19/12/2017 – 05h00 St Père Marc en Poulet (Breizh-info.com) – Nous avions évoqué la sortie d’un web-documentaire, en ligne depuis le 7 décembre, plongeant dans l’intimité d’un club de rugby amateur, en l’occurrence le St Père Marc en Poulet rugby. Réalisé en partenariat par la Société Générale, Terrain favorable invite le spectateur dans le quotidien de ces acteurs du rugby amateur et du rugby breton.
Trois anciennes stars professionnelles s’étaient, pour l’occasion, déplacées pour faire partie de l’aventure : Jonny Wilkinson, Thierry Dusautoir et Sylvain Marconnet.
Nous en avons donc profité pour interviewer Thierry Dusautoir, ancien capitaine des Bleus, meilleur joueur du monde en 2011, 80 sélections en équipe de France, et un état d’esprit que cette équipe a du mal à retrouver aujourd’hui.
Nous voulions tout savoir, sur son regard sur le rugby amateur, sur le rugby en Bretagne, sur ce club si particulier de St Père, mais aussi sur sa nouvelle vie aujourd’hui, ainsi que sur son regard sur le rugby français en crise.
Breizh-info.com : Qu’est ce qui a fait que vous ayez voulu replonger dans le monde du rugby amateur en venant faire ce reportage à St Père Marc en Poulet ?
Thierry Dusautoir : J’ai été séduit par la proposition de la Société générale, qui avait ce projet à coeur. J’ai attendu de connaitre un peu plus les contours du projet, mais la présentation du club, de ses adhérents m’a convaincu, et je n’ai pas été déçu lors du tournage de la série.
Breizh-info.com : Quelles ont été vos impressions sur le niveau de jeu, et sur ce club de St Père Marc en Poulet ?
Thierry Dusautoir : On a été impressionné par le niveau de jeu notamment durant le match de championnat. Les deux équipes ont lâché tout ce qu’elles avaient. Au delà de la prestation sportive, ce qui m’a plu c’est l’ambiance au sein de ce club fondé il y a dix ans en partant de rien. Adrien Laval (coach et co-fondateur du club) fait un boulot exceptionnel en amenant le rugby sur ces terres bretonnes. En faisant d’un village de 2000 habitants une place forte du rugby local avec 200 licenciés. ça m’a touché. On se rend compte au contact de ces joueurs là qu’ils représentent les uns pour les autres plus que des coéquipiers.
C’est un club attachant à bien des égards.
Breizh-info.com : Votre reportage va un peu de pair avec le développement du rugby en Bretagne (RC Vannes en Pro D2 aussi). Pensez vous que la Bretagne, au même titre que toutes les autres nations celtes, a sa place dans le haut niveau du rugby ?
Thierry Dusautoir : Traditionnellement c’est vrai que c’est un sport plutôt implanté dans le sud ouest de la France. Maintenant, ce qu’amène le rugby en terme de combat, de convivialité, correspond bien à l’état d’esprit des Bretons. C’est bien qu’il y ait un club comme Vannes qui soit une locomotive du rugby en Bretagne, et on peut espérer qu’il y en ait d’autres à venir.
Il y a beaucoup de petits clubs, et c’était bien de la part de la Société Générale de mettre en avant ces clubs amateurs là comme St Père.
Breizh-info.com : Sur ce séjour à St Père, avez vous des anecdotes qui vous ont particulièrement marqué ?
Thierry Dusautoir : J’ai surtout été marqué par les personnes. Par Adrien, par Yolande la mère de Jérôme, le capitaine de l’équipe, par ceux qui se dédient corps et âme au club. Poupon qui s’occupe un peu de la logistique du club et qui est arrivé là un jour à St Père Marc en Poulet pour ne plus jamais repartir.
Adrien est arrivé dans la région il y a quelques années et il a décidé d’implanter ce sport en partant de rien.
J’aime ce club amateur à 100% dans le sens où ils n’ont pas de sponsor, pas d’aide, les financements ils vont le chercher en faisant le traiteur sur des festivals pendant l’été. Ce sont des gens qui sont là car ils aiment ce sport, ils ont envie de partager. C’était le plus touchant pour moi au club.
Je crois qu’à côté du terrain il y a un internat catholique (NDLR ; l‘école Sainte Marie) et les jeunes viennent maintenant jouer pour le club de rugby. Tout le monde a adhéré à ce projet au village, c’est super comme histoire.
Breizh-info.com : Qu’est ce que que vous devenez à titre personnel, vous l’ancien champion et jeune retraité (rires) ?
Thierry Dusautoir : je m’occupe de mes projets entrepreneuriaux. J’ai deux sociétés que je gère au quotidien. Une d’import-export avec l’Argentine, et une autre de marketing mobile (à Nice, envoi de SMS groupés). J’ai un emploi du temps bien chargé et j’en suis bien heureux car ça évite d’être trop nostalgique et de trop penser à ma carrière intense de rugbyman qui maintenant fait partie du passé.
Breizh-info.com : Quel regard portez vous sur le rugby français cette saison, et notamment sur la crise qui le traverse ? (équipe de France en défaillance, crise interne..)
Thierry Dusautoir : Je pense qu’on ne montre pas une belle image de nous aujourd’hui. On a des conflits internes trop médiatisés. On a vraiment du mal à avancer, c’est ce qui pour moi est le vrai problème du 15 de France et du rugby français. Il faudrait qu’on arrive à avoir une cohésion pour le bien du rugby français.
De façon conjoncturelle, les résultats du XV de France ne sont pas à la hauteur. Il y a une responsabilité des joueurs qui sont sur le terrain et du staff, mais il ne faut pas oublier que l’organisation ne les aide pas non plus à préparer ces matchs dans les meilleurs conditions pour pouvoir vraiment donner le meilleur d’eux mêmes à ce niveau.
C’est un problème global dans lequel tous les acteurs ont une part de responsabilité.
Breizh-info.com : Avez-vous un avis – vu que ça fait débat actuellement – sur la possible naturalisation et titularisation du Fidjien Raka (Clermont) en équipe de France ? Tout le monde dit que c’est un grand joueur qui pourrait faire très mal, mais n’est-ce pas contribuer à piller notamment les réservoirs du sud et à bloquer l’arrivée de jeunes français ?
Thierry Dusautoir : Le fait qu’il y ait des joueurs du Sud qui viennent en France, ce n’est pas tant le problème. C’est surtout la façon dont ils sont traités notamment dans la catégories inférieures. Ils ont des soucis d’adaptation à une culture différente de la leur (ils essaient de développer des outils avec des associations dédiées pour y remédier). Sur la naturalisation d’un joueur de nationalité étrangère, si il peut jouer pour l’équipe de France tant mieux. Après le problème, c’est qu’il y a des joueurs Français qui ne peuvent plus accéder à l’équipe nationale car dans le championnat il y a un espace vraiment important pour des joueurs non sélectionnables.
Cela ne permet pas aux jeunes français de grandir et d’avoir l’expérience nécessaire.
Breizh-info.com : Et comment jugez vous le début de saison de Toulouse, votre ancien club ?
Thierry Dusautoir : Ils font un bon début de saison. Malgré quelques défaites. Ils avaient fait une belle performance à Lyon sans pouvoir la valider ensuite contre Castres. Mais c’est déjà bien meilleur que ce qu’on a pu faire les années précédentes. J’espère qu’ils vont garder ce rythme.
Breizh-info.com : Qu’auriez vous à dire enfin, aux amateurs de rugby en Bretagne ?
Thierry Dusautoir : J’espère qu’ils seront toujours plus nombreux qu’ils ne le sont aujourd’hui. Je sais que leur ferveur correspond complètement à ce qu’est le rugby. Je ne suis pas allé à Vannes mais j’ai vu des reportages, l’ambiance y est vraiment bouillante et c’est chouette. Le rugby correspond vraiment à l’état d’esprit des Bretons.
Il faut être plus nombreux, réussir à convaincre autour de soi, prendre une licence, et que le nombre d’adhérents explose en Bretagne les prochaines années !
Propos recueillis par Yann Vallerie
Illustration : DR
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Une réponse à “Thierry Dusautoir : « Le rugby correspond vraiment à l’état d’esprit des Bretons.» [Interview]”
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