08/01/2018 – 06h00 Paris (Breizh-Info.com) – Voici quelques mois que nous n’avions pas interrogé Alain de Benoist, penseur contemporain majeur, et figure de la revue Élements, le magazine des Idées.
Volonté de « judiciariser » la lutte contre les Fake news, élections en Corse, la situation catalane ou encore les déclarations récurrentes du Pape François en faveur de l’immigration, Alain de Benoist fait le point sur l’actualité.
Breizh-info.com : Que vous inspirent les déclarations d’Emmanuel Macron sur le projet de loi contre les « fake news » ?
Alain de Benoist : On pense évidemment à Orwell, mais on ne peut pas se borner à dénoncer les menaces supplémentaires que va faire peser sur la liberté d’expression la mise en œuvre de ce nouveau dispositif de censure. Il faut aussi s’interroger sur la notion même de fake news – de « fausse nouvelle » si l’on préfère la langue française au sabir américain. Or, Macron se révèle ici d’une étonnante naïveté, à moins qu’il ne s’agisse seulement de mauvaise foi.
Il semble en effet s’imaginer que les « nouvelles » sont soit vraies, soit fausses. On aimerait que ce soit si simple ! En matière d’information, la vérité est qu’il n’y a pas de vérité (absolue). L’information objective n’existe pas : elle est toujours le reflet de la subjectivité de qui la fournit. Il y a seulement des journalistes qui s’efforcent d’être honnêtes, et d’autres qui ne le sont pas. A côté de la « fausse nouvelle » manifeste, relevant d’une véritable désinformation, une nouvelle peut être faussée, tronquée, biaisée. La place qu’on lui donne, la façon dont on rapporte les faits, les titres employés jouent également. Un exemple simple : quand la presse fait l’éloge de l’éditeur Paul Otchakovsky-Laurens, qui vient de mourir, en rappelant les noms des écrivains qu’il a lancés et soutenus, sans jamais citer celui de Renaud Camus, qui est l’auteur dont il a publié le plus grand nombre de livres, peut-on dire que l’information est objective ? Il y a des mensonges par omission.
N’oublions pas non plus que les grands médias, qui se flattent aujourd’hui de « décoder » les fake news chez les autres, ont toujours été les premiers à relayer les mensonges d’État, des « armes de destruction massives » de Saddam Hussein jusqu’au prétendu « charnier » de Timisoara. Et que dire des délires antirusses qui feront bientôt attribuer à Poutine la responsabilité des dérèglements climatiques ?
Dans une société normale, c’est au lecteur de se faire une opinion en lisant des choses contradictoires. On ne peut pas lui mâcher par avance la besogne en lui disant ce qui est digne de confiance (selon quels critères ?) et ce qui ne l’est pas. Ou bien alors, comme dans 1984, il faut tout de suite instituer un ministère de la Vérité – ce dont nous ne sommes d’ailleurs pas très loin. A l’heure où tant de nos contemporains s’emploient à ne pas voir ce qu’ils voient, on pourrait aussi s’interroger sur le statut du réel dans la société postmoderne. « Dans le monde réellement renversé, disait Guy Debord, le vrai est un moment du faux ».
Breizh-info.com : Comment la presse alternative devra-t-elle s’organiser selon vous demain, entre censure des réseaux sociaux et ce type de projets de loi ?
Alain de Benoist : Je lui fais confiance. Même dans les pires dictatures, on trouve toujours des moyens de contourner les obstacles. C’est la vieille histoire des fabricants de coffres-forts et des cambrioleurs : les systèmes de protection s’améliorent toujours plus, mais les techniques des perceurs de coffres s’améliorent aussi. Peut-être faudrait-il seulement que la « presse alternative » envisage de se renouveler un peu, pour ne pas se réduire à des commentaires, toujours les mêmes, sur des sujets qui sont toujours les mêmes aussi. Les choses les plus justes, quand elles sont mille fois répétées, finissent par ennuyer.
Sur Internet et les réseaux sociaux, j’ai toujours été personnellement réservé. Ceux qui ont cru que la Toile allait offrir une « liberté totale » à l’« information alternative » ont à mon avis été trop optimistes. Les libertés incontestables offertes par Internet vont être de plus en plus encadrées, c’est-à-dire limitées. On s’apercevra alors qu’Internet est aussi le plus extraordinaire moyen que l’on ait jamais inventé pour surveiller, contrôler et fliquer.
Breizh-info.com : Le 1er janvier a vu la création de l’Assemblée territoriale de Corse, collectivité unique dirigée par les nationalistes. Quelle est votre analyse de ces élections de Corse ? Catalogne, Corse, Écosse… Est-ce le réveil de l’Europe des régions ?
Alain de Benoist : Je me réjouis de ce qui se passe en Corse, mais le « réveil de l’Europe des régions » me paraît assez problématique. D’abord, l’Europe des régions n’implique pas nécessairement le démantèlement des nations, qui sont aussi des réalités. Ensuite, l’analogie que l’on fait communément entre la Corse, la Catalogne, l’Écosse, la Flandre, et pourquoi pas le Kosovo, le Québec, le Kurdistan et le Tibet, est à mon sens assez superficielle. Sur place, les situations sont extrêmement différentes. En la matière, on ne peut donc s’en tenir à des déclarations de principe : il faut aller voir ce qu’il en est concrètement dans chaque cas. L’Espagne n’est pas non plus la Belgique, qui n’est pas le Canada ou la Yougoslavie.
Et nous ne sommes plus non plus au XIXe siècle, à l’époque où l’indépendance garantissait le maintien de l’identité parce que les frontières étaient ce qui permettait le mieux aux peuples d’être présents à eux-mêmes. Aujourd’hui, les frontières n’arrêtent plus grand-chose : quelle que soit la langue que l’on parle, tout le monde vit plus ou moins de la même manière. Les régions qui subissaient naguère l’hégémonie d’une culture dominante nationale baignent aujourd’hui, comme les nations elles-mêmes, dans une culture de la marchandise qui excède toutes les frontières. L’indépendance, dans ces conditions, n’a plus la même signification qu’autrefois. C’est pourquoi je ne suis pas pour l’indépendance, mais pour l’autonomie.
Breizh-info.com : Le pape François n’a de cesse d’appeler les populations européennes à accueillir les migrants. N’est-ce pas finalement un message criminel vis-à-vis des populations européennes ?
Alain de Benoist : Les déclarations du pape François ne sont un problème que pour les chrétiens qui ne les approuvent pas. Ceux qui ne sont pas chrétiens y verront la confirmation qu’il ne faut pas compter, pour défendre son identité, sur une religion qui, face aux menaces, ne sait parler que d’amour, de repentance et de pardon.
Le pape est dans son rôle quand il appelle à faire preuve d’esprit de charité devant la détresse et la souffrance humaines. Le problème est qu’il confond la morale publique et la morale privée. Pour le reste, il ne fait que prendre plus au sérieux que certains de ses prédécesseurs la vocation universaliste qui est inhérente à la religion dont il se réclame. Saint Paul le disait déjà : le peuple de Dieu ne se confond avec aucun peuple particulier. Tous les hommes sont frères, puisque tous fils du même Père. L’idée même de Dieu unique implique la notion d’humanité. Les autres distinctions, de peuples, de langues, de cultures, ne viennent qu’après – d’autant que le christianisme est aujourd’hui en train de devenir une religion du Tiers-monde.
C’est évidemment ennuyeux pour ceux qui veulent faire des « racines chrétiennes » un repère identitaire, mais c’est ainsi.
Breizh-info.com : Qu’attendez-vous de cette année 2018 ?
Alain de Benoist : Qu’elle débouche le plus vite possible sur le XXIIe siècle !
Propos recueillis par Yann Vallerie
Crédit photo : DR
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11 réponses à “Alain de Benoist : « les grands médias ont toujours été les premiers à relayer les mensonges d’État »”
Chapeau bas ! Quelle clarté dans l’analyse ! En ce qui concerne le pape François, on a quelquefois l’impression d’un clown équilibriste qui trébuche, se rattrape au vol, retrébuche… A propos des migrants, il avait déjà fait une déclaration immigrationniste au mois d’août, suivie quelques semaines plus tard d’une sorte de correctif.
Les « racines chrétiennes de l’Europe » sont une expression étrange. La base, les racines, ce sont les gens, pas leur religion. Il faudrait parler en réalité de racines européennes du christianisme. L’Eglise a été grande parce qu’elle était européenne. L’Europe n’a pas une dette envers l’Eglise, l’Eglise a une dette envers l’Europe et se montre mauvaise débitrice. (On pourrait probablement dire de même que le califat de Tolède a été grand non parce qu’il était musulman mais parce qu’il était espagnol.)
Au contraire! Pas de Christianisme, pas d’Europe mais un immense Empire Ottoman. L’Europe a des racines Chrétiennes alors que le Christianisme ne doit RIEN à l’Europe. Ma Kabylie fut Chrétienne du temps de Saint Augustin, envahisseurs Turcs et Arabes ont veillé à éradiquer ce Christianisme. Nier le Christianisme de l’Europe et du Maghreb pré-islamique est un non sens historique. Pas de Chrétiens, pas de Croisades, pas de Saint Louis à Tunis, pas de Saint tout court et pas de rois pendant 10 siècles. Et cette Chrétienté à eu à affronter les contradictions de l’Europe, schismes et hérésies de toutes sortes avec les Cathares, Luther et Calvin, les Jansénistes, Henri VIII et le schisme Anglican et a dû affronter les multiples tentatives de la faire disparaitre avec la Terreur et la toute puissante et laïcarde franc-maçonnerie. S’imaginer que l’Europe aurait été la même sans le Christianisme est une illusion. Le Christianisme n’a pas besoin de l’Europe, il se porte très bien ailleurs, merci. C’est l’Europe qui peut remercier le Christ, le Christ aurait beaucoup à nous reprocher.
Magnifique résumé. Merci infiniment.
logique le pape françois est un jésuite – mais nous allons bientôt passer à l’église de JEAN –
De grâce ! Ne confondez pas le Vatican hérétique et schismatique avec l’Eglise du Christ, celle des 7 premiers conciles. La méconnaissance de l’histoire vous amène à des conclusions erronées et, je le crains, vous détourne de la vraie foi. Revenez aux sources de l’Orthodoxie et vous comprendrez.
http://eglise-orthodoxe-de-france.fr/histoire_eglise_des_gaules.htm
»Dans une société normale, c’est au lecteur de se faire une opinion en lisant des choses contradictoires. »
Euh pas que, si les merdias convaincus de fake news pouvaient se prendre une belle amende, ou à tout le moins faire amende honorable !
[…] Entretien réalisé par Breizh-info […]
L’Histoire officielle est faussée par nos médias..
ainsi pendant la »guerre d’Algérie »,nos médias ne parlaient QUE des tortures subies par les terroristes musulmans(la gégène utilisée par notre armée pour faire parler les fellouzes et éviter des massacres d’innocents)..et ces médias créaient la victimisation de tous les musulmans…mais ces mêmes médias se taisaient sur les atrocités que le F.L.N. faisait subir à des »civils innocents » (non-musulmans et musulmans):égorgements d’enfants,émasculation des hommes,éventrations des femmes,etc..etc..le carnage fait à Oran (5.000 non-musulmans massacrés après les Accords d’Evian)…etc..etc..
« L’information objective n’existe pas : elle est toujours le reflet de la subjectivité de qui la fournit. »
Avec tout le respect que je vous dois, M. De Benoist, une « fake news » sera toujours une « fake news », indépendamment de toute subjectivité. Votre subtilité tend à brouiller les cartes, et j’en donne un exemple, quand vous concluez : »Le pape est dans son rôle quand il appelle à faire preuve d’esprit de charité devant la détresse et la souffrance humaines. » Or la question est de savoir si sa défense des migrants est criminelle ou pas vis à vis des peuples européens. Vous répondez qu’il est dans son rôle, et par des raccourcis faciles, vous dénigrez le Christianisme et assenez la plus grande fausse information de la planète : les racines chrétiennes de l’Europe ne sont pas un repère identitaire !
PS : la vraie nouvelle, c’est que ce Pape n’est qu’un usurpateur, comme ses prédécesseurs qui se sont arrogés faussement le titre de « chef » de l’Eglise. La Bonne Nouvelle, c’est que Jésus-Christ est le chef de l’Eglise, et qu’Il aura le dernier mot.
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