Encore un essai de qualité qui passe à la trappe ! L’étude de Jean-Louis Ivani, Continental films. L’incroyable Hollywood nazie, n’a pas retenu l’attention du « main stream » médiatique. Seul Le Canard enchaîné en a fait état. Ivani est un journaliste indépendant, grand cinéphile. Il fut un temps à L’Humanité. Personne n’est parfait.
Pour la France occupée, le « bon » docteur Goebbels souhaite que les vaincus oublient leur triste sort en se distrayant, des films de fiction, sans référence au temps présent. Il y a bien les films de l’UFA, le mastodonte du cinéma allemand. Mais les Français boudent ses films qui dégoulinent de propagande.
Goebbels s’en remet à un personnage un peu compliqué, Alfred Greven. Nazi par opportunité c’est un homme d’affaires passionné par le cinéma français qu’il connaît bien. Il a du charme et de l’entregent. Et il paye bien.
Greven va faire merveille. A Paris, il crée la Continental films et recrute tout ceux qui comptent. A l’exception, forcément, des professionnels juifs frappés d’interdit, proscrits, encore que… Il aura les actrices les plus en vue, Danielle Darrieux, Viviane Romance, Ginette Leclerc, Susy Delair ; les acteurs les plus fameux, Harry Baurr, Fernandel, Raimu, Préjean, Michel Simon, Pierre Fresnay, sans oublier les cadets, Daniel Gélin, Mouloudji. Côté metteurs en scène, Henri Decoin, Clouzot, Christian-Jaque (qui épurera en 1945 !), Maurice Tourneur, Jean Dréville, André Cayatte, futur bête noire de Truffaut… Pour terminer, deux fournisseurs de scénario, Jacques Audiberti et Simenon…
La Continentale produira 30 films. Une fois le scénario accepté par l’occupant, aucune censure. Sur le nombre, quelques chefs-d’œuvre, Les Inconnus dans la maison (Decoin), L’Assassin habite au 21, Le Corbeau (Clouzot), Cécile est morte, Le Val d’Enfer (Tourneur). La Continental vit son chiffre d’affaire exploser, les Français adoraient ses films…
A la Libération, il y eut des comptes à régler. Greven s’éclipsa et survécut. Le comité d’épuration, composé de professionnels médiocres ou ayant tourné leur veste, se vengea… Du banal.
Jean Heurtin
* Jean-Louis Ivani, Continental Films, Lemieux éditeur.
Crédit photo :DR
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2 réponses à “Quand la Continental sauvait le cinéma français”
Toutes les actrices célèbres ne tournèrent pas pour la Continental. L’exemple le plus célèbre est Arletty, quoique Greven lui ait proposé un pont d’or, ils ne firent jamais affaire. Danielle Darrieux, Viviane Romance et Susy Delair se rendirent à Berlin au printemps 1942 à l’invitation de Goebbels. Cela ne les empêcha pas d’enchainer film sur film à la libération. »Et pourtant elles tournent » écrivit Arletty qui se vit interdire de tournage durant deux ans pour avoir eu une liaison avec un officier de la luftwaffe et, interrogée sur sa santé, le jour de son arrestation, avoir répondu : « pas très résistante ! ». Pour elle « l’épu » du cinéma et du théâtre c’était : » il a du talent , je n’en ai pas; faut que ça change ».
Bonjour et merci pour votre article,
Avez-vous, svp, les références Du « Canard Enchaîné » citant mon livre ?
Jean-Louis IVANI
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