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Folle Journée de Nantes : après l’enracinement en 2017, le déracinement en 2018

03/02/2018 – 06H00 Nantes (Breizh-info.com) – Né en 1995 d’une initiative privée, le festival musical La Folle Journée est depuis 2005 contrôlé par la municipalité nantaise. Si son fondateur René Martin en conserve la direction artistique, l’événement est produit par une société d’économie mixte dépendant de la ville de Nantes et présidée par le socialiste David Martineau. L’influence de la municipalité nantaise s’est traduite par des pratiques quasi clientélistes comme la distribution de billets gratuits à des obligés, pointée en 2013 dans un rapport de la chambre régionale des comptes.

D’abord centré sur un unique compositeur – Mozart, Beethoven, Schubert, Brahms… ‑ le festival s’est ouvert à des nations musicales (compositeurs français, russes, américains…) puis à des écoles (compositeurs baroques, romantiques…). Depuis 2015, il tente d’organiser sa programmation sur des thèmes transversaux (les passions, la nature…). L’an dernier, c’était « Le Rythme des peuples ». Les accents profondément enracinés de cette manifestation ont causé quelques grincements idéologiques : du peuple au populisme, il n’y a pas loin !

Sous le titre « Vers un monde nouveau », La Folle Journée 2018 a donc donné à un cour de barre vers le politiquement correct, à défaut de musicalement cohérent. « Vers un monde nouveau », cela n’évoque pas grand chose en soi. Ce titre est aussi, entre autres, celui d’un livre de Robert Kennedy et d’une BD futuriste américaine  (NPC avec « Vers un nouveau monde », titre d’un essai de l’économiste Paul Jorion et d’une vidéo de Lucie Robin, « Praticienne en Hypnose Spirituelle de Régression dans les Vies Antérieures »). Mais quel rapport avec la musique ? Le festival serait-il consacré à Dvořák, auteur d’une Symphonie du nouveau monde ? Aurait-on découvert une vie musicale sur quelque lointaine exoplanète ? Est-ce une suite du « Voyage vers un nouveau monde », programmé en septembre dernier par l’Orchestre philarmonique Luxembourg ?

La Folle journée tente de rationaliser son choix par une allusion aux migrants. Elle l’explique ainsi : « nombreux sont, dans l’histoire de la musique, les compositeurs qui ont à un moment donné quitté leur pays, et parfois leur continent d’origine, pour s’établir dans une autre contrée ou y séjourner momentanément ». Et de citer, en exemple de compositeurs contraints de « quitter leur patrie sous la pression de régimes totalitaires, fuyant la censure ou les persécutions », Rachmaninov, Prokofiev, Stravinsky, Bartók, Schoenberg, Granados, Albéniz.

Ce fil conducteur embrouillé révèle les failles du discours idéologique sous-jacent. Albéniz, grand voyageur, n’a été victime d’aucun régime totalitaire, pas plus que Granados, compositeur espagnol enraciné. Bartók s’est exilé par choix antinazi et non sous la contrainte. Prokofiev a fui la Russie après 1917, mais il y est revenu délibérément, chaudement salué par un régime totalitaire qui lui a décerné le prix Staline. La programmation intègre aussi d’innombrables compositeurs qui, tels Boulanger, Brahms ou Tchaïkovski, n’ont jamais eu à « quitter leur patrie sous la pression de régimes totalitaires ». Ullmann s’est si peu exilé qu’il est mort à Auschwitz. Inversement, Sviridov a vécu toute sa vie en URSS, couvert d’honneurs et décoré lui aussi du prix Staline.

Que cherche-t-on à démontrer en associant ces cas disparates ? « Cette fausse logique ne retire rien à la qualité musicale du festival », estime Louis [prénom modifié], un Nantais fidèle du festival depuis ses débuts. « Mais elle donne une désagréable impression de langue de bois et d’instrumentalisation. » Elle donne surtout une programmation toujours abondante mais un peu laborieuse, moins enthousiasmante en tout cas que celle de l’an dernier. Les compositeurs bretons en sont exclus (l’an dernier ont été jouées des œuvres de Ladmirault et Bourgault-Ducoudray) et même la place des interprètes régionaux a été réduite. On y retrouve néanmoins la pianiste Anne Queffelec, fidèle de La Folle Journée, l’Ensemble vocal de Nantes, le chœur nantais Macadam Ensemble, l’Ensemble Stradivaria, le Quintette Nominoë, Jocelyne Cuiller, l’ensemble de flûtes Aperto, etc.

La Folle Journée se déroule jusqu’à dimanche soir à la Cité des congrès de Nantes et dans des salles voisines. Programme : http://www.follejournee.fr/files/1517225005_brochure-fjn2018-bd.pdf, Réservations : http://www.follejournee.fr/fr/infos-pratiques/reservations.

Illustration : extrait de la page d’accueil du site web www.follejournee.fr
Breizh-info.com, 2018, dépêches libres de copie et diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine.

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2 réponses à “Folle Journée de Nantes : après l’enracinement en 2017, le déracinement en 2018”

  1. robert.paummier dit :

    Je suis contente d’être tombée sur cet article. Mélomane je participais avec bonheur régulièrement aux folles journées, mais depuis 2013, j’ai ressenti un changement et j’ai cessé de participer à cette manifestation. Cette année, j’ai voulu voir et entendre à nouveau mais la lecture et l’élaboration du programme m’ont fait renoncer et annuler l’hébergement. Quand on n’est plus en accord, il est préférable de le montrer par une non participation

  2. Pschitt dit :

    La Folle Journée a tenu à souligner qu’elle était politiquement correcte en organisant un concert gratuit pour les migrants en l’église Saint-Nicolas de Nantes ! Emu par tant de grandeur d’âme, « Presse Océan » s’est emmêlé les pinceaux dans ses commentaires, confondant Yasser Arafat avec le mont Ararat (http://www.presseocean.fr/actualite/nantes-folle-journee-les-migrants-ont-eu-droit-a-leur-concert-04-02-2018-261239)

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