22/12/2017 – 05h00 Perpignan (Breizh-info.com) –Le 10 décembre dernier, à l’occasion de la Table Ronde de Terre et Peuple, organisation culturelle, politique et identitaire, Llorenç Perrié Albanell, militant catalan, prononçait un discours sur la Catalogne, qu’il vient de reproduire sur son site Internet.
Nous vous le proposons ci-dessous :
Liberté j’écris ton nom. La question catalane du Nord au Sud:
Le mouvement Resistència est né il y a tout juste 1 an avec l’idée de coaliser les forces identitaires de diverses tendances régionalistes et autonomistes de Catalogne du Nord au sein de ce que j’appelle « un centre identitaire ». Ce centre identitaire à un double objectif :
-La création d’une Collectivité Territoriale Unique à l’image de ce qui se fait en Corse.
-La Dénonciation sans concession de l’immigration.
J’ai porté les couleurs de mon mouvement lors des dernières élections législatives.
En seulement quelques mois d’existence, de faibles moyens et malgré certaines difficultés nous avons presque obtenu 1% à quelques voix près. Ce qui prouve que le « régionalisme », pour faire simple, n’est plus l’apanage de la gauche. L’idée générale de notre combat, outre le fait identitaire, est de récupérer notre souveraineté par la base. J’encourage vivement toutes initiatives qui iront dans ce sens.
Mais l’actualité du moment pour la question catalane se trouve au sud.
Les récents événements en Catalogne ont ouvert un débat sulfureux, pas seulement dans les Espagnes, mais partout en Europe. Pour le cas de la France « l’affaire catalane » a ouvert un débat passionné qui a révélé une fracture idéologique binaire révélant deux visions du monde que l’on pourrait résumer par les raccourcis suivants:
-Identité charnelle versus identité administrative.
-Pays réel versus Pays légal.
-Révolution versus Etat de droit.
-Légitimité versus Légalité.
On pourrait évidemment rallonger la liste, mais ce n’est pas le but de l’exercice, un développement vaut mieux que de simples formules qui rabaissent le débat constructif à un simple slogan. La question catalane, n’en déplaise aux complotistes de tous bords, n’est pas l’une de ces manigances concoctées dans les sombres bureaux de la CIA, ou que sais-je encore. Elle relève d’un rendez-vous loupé, celui de l’Espagne politique avec les Espagnes charnelles. Une incompatibilité politique attisée par une tendance à tendre vers les vices hérités de la tradition monarchique des Bourbon, l’antithèse des Espagnes traditionnelles, celles des Fueros. L’histoire a fait son œuvre et la vanité des uns à fait le juste mécontentement des autres.
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Le système de large autonomie dont bénéficient les patries charnelles en Espagne n’y a rien changé. Lorsqu’un peuple qui est conscient de sa singularité n’accepte plus les normes qui lui sont imposé par un autre peuple, tout aussi conscient de sa singularité, le clivage est tel que seule une politique d’échange dans une égalité de traitement strict peut concilier les différentes parties de ce qui compose l’ensemble politique étatique. Or tel est l’objet du rendez-vous manqué avec l’histoire.
On ne compte plus les plumitifs de tous bords au verbe facile qui, ces derniers mois ont mis plus bas que terre le peuple catalan, inondant la presse et les réseaux sociaux. Tout cela sans avoir seulement mis un jour un pied en Catalogne pour certains d’entre-deux. Que reprochent-ils au juste aux catalans ? D’être un des rares peuples en Europe à avoir une conscience identitaire encore vivace ? D’être patriotes? Depuis quand un patriote juge-t-il un autre patriote pour patriotisme ?
Au moment où la majorité des personnes se détourne de la politique, s’abrutit devant la télévision, se transforme en homo économicus du samedi après-midi, se résigne face aux attaques virulente du capital, oublient ses traditions, se questionne sur l’écriture inclusive, les catalans ont décidé de se battre, à leur manière, afin de rester eux-mêmes. Ils s’auto-organisent, créent de puissantes associations civiques, investissent la rue, le culturel, les maisons de quartiers, revendiquent un protectionnisme assumé, favorisent les circuits courts. Ils pratiquent encore un lien social, vitalisent leurs traditions et font de la maitrise de la langue catalane un signe d’excellence. Le peuple catalan célèbre encore ses institutions, sa tradition et ses poètes. En France pour la majorité on traîne les pieds, on se désengage et on rêve d’une révolution par procuration.
Triste constat, d’autant plus amer que les critiques les plus dures en France sont venues de la part de ceux qui prétendent défendre les mêmes valeurs. Certains ont du mal à comprendre l’indépendantisme. Or l’indépendantisme n’est que le « plan B » d’un peuple qui ne se retrouve pas, ou plus, dans un système politique. Olier Mordrel avait souligné cet état de fait dans le mythe de l’hexagone, [1]« C’est le centralisme autoritaire qui crée les séparatismes, et non le contraire ».
On peut comprendre ceux qui défendent l’idée d’unité, encore faut-il savoir sur quelle modalité entendent-ils bâtir cette unité. On en revient au premier objet de division : la défense de l’Identité charnelle ou la défense de l’identité administrative ? A moins que l’identité administrative s’érige en défense de l’identité charnelle dans un véritable cadre fédéral, à savoir, à subsidiarité ascendante. Toute tentative unioniste est veine si les tenants de l’identité administrative mettent en avant le principe de construction étatique avant le principe identitaire. En d’autre terme, opposer un « concept » à ce qui relève du naturel. L’exemple le plus flagrant, effrayant et abouti de cette construction identitaire administrative est incarné dans le régime jacobin français. Système qui fait de l’homme un simple citoyen lié à une tradition administrative dont le point culminant est l’Etat. Un concept abstrait opposé à toute logique d’enracinement identitaire. Chez nous les Hommes sont avant tout liés à un terroir qui façonne les cœurs et les âmes. Pays réel contre Pays légal.
Le pays réel a voulu faire entendre sa voix face au pays légal, le Gouvernement central, garant de l’Etat de droit. Son action a été révolutionnaire dans le sens où, des hommes et des femmes se sont organisés faisant fi de leurs divergences politiques, de leurs différences d’âge et de classe sociale, dans un seul but : la création d’un Etat catalan indépendant.
Il ne s’agit pas ici de juger la feuille de route du Gouvernement catalan au plus fort de la crise, mais de reconnaître qu’une action populaire transversale et révolutionnaire a eu lieu en Europe de l’Ouest, ce qui ne c’est pas vu depuis de nombreuses années.
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Certains agitent le spectre d’une révolution gauchiste et à partir de ce postulat, condamnent avec violence l’entreprise qui est menée en Catalogne. Alors que d’un côté ils condamnent, de l’autre ils distribuent des bons points en soutenant le même type d’actions qui se déroulent ailleurs dans le monde. Selon ces derniers, seulement certains peuples auraient le droit à l’autodétermination car ils ne seraient pas de gauche. Cela traduit un manque patent de colonne vertébrale idéologique. Leurs facultés d’analyses se seraient-elles arrêtés au seul clivage « bolcheviks / anti bolcheviks » ? Un réductionnisme dangereux et ridicule qui sous-entend que la majorité des catalans sont des gauchistes. Selon cette minable grille d’interprétation, le peuple français ne mériterait pas donc, lui aussi, d’aspirer à de légitimes aspirations au prétexte qu’il vote toujours pour les mêmes.
On peut évidemment critiquer les orientations politiques des dirigeants catalans. En revanche on ne peut pas critiquer un peuple qui souhaite vivre son identité et récupérer sa souveraineté.
A propos de la souveraineté, une nouvelle revendication fait surface, nombre de catalans, toutes tendances confondues, souhaitent l’organisation d’un référendum sur la sortie de l’Union Européenne en cas d’indépendance. La question de la souveraineté est au cœur du débat, certes, mais pas seulement. L’U.E est montrée du doigt en Catalogne pour la nullité de son action depuis le 1er octobre 2017 et son soutien sans faille affiché à Mariano Rajoy chef du Gouvernement espagnol, dont son parti politique est le plus corrompu d’Europe. 75 affaires de corruptions, 900 responsables politiques du PP poursuivis pour des affaires de corruption, dont 12 morts liés à ces mêmes affaires. Le coût estimé par la corruption du Partido Popular représente 4,5% du PIB espagnol[2].
Le silence complice de l’Union Européenne dans cette affaire n’est pas seulement inspiré par la crainte d’un effet domino concernant les régions à forte personnalité identitaire, qui d’ailleurs pour certaines sont complaisantes à l’égard de cette institution technocratique. Elles sont nombreuses ces régions à forte personnalité qui souhaitent accéder au rang d’Etat, ou renforcer leur pouvoir exécutif dans le moindre des cas. La Catalogne bien sûr, l’Ecosse, la Flandre, le Pays Basque et récemment l’Italie du nord qui s’est exprimée massivement et favorablement le 22 octobre 2017 pour un élargissement du statut d’autonomie. Ce référendum prévu par la Constitution italienne s’est déroulé de manière légale, contrairement à celui organisé en Catalogne.
L’Union Européenne a peur, peur que des populations encore liées par un ciment ethnoculturel s’auto-organisent et quittent unilatéralement, ou pas, les Etats dont elles font partie. Des Etats qui dans l’état actuel des choses ne sont que des courroies de transmission du diktat bruxellois par la transposition en droit positif des traités signés. Le cauchemar des technocrates c’est bien sur l’auto-organisation populaire basée sûr la double revendication : liberté et identité.
Notre Europe sera celle des peuples enracinés qui puisent encore une énergie et non plus des peuples qui sont technocratisés. Malgré toutes les imperfections que nous pouvons relever (mais qui est parfait ?) nous voyons qu’il existe encore en Europe des peuples-patries conscients de leur singularité et prêts à défendre ce que de droit.
Llorenç Perrié Albanell
[1] Mordrel Olier, Le Mythe de l’Hexagone. Edition Picollec, Paris, 1981
[2] La semaine du Roussillon 26 novembre 2017.
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