« Le vendeur de vin recrute à tour de bras », titre la manchette du quotidien régional en date du 4 janvier 2018. Un ton bien enthousiaste pour présenter la campagne de recrutement de la société « L’Éclat Divin » fondée par un ancien sommelier, Richard Bedouet. De quoi surtout s’interroger sur l’éthique d’un journal pétri des bonnes valeurs progressistes chères à la démocratie chrétienne, qui donne écho sans prise de distance à des offres d’emplois ultra précarisées à la limite de la décence sociale.
Richard Bedouet, un négociant qui a le vin mondain
En 2014, Ouest France porte la société de Richard Bedouet sur les fonts baptismaux de la notoriété régionale. Depuis son lancement le journal se fait fort de suivre l’ascension fulgurante du petit négoce naissant, installé à Craon en Mayenne. Richard Bedouet développe la stratégie du carnet d’adresses pour placer sa marchandise auprès du show biz parisien. Il n’en oublie pas pour autant les têtes couronnées, sa plus belle prise, le Prince Albert II, dont Ouest France relaie la pose en compagnie du négociant dans un article de 2015. À se demander si tout le secret de la réussite de cet entrepreneur réside davantage dans la mise en avant de ses prestigieux clients garants du bon goût, plutôt que de ses vins. Entre deux accolades avec les célébrités exhibées sur son tableau de chasse de son compte instagram, Richard Bedouet poursuit un ambitieux objectif commercial : refourguer au lambda la bibine à paillette éclusée par les stars du PAF tel Cyril Hanouna (non ne riez pas !).
« Beautiful people for beautiful wines » pérore le slogan (la « base line » pour les marketeux) de Richard Bedouet, pas peu fier de son dernier fait d’armes avec la revente de ses grands crus à la clique des joyeux soiffards d’Ardisson dans l’émission Salut les terriens : « le vin qu’ils boivent dans leurs verres noirs, c’est le mien », se rengorge-t-il…
Si la recherche de l’argumentaire a au moins le mérite de montrer la futilité de la démarche du personnage, une telle superficialité dans l’approche du vin peut poser question sur le niveau de la sélection. Alors direction le site internet très classieux d’Éclat Divin, afin de s’enquérir de la précieuse collection « de vins de garde prestigieux ».
Un rapide examen de la gamme, à la coloration très bordelaise, suffit à faire déchanter tout amateur pourvu d’un minimum de culture. Ce ne sont pas les bons mots de Jean Marie Bigard (voir son témoignage laudatif sur le site) qui aideront à nous rassurer sur le sérieux de l’œnothèque. Cette dernière joue la carte des seconds couteaux, repêche un ancien mouton noir du Margaux avec le Marquis d’Alesme* entre d’obscurs châteaux et un sauternes aux origines fardées par l’estampille de la société. Un petit satisfecit tout de même pour les deux seules références de la Bourgogne dont les deux représentants (Domaine Germain en Saint Romain et Jérôme Galeyrand à Gevrey Chambertin) sont connus pour être de bonnes valeurs. Reste un mystère sur les prix de revente qui ne sont pas dévoilés sur le site…
L organisation pyramidale de la vente directe
Que le concept fraye avec les stars adeptes de la picole à prix d’or peut prêter à sourire. Le plus dérangeant demeure la cynique stratégie de recrutement au rabais d’une entreprise, relayée avec complaisance par des médias mainstream. Un soutien médiatique d’autant plus controversé qu’il est susceptible de circonvenir plus d’un candidat désireux de travailler dans le secteur du vin. L’article du 8 janvier ne fait pas mystère sur les réelles intentions du négociant en recrutant les futures âmes damnées de son réseau.
Première qualité requise pour postuler : « avoir au moins 200 contacts dans son répertoire téléphonique ». Ce faisant, Richard Bedouet reprend une vieille ficelle des sociétés de la vente directe en plaçant une pression démesurée sur le cercle amical et familial du nouvel enrôlé, qui devra rançonner tout son entourage pour gagner ses galons de bon vendeur. Un prédateur de réseaux dont le dernier souci reste la pérennité de l’emploi, attendu que les vendeurs ne pourront prétendre au titre de leur rémunération qu’à un maigre « pourcentage sur les ventes ».
En tout état de cause, la disproportion est grande entre l’emphase du titre s’extasiant sur les 50 embauches de notre Zorro de l’emploi, se dégonflant en toute fin d’article à quelques «possibilités de CDI pour les meilleurs ». Dans ce système bien connu pour son fonctionnement inique, seuls les véritables squales du réseau (les plus zélés qui auront dilapidé les bas de laine des grands-parents) auront la mainmise sur l’encadrement d’une armée mexicaine de sous-fifres et en sortiront réellement gagnants.
Le vin mérite bien mieux.
Raphno
*Du temps de son ancien nom « le Marquis d’Alesme Becker » avait été distingué par Robert Parker comme étant le pire cru classé du Médoc ! La propriété a été reprise récemment et de gros investissements dans la cuverie auraient entamé une transformation des vins indigents du bon vieux marquis.
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