste en Algérie…

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