« La tendance c’est le dernier stade avant le ringard ». La citation de Karl Lagerfeld, l’exubérant directeur artistique de Chanel, est d’une justesse troublante pour quiconque s’intéresse un minimum à la chose vestimentaire. Et, bien que « les époques ont le mauvais goût qu’elles méritent », il est de ces marques qui échappent aux adages du couturier germanophone. Au premier rang desquelles figure Saint James !
Révolution conservatrice et storytelling
Comment la marque toujours basée dans son village britto-normand éponyme est-elle devenue l’un des « must have » en cette année 2017 ?
Dans une aire où raconter une belle histoire est la meilleure technique de vente, Saint James a senti le vent tourner. Films et clips de promotion dosant authenticité et modernité, visites guidées de l’usine commentées par d’anciens salariés, voilà la recette mise en place par Luc Lesénécal. Celui qui est devenu le président de la marque en 2013 lui a donné une nouvelle impulsion.
Malgré des contraintes économiques obligeant l’enseigne à délocaliser une partie de sa production, les marinières et les pulls en laine, vitrines ultimes de Saint James, sont toujours fabriqués à quelques encablures du Mont-Saint-Michel. Un enracinement sur lequel Saint James communique. Et communique bien. À tel point que ses boutiques officielles de Nantes, Rennes mais aussi celle du quartier du Marais à Paris ne désemplissent pas.
Dans un entretien au magazine Les Échos en mars dernier, le nouveau patron de Saint James avait saisi le pouls de son époque : « Les nouveaux consommateurs sont à la recherche d’un tourisme de savoir-faire. Ils veulent qu’on leur raconte des histoires vraies ».
Côté collections, la griffe a su trouver un second souffle en revisitant ses coupes, désormais plus ajustées et rajeunies. Sans pour autant se couper des lignes classiques et de sa clientèle historique. Le partenariat avec la jeune marque Le Slip Français a notamment été l’une des passerelles vers cette image de marque tendance. Une tendance qui pourrait bien durer.
Armor Lux : Montebourg et Stade rennais
Car il faut bien le dire, Saint James est bien devenu aujourd’hui le numéro un du vêtement marin haut de gamme. L’éternel rival Armor Lux, basé quant à lui à Quimper, semble désormais souffrir d’une image écornée.
Présent dans toutes les boutiques de produits « régionaux » de la côte bretonne, Armor Lux a parfois eu des ambassadeurs qui n’étaient, après réflexion, certainement pas les meilleurs alliés en termes de marketing.
Lorsqu’Arnaud Montebourg apparaît en couverture du Parisien Magazine en octobre 2012 vêtu d’une marinière Armor Lux, les effets à court terme sont bénéfiques pour l’enseigne de Basse-Bretagne. Le carnet de commandes explosera dans les mois suivants, surfant sur la vague du made in France vanté par l’ancien ministre socialiste. Mais, contrecoup de cette popularité soudaine, la marque se démocratise à outrance dans un marché où la rareté devient valeur sûre.
Ajouté à cela, un partenariat avec le Stade rennais et un, plus récent, avec la mairie de Brest posent de réelles questions quant aux choix stratégiques pour l’image d’Armor Lux.
La Bretagne de Cherbourg au Pays de Retz
Dans le même temps, Saint James joue la carte de l’exclusivité. Se contentant de distiller ses produits dans ses boutiques officielles ainsi que chez quelques revendeurs agréés, la griffe du Mont-Saint-Michel a bien compris qu’il est bien plus facile de développer ses ventes que de redorer un blason terni.
Et, puisque l’imagerie est au cœur de ce renouveau, profitons-en pour souligner que Saint James multiplie les allusions à la Bretagne. Au point d’être reconnue comme une marque bretonne à part entière ? Sur la boutique en ligne de l’enseigne, il est ainsi question de Vrai chandail marin breton, mais aussi de pulls nommés Bretagne, Cancale, Dinan, Locronan ou encore Roscanvel.
L’affirmation suivante fera évidemment grincer des dents tous ceux qui, pris d’une fixation sur la frontière administrative, vont s’offusquer en prétextant que Saint James, « ce n’est pas la Bretagne ». Mais, comme il est question de raconter de belles histoires dans cet article, rappelons tout de même que la Bretagne du Roi Nominoë, elle allait de Cherbourg au Pays de Retz ! Mont-Saint-Michel y compris.
En définitive, Saint James est aujourd’hui un marqueur d’identité fort. Précisément ce repère spatio-temporel que les urbains qui se précipitent sur ses pulls à l’épaule boutonnée cherchent en vain au quotidien. Quand un pull marin devient une bouée de sauvetage.
Une bonne idée de cadeau pour Noël ? C’est par ICI.
Crédit photo : Breizh-info.com
[cc] Breizh-info.com, 2017, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine