20/12/2017 -06h45 Nantes (Breizh-info.com) – Quel avenir pour le journalisme politique ? Longtemps éditorialiste politique au quotidien Ouest-France, Michel Urvoy était l’invité de l’Observatoire des médias de l’université permanente de Nantes pour répondre à cette (vaste) question.
L’orateur souligne de prime abord le discrédit dont sont l’objet les politiques dans l’opinion publique. Ce discrédit tient à plusieurs raisons : les élus sont de plus en plus minoritaires, le mode de scrutin, l’abstention massive. Les élus sont décalés sociologiquement de la majorité de la population française ; scandales et affaires entachent leurs actions.
Ils sont confrontés à un temps médiatique ultra court alors que le temps politique est de longue durée. Il se passe des mois et parfois des années entre un projet de loi et sa mise en application après décrets. L’élu a peu de pouvoir, il cherche seulement à « être le meilleur dans la posture et la com. ». Les politiques utilisent les médias dominants ou essaient de les contourner par les réseaux sociaux ou un marketing ciblé. Hamon, Fillon dans les primaires doivent beaucoup aux médias, Mélenchon aussi qui va créer son propre média TV, et c’est à la télévision que « Marine Le Pen s’est effondrée ».
Le paysage médiatique évolue, mais s’il s’appauvrit économiquement. Il n’a jamais eu autant d’audience, souligne Michel Urvoy, mais « les retombées économiques sont faibles pour les investisseurs, les capitalistes qui contrôlent la presse ». Ses contenus sont de plus en plus impactés par internet où, dans les sites d’info, sont recrutés « des jeunes gens véloces et sans expérience » qui interviennent aussi sur les réseaux sociaux .« Chacun s’y voit un expert en tout, souvent au mépris de la loi et de la déontologie ».
A l’opposé , Urvoy cite la « grande figure » de François-Régis Hutin récemment décédé, patron opérationnel d’Ouest-France pendant plus de 30 ans. Il se livre à une véritable hagiographie d’Hutin qui avait « l’obsession du populaire dans le bon sens du terme », un homme grâce à qui la politique retrouvait considération et crédit, un pédagogue qui savait impliquer les citoyens dans des « médias sérieux » comme Ouest France. CQFD !
Pour retrouver de la crédibilité, les journalistes doivent «investir dans la vérification», aller sur le terrain, sortir des studios, ne pas passer la plus grande partie de leur temps devant leur écran en devenant les simples « relais des commentaires et infos des autres ». Urvoy fait preuve de lucidité lorsqu’il déclare que « les deux grandes préoccupations des gens sont l’emploi et la sécurité, laissée au FN ».
Heureusement il y a « deux grands journaux sérieux » : Ouest-France et Le Monde.
Éditorialiste au quotidien rennais, Michel Urvoy revient sur son parcours personnel dans ce groupe : « [Il] n’a jamais reçu d’ordre, [il] n’a jamais été en conflit avec la rédaction, [il] a toujours été en accord avec les valeurs défendues par celui-ci ». Avant de préciser : « il n’y avait pas d’engagement politique, mais sur des valeurs qui réunissent, ouvrent l’horizon, recherchent le consensus, en évitant ce qui peut nuire ». Bref, le meilleur des mondes !
Hélas, celui-ci est menacé par les réseaux sociaux « attiseurs de haine, destructeurs de démocratie » où le débat « ne respecte ni la loi, ni la déontologie » à l’inverse de ce que font « les journaux sérieux » – encore – qui « eux font de l’information professionnelle » . « Les propriétaires des tuyaux se moquent de ce qui s’y passe », alors «le mal est fait» : fausses nouvelles et surtout racisme s’y infiltrent. Pour Urvoy il n’y a pas besoin de conseil de déontologie du journalisme comme le demande Jean-Luc Mélenchon : « La loi de 1881 et les lois complémentaires ça suffit (…) le CSA a tous les moyens … s’il le souhaite ».
Heureusement, Ouest France est là : « privilégiant l’humain, le respect de la personne (…) son combat c’est l’autonomie des gens pour ne pas se faire manipuler ».
Michel Urvoy aime à se référer à Émile Zola, mais sans le citer, lui qui en 1888 dans Le Figaro dénonçait «le flot déchaîné de l’information à outrance, l’information qui, peu à peu, en s’étalant, a transformé le journalisme. tué les grands articles de discussion, tué la critique littéraire, donné chaque jour plus de place aux dépêches, aux nouvelles grandes et petites, aux procès-verbaux des reporters et des interviewers …» et aussi à Hubert Beuve Méry, créateur et patron du Monde pendant un quart de siècle et à « son digne successeur » François Régis Hutin, « deux grands journalistes qui ont marqué l’histoire française par leur hauteur de vue, leur intelligence, leur sensibilité, des hommes de la même famille, de la même trempe… ».
Il y a en France 5 chaines d’information continue, Urvoy souhaite diminuer leur nombre et renforcer leurs moyens mais il ne remarque pas qu’elles disent toutes la même chose.
« Je ne fais pas de politique, je n’ai pas d’amis politiques », affirmera Michel Urvoy en conclusion de son exposé. Il est permis de sourire.
François Cravic
Illustration : DR
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2 réponses à “Michel Urvoy (Ouest-France) : «Le journalisme politique a un avenir inquiétant »”
Bientôt il y aura 6 CHAINES d ‘info . RT en Français arrive ( dispo pour les abonnés Free depuis Lundi ) .
On verra si SFR/Numericable , Orange et Bouygues vont censurés cette chaine .
» Heureusement il y a « deux grands journaux sérieux » : Ouest-France et Le Monde … »
Ha ha , je me marre !
Ces deux médias ( largement subventionnés au passage ) font partie des forces d’occupation mentale dans ce pays ; ce ne sont sûrement pas des « références » pour moi et je m’en passe très bien .
Heureusement il y a le net et la réinformation ( non non , je ne suis pas complotiste , seulement curieux et assez vieux pour refuser la manipulation ) ; là aussi la pensée dominante tente de reprendre la main en censurant les mal pensants à tour de bras .
C’est trop tard , votre crédibilité est à l’image de votre lectorat qui vous abandonne .