Environnement. Y a-t-il du pétrole en Bretagne ?

22/01/2018 – 07h20 Guéméné-Penfao (Breizh-info.com) – La Bretagne n’est pas couverte de derricks et de multi-millionnaires du pétrole, mais ça aurait pu arriver… ou pas ? Dans les années 1920, la fièvre pétrolière a en effet touché le nord de la Loire-Atlantique, et même les alentours de Redon, à cheval sur le Morbihan et l’Ille-et-Vilaine. Des recherches de pétrole ont vraiment été faites, avec quelques intéressantes découvertes. De quoi relancer le débat autour de l’interdiction de l’exploitation des hydrocarbures ?

On trouve des informations intéressantes sur ces recherches aux archives départementales de Loire-Atlantique, dans la série 8S (mines, carrières). En l’occurrence, dans un document détaillé, intitulé « Rapport du Service des Mines, département de Loire-Inférieure. Arrondissement et sous-arrondissement minéralogique de Nantes. Objet : surveillance de l’industrie minérale et des appareils à vapeur. Celui-ci date de 1923 et liste dans son chapitre 2 (Recherche de mines) les recherches d’hydrocarbures en cours.

Le Texas à Guémené-Penfao ou les aventures pétrolières d’une institutrice et d’un garde des Sceaux

Dans l’Ouest-Eclair, à la fin du mois de mars 1941, M. Paul Bécavin revient sur la ruée vers le pétrole à Guémené-Penfao. Tout commença lorsque « au cours de l’hiver 1915-1916, au village de la Huguonnais [La Hyonnais], une nappe d’eau, jaillie du sol, se forma dans la cuisine d’une maison. Or, à la surface de l’eau, on remarque une épaisse couche d’une huile à odeur pétrolifère. Un prélèvement de la couche d’huile est opéré et ce liquide, mis dans des lampes, brûla avec un léger crépitement, tout en carbonisant la mèche au fur et à mesure. On en déduisit qu’il s’agissait de pétrole à l’état brut ».

Une institutrice, Mlle Rolland, sans aucune connaissance géologique au demeurant, fait creuser alors «une dizaine de petits puits peu profonds qui, au cours de l’année 1916, puis en particulier pendant l’hiver 1916-1917, se remplirent maintes fois d’eau à la surface de laquelle se formait toujours une couche d’huile à odeur pétrolifère », dans le village de Saint-Joseph du Frétais.

L’Ouest-Eclair du 6 juillet 1920 consacre un article aux territoires français qui peuvent receler des gisements de pétrole. « Des suintements d’huile minérale furent constatés à la Hyonnais », note l’auteur de l’article, faisant référence au hameau éponyme de Guémené-Penfao. Un mois après, l’ancien garde des Sceaux Louis Nail (en poste de novembre 1917 à janvier 1920) fit forer un puits de 20 mètres de profondeur à Saint-Joseph du Frétais sous la direction d’un géologue alors très connu, M. de Camas. A dix mètres de profondeur, le forage trouve «  une couche de roche dégageant une odeur pétrolifère très caractérisée ». A partir de là le sénateur Alfred (Mathurin) Brard et le commissaire général aux essences et aux pétroles Laurent Eynac (en poste de juin 1920 à janvier 1921) s’intéressent à l’exploitation du pétrole de Guémené. Le commissariat général aux essences envisageait même des recherches dès 1921 mais avait du abandonner faute de crédits.

En août 1922, le géologue Henri Otlet, jusque là connu pour avoir travaillé dans des centres pétrolifères ailleurs en Europe, rend un long rapport où il estime que « à Guémené-Penfao, l’existence du pétrole ne peut faire de doutes », à cause des divers suintements signalés « dans toute la région de Frangeuil, à la Hignonnais, à la Vieille-Cour et toujours dans la direction de Guémené-Angers ».

La nature des terrains lui semble aussi propice « par les marnes bariolées de toutes couleurs qui toutes appartiennent à l’âge tertiaire. Ces marnes sont les unes perméables, les autres imperméables. C’est entre deux couches imperméables que se trouvera le pétrole ». Plus loin, il affirme que « le pétrole recueilli à Guémené est de très bonne qualité, puisque employé sans manipulation dans les lampes, il éclaire parfaitement ; c’est un pétrole jaunâtre et léger, du genre des pétroles italiens ».

Il liste aussi d’autres anomalies à l’appui de sa démonstration : l’odeur de sulfure que dégage de temps à autre le lac du Murin, un lac marécageux situé à Massérac, l’engloutissement par le passé du village de Coigniez par le fait de « tassements dans des terrains gypso-salins », des sels « qui constitueraient une indication de la zone pétrolifère » dans les eaux minérale de Redon, un filon de quartz à Massérac « qui dégage au marteau une odeur fétide indiquant le voisinage d’éléments pétrolifères », et enfin la fontaine du Feu dans le village de Marsac dont « on dit dans le pays qu’autrefois, cette fontaine avait émis des gaz qui s’enflammaient. Ceci confirmerait la zone de formation : les gaz seraient venus par des fissures aujourd’hui obstruées ».

Des premières recherches ont été entreprises à la Taupinière, en Guémené-Penfao (47.645073, -1.803755), au nord-est du bourg par Mlle Rolland. Elle a fait faire un sondage en novembre 1922, qui a atteint la profondeur de 108 mètres le 31 décembre 1923, après avoir été retardé par des difficultés de pompage.

Les terrains traversés sont « constitués d‘argile, de grès, de schistes et de quartz », nous informe le rapport. Nettement plus curieux, « D’après les explorateurs, il a été perçu vers 95 mètres une odeur nettement caractérisée de pétrole, et les schistes tendres traversés entre 103 et 108 mètres, auraient dégagé une odeur fétide en laissant échapper de nombreuses bulles de gaz ».

Ce gaz provoque d’ailleurs un incident intéressant. A une certaine profondeur, les foreurs ont recours à l’explosif pour dégager un outil. « La décharge provoqua une explosion avec dégagement de gaz qui s’enflammèrent à la sortie, c’est-à-dire à l’orifice du trou de sonde et qui brûlèrent pendant 20 minutes consécutives. Le même incident se produisit deux jours de suite », relate, des années après, l’Ouest-Eclair.

En 1924 les sondages continuent au village du Bécot, près de la route de Conquereuil, atteignant 45 mètres de profondeur, puis à la Taupinière pour le porter à 121 mètres de profondeur. De 1925 à 1927 un troisième sondage est fait au Vivier-Noir et progressivement porté à une profondeur de 110 mètres 50 en janvier 1927. En mai 1927, un nouveau puits, de 11 mètres seulement, a été creusé à la Hyonnais. Entre-temps, un procès éclata entre les prospecteurs et les sondeurs, et l’affaire en resta là.

Suintements de pétrole à Arthon-en-Retz ?

De l’autre côté du département à Arthon-en-Retz, « un sondage a été entrepris, en mai 1923, aux Vallées, par M. Charrier, prospecteur, 15 quai Duguay-Trouin à Nantes et auteur de travaux et études sur le pétrole, à la suite de suintements de pétrole qu’il aurait observé dans un petit puits à main foré en 1922 ».

Il s’agirait en l’occurrence du hameau du Bois des Vallées, entre la Sicaudais et Saint-Père en Retz. Cependant ce sondage ne permet pas de confirmer l’indice bien qu’il ait atteint la profondeur de 53 m 60 le 31 décembre 1923 après avoir « successivement traversé des sables, de l’argile, du calcaire et des schistes très durs, sans donner aucun indice certain de la présence d’hydrocarbures ».

Des recherches à Héric et 5 permis de recherches d’hydrocarbures demandés en Loire-Atlantique

Les recherches pétrolières s’étendirent aussi à Héric, au centre du département. Comme nous apprend en effet le rapport, « un troisième sondage a été entrepris fin décembre 1923, sur le territoire de la commune d’Héric, par MM. Charrier et Otlet, prospecteurs à Guéméné-Penfao. Au 31 décembre 1923, les travaux encore peu avancés ne pouvaient fournir aucun renseignement ».

A la fin de l’année 1923, cinq demandes de permis exclusifs pour recherche d’hydrocarbures – en application de la loi du 16 décembre 1922 – dont quatre sont situées en Loire-Atlantique seulement et 1 à cheval sur les trois départements de Loire-Atlantique (à l’époque Loire-Inférieure), du Morbihan et de l’Ille-et-Vilaine, ont été déposées. Cependant, « aucune n’étant établie conformément au décret du 16 août 1923, le service des Mines a dû inviter les pétitionnaires à les rectifier avant de les soumettre à l’instruction réglementaire ». Le rapport suivant nous apprend que « fin décembre 1924 » il n’en reste que trois, toujours en instance de régularisation. Elles ne le seront finalement jamais.

Des industriels et un instituteur de Lorient cherchent du pétrole à Rieux

La fièvre pétrolière se propage cependant plus à l’ouest. « Ce n’est qu’en 1923 et en se basant uniquement sur les expériences faites par un  »baguettisant », M. Vincendeau, instituteur à Keryado près de Lorient, qu’il fut pour la première fois parlé de présence possible de pétrole » autour de Rieux (Morbihan), Redon (Ille-et-Vilaine) et Saint-Nicolas de Redon (Loire-Atlantique), indique un nouveau rapport du service des Mines de Loire-Atlantique, daté de 1925.

En effet, « à l’aide de ses baguettes, M. Vincendeau prétendit avoir déterminé l’existence probable de trois nappes pétrolifères dont une de 40 kilomètres de longueur et d’une largeur moyenne de 640 mètres ». Les trois nappes seraient épaisses de 80 centimètres environ et « se trouveraient aux profondeurs respectives de 149, 169 et 204 mètres ».

Un premier sondage est entrepris par M. Maresche, industriel à Lorient, le 4 juillet 1924 à Rieux, près du hameau de l’Angle. Il s’agit évidemment d’Emile Maresche, créateur en 1918 de la première caisse d’allocations familiales de France pour ses ouvriers, catholique convaincu et à la tête d’un empire industriel local qui étend ses agences jusqu’à Cardiff, Port-Talbot et Swansea. Ce sondage atteint 125 mètres à la fin de l’année et ne donne « aucun résultat ».

Cependant, malgré l’absence de l’or noir, deux demandes de permis exclusif pour recherche d’hydrocarbures, « non concurrentes et se complétant », englobant toute la région étudiée par M. Vincendeau, sont déposées, « l’une par M. Maresche le 27 mars 1923, l’autre par M. Kerhuel, le 29 septembre 1924 », tous deux étant industriels à Lorient. Celles-ci aussi ne donneront lieu à aucune exploitation réelle… contrairement à l’autre Rieux où des recherches ont lieu actuellement, dans la Marne. Faut-il relancer la ruée vers le pétrole en Bretagne afin d’en avoir le cœur net, avant que toute exploitation d’hydrocarbures ne soit interdite ?

Louis-Benoît Greffe

Crédit photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2018, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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2 réponses à “Environnement. Y a-t-il du pétrole en Bretagne ?”

  1. SYMOB dit :

    Très intéressant cet article . Bravo !

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