Corse. L’insécurité culturelle et l’insécurité sociale à la base de la victoire des nationalistes

05/01/2018 – 06h45 Bastia (Breizh-info.com) – Le « dégagisme » fonctionne également en Corse. Mais pas à la sauce Macron. Là, ce sont les nationalistes qui font le ménage. Au second tour des élections législatives (18 juin 2017), ils emportent trois circonscriptions sur quatre (Paul-André Colombani, Michel Castellani, Jean-Félix Acquaviva). Aux récentes élections territoriales, les nationalistes engrangent 45,36% des voix au premier tour (3 décembre) ; la liste Pé a Corsica (« Pour la Corse ») double son score de 2015 et progresse de 20 000 voix à travers l’île. Au second tour, le tandem Simeoni – Talamoni obtient 56,5% des suffrages exprimés, soit une progression de 13 000 voix entre les deux tours ; ce qui leur donne 41 élus sur 63 dans l’Assemblée de Corse qui vient de s’installer.

Comment expliquer ce succès ? Christophe Guilluy formule quelques explications dans Le Figaro (jeudi 14 décembre 2017). Il souligne en premier lieu l’importante insécurité sociale : précarité, taux de pauvreté gigantesque, chômage des jeunes, surreprésentation des retraités modestes. En second l’insécurité culturelle découlant d’un taux de population immigrée élevé. « La question qui obsède les Corses aujourd’hui est la question qui hante toute la France périphérique et toutes les classes moyennes et populaires occidentales au XXIème siècle : « Vais-je devenir minoritaire dans mon île, mon village, mon quartier ? ». Mais il faut également prendre en compte « l’achat par les continentaux de résidences secondaires qui participe de l’insécurité économique en faisant augmenter les prix de l’immobilier. » Si bien que les jeunes locaux rencontrent de plus en plus de difficultés à se loger. « Cela explique que, lorsqu’ils proposent la corsification des emplois, les nationalistes font carton plein chez les jeunes. C’est leur préférence nationale à eux. »

«La Corse est un laboratoire »

A partir de ces observations, Christophe Guilluy résume ainsi le problème : « la condition de ce vote, comme de tous les votes populistes, est la réunion de l’insécurité sociale et de l’insécurité culturelle. » Puisque le vote populiste est « à la fois social et identitaire » (…) La Corse est un laboratoire. L’offre politique des nationalistes est pertinente car elle n’est pas seulement identitaire. Elle prend en compte la condition des plus modestes et leur propose des solutions pour rester au pays et y vivre. Au-delà de l’effacement du clivage droite – gauche et d’un rejet du clanisme historique, leur force vient du fait qu’ils représentent une élite et qu’ils prennent en charge cette double insécurité. »

Mais Christophe Guilluy semble ignorer une autre donnée qui a pesé lourd dans la victoire des nationalistes : une liste unique grâce à la fusion des équipes autonomiste (Gilles Simeoni) et indépendantiste (Jean-Guy Talamoni). Il paraît qu’à l’origine de ce rassemblement, on trouve Charles Pieri, ancien patron du FLNC. D’après une note datée du 250 novembre et rédigée par les services de la préfecture, le « boss » aurait réussi à imposer cette union qui n’était pas souhaitée par de nombreux partisans de Simeoni. Bénéficiant d’un soutien populaire très large sur l’île, Gilles Simeoni aurait pu faire le pari de gagner seul. Une option qui aurait poussé Pieri , proche de Jean-Guy Talamoni depuis toujours et membre de son parti Corsica Libera, à intervenir. Il a été présent lors de toutes les discussions, à toutes les réunions au sommet entre Simeoni et Talamoni ; ses messages passent par son profil Facebook ou bien par ses éditoriaux dans  U Ribombu, le journal des nationalistes ; le ton y est parfois apaisant, parfois menaçant. « Charles Pieri est un militant politique, condamné pour des raisons politiques, il n’a rien de sulfureux », précise Jean-Guy Talamoni (L’Obs, 21 décembre 2017).

Rappel : dans l’« ancien monde » et dans le « monde nouveau », le succès en politique passe toujours par le rapport de force et le pouvoir de nuisance.

Bernard Morvan

Crédit photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2017, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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3 réponses à “Corse. L’insécurité culturelle et l’insécurité sociale à la base de la victoire des nationalistes”

  1. Christophe Bouhier dit :

    Oh, ils ne veulent pas de la mondialisation heureuse!

  2. Alberto Da Giussano dit :

    [Bergamo – Italia -]

    Tout d’abord préciser qu’il n’est aucunement dans le programme de la Lega Nord de revendiquer la Corse -pas plus que la partie du département des Alpes maritimes située à l’est de la Principauté de Monaco- à moins qu’elles ne nous fassent l’honneur de vouloir se joindre à nous … ce qui est complètement improbable !
    La Corse pouvant assurément se revendiquer comme Nation !
    Juste, cette cicatrice historique ayant été dépassée, faire part à nos amis corses de la sympathie dont ils sont assurés d’avoir la certitude de la part de beaucoup d’italiens, comme de tant d’autres parmi les peuples d’Europe !

    “Oghje chì hè oghje per u nostru Populu è a nostra Nazione,
    u periculu hè sempre maiò, u periculu, hè murtale…
    Ma induve ci hè u periculu, cresce dinò ciò chì salva !”

    PACE E SALUTE PER VOI.

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