Jean-François Marival est content de lui. Journaliste à Ouest-France (rédaction de Nantes), il s’apprête à partir en retraite. « Il se pourrait bien que le calendrier s’accorde (…) pour jumeler mon départ avec ce qui serait un autre évènement : une décision pour Notre-Dame-des-Landes », se plait-il à souligner (Ouest-France, Loire-Atlantique, mercredi 10 janvier 2018). En reportage, « tantôt avec les « pro » NDDL, tantôt avec les « anti », il revendique, fort légitimement, d’appartenir au bataillon des « quelques inconditionnels de l’info » qui s’imposent « la neutralité ». Voilà ce que pourrait dire tout bon professionnel.
Ce qui ressemble fort à un testament comprend 104 lignes et un intertitre, le tout destiné à souligner « les engagements exacerbés de Notre-Dame-des-Landes ». C’est rare qu’un journaliste puisse s’épancher aussi longuement dans les colonnes d’Ouest-France. Et ce vieux routier de la presse de terminer par cette phrase solennelle : « Je compte bien boucler mon parcours de passeur d’infos par l’évènement d’une réponse. » C’est aujourd’hui chose faite. Le projet est abandonné.
Mais le futur retraité oublie de se souvenir qu’un vrai journaliste n’est pas seulement un « passeur d’infos », c’est-à-dire un simple rédacteur rédigeant jour après jour ce qui ressemble fort à des procès-verbaux de gendarmerie dans lesquels l’intéressé ne se mouille pas. Un vrai journaliste est également un enquêteur, capable de creuser un dossier, capable d’une « saine » curiosité, capable de découvrir ce que les puissants – politiques et économiques – cachent.
Un exemple à propos du dossier Notre-Dame-des-Landes. Jean-François Marival aurait pu chercher à en savoir davantage sur les tenants et les aboutissants de la boutique « Des Ailes pour l’Ouest ». Question n°1 : qui étaient les membres du bureau (avec leur profession) ? Question n°2 : quel était le budget de l’association et surtout quelles sont les entreprises qui avaient versé des dons ? Question n°3 : qui assistait aux assemblées générales ? Question n°4 : les statuts des « Ailes pour l’Ouest » avaient-ils été déposés ? Question n°5 : qu’est-ce que les milieux d’affaires nantais comptaient faire des terrains de Nantes – Atlantique si la construction du nouvel aéroport était devenue réalité ? A la police judiciaire, on dirait : à qui profite le crime ?
Impossible de comprendre les véritables enjeux de cette affaire si on ne connaissait pas les réponses à ces interrogations. Car, il était bien évident que les « cerveaux » qui ont piloté l’association défendaient des intérêts économiques et financiers – ce n’était pas des militants à l’état pur. Surtout lorsqu’ils appartiennent au monde de l’immobilier. Malheureusement, Jean-François Marival n’a rien vu de tout cela ; il est donc passé à côté de l’essentiel. Dommage car il partira en retraite sans connaître le dessous des cartes.
Certes enquêter, déranger les élites et se remuer les méninges n’appartient pas à la culture Ouest-France. Jean-François Marival est donc resté dans les clous : l’investigation il ne connaît pas.
Parallèlement, rien n’interdisait au « passeur d’infos » de s’intéresser au financement des deux associations « anti-aéroport », l’Acipa (riverains) et le CéDpa (élus). Là c’était plus facile et moins risqué.
Bernard Morvan
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