06/12/2017 – 06h50 Rennes (Breizh-info.com) – Il n’y a pas que sur les marchés de Noël et les foires que certains vendent à prix d’or des vessies pour des lanternes. L’entourloupe tient aussi toute sa place dans les caddies et les rayonnages de la grande distribution. « Terroir », «grande tradition», « rustique », « élu produit de l’année » ne sont souvent pas synonymes de qualité mais d’une bonne communication pour vendre plus cher des recettes bourrées d’additifs et de chimie.
Des mentions valorisantes strictement encadrées
Il n’y a que deux mentions, « à l’ancienne » et « traditionnel » qui garantissent l’absence d’additifs chimiques, comme le précise la Répression des fraudes. « Fermier » signifie de son côté que les « préparations [doivent] être réalisées suivant des méthodes de production traditionnelles avec des ingrédients provenant principalement de l’exploitation », par exemple un paysan qui fait du fromage avec le lait de ses chèvres.
En revanche, s’il mélange pour faire son fromage – comme l’ont fait certains producteurs corses – son lait, des pâtes ou du lait d’autres fermes ou régions et des meules importées, ce n’est plus « fermier » et l’usage de cette mention est considéré comme frauduleux. Pourtant, l’appât du gain est souvent plus fort : cacher l’origine importée des produits ou les faire passer pour des produits français permet de multiplier les gains par deux. Et puis depuis 2017 le ministère de l’Economie a autorisé les producteurs à affiner leur fromage ailleurs, dans une laiterie industrielle, tout en pouvant l’appeler « fermier », ce qui n’a rien arrangé.
Les mentions « maison » et « fait maison » signifient quant à elles que « le produit est préparé de manière non industrielle, sur le lieu de vente ». Et « artisanal » veut dire que le « produit doit être fabriqué par un artisan, inscrit au registre des métiers ». L’usage de ces mentions sans respecter les obligations légales est puni d’une forte amende – 5000 € notamment pour un vendeur d’un marché corse qui a fait passer des couteaux bas de gamme – souvent fabriqués en Chine ou Pakistan – pour de l’artisanat corse, vendu nettement plus cher.
Les mentions valorisantes des industriels ne garantissent rien au consommateur
Mais les industriels en ont trouvé beaucoup d’autres qui ne sont pas encadrées et ne garantissent rien. Comme le label « origine & qualité » de Carrefour déjà épinglé par l’INAO en 2013. L’ONG Foodwatch s’y est intéressée. Ainsi, « grande tradition », « spécial campagne », « recette artisanale », « rustique » ne garantissent pas du tout l’absence d’additifs.
L’ONG donne trois exemples : le pata negra « grande tradition » de Labeyrie, qui contient le nitrite de sodium E250 et le nitrate de sodium E252, plus connu sous le nom de salpêtre. Les deux sont classés potentiellement cancérigènes ; le dernier, en cas d’ingestion prolongée de petites quantités, peut « produire des néphrites, de l’anémie, de l’amnésie, détruire des vitamines, provoquer de l’hyperactivité […] inhiber le fonctionnement de la glande thyroïde » et favoriser les allergies.
Autre exemple tout aussi appétissant : la poêlée de légumes « rustique » La Parisienne de Bonduelle, qui contient de l’E250 mais aussi l’agent de texture E450 (diphosphate) qui peut troubler la digestion, l’assimilation des minéraux par l’organisme et provoquer l’hyperactivité chez l’enfant. Ou encore l’écrasée de pommes de terre « saveur à l’ancienne » de Maggi avec du E450 et des diglycérides d’acides gras (E471).
Le problème, c’est que d’après Le nouveau guide des additifs, publié en 2017 aux éditions Thierry Souccar par Anne-Laure Denans, « un additif sur quatre poserait des problèmes de santé » s’il est consommé en trop grandes quantités, ou de façon trop répétitive ; de plus, la multiplication des additifs augmente leur effet néfaste global.
L’avis des consommateurs transformé en machines à cash pour les labels et l’industrie
Et on ne peut guère s’appuyer sur les mentions valorisantes qui laissent penser que les produits ont été goûtés par des consommateurs qui les ont approuvés. Le Canard Enchaîné (29.11) reprend ainsi une étude de la revue UFC Que Choisir qui s’intéresse à ces labels. Ainsi, pour « élu produit de l’année », créé il y a 30 ans, les 10.000 internautes du jury ne goûtent pas les produits, mais les choisissent à partir de fiches de présentation avec photos. Pour le label « Saveur de l’année », la dégustation est prévue mais ses modalités et le nombre de goûteurs restent inconnus – 153 produits ont pourtant décroché le label cette année, dans des conditions très opaques.
Cependant c’est très rentable pour les créateurs du label – il faut débourser 3990 € par produit présenté et 8990 € pour avoir le droit de tamponner l’estampille sur l’emballage. Et pour les industriels, puisque comme pour les médailles dans le vin, les ventes peuvent augmenter jusqu’à 25% en moyenne pour les produits estampillés.
Miels, huiles, produits régionaux : ces mentions « terroir » qui fleurent bon l’importation
Et les dérives des industriels fonctionnent aussi dans les foires, les marchés d’été (ou de Noël) et autres boutiques. Par exemple le mot « terroir » sonne bien mais ce n’est pas une appellation protégée. Au contraire des AOC, IGP et autres AOP, sans oublier le Label Rouge et le label Agriculture Biologique (AB) il ne garantit rien. Pas plus que les mentions « de ferme » ou « de montagne ». Toute la subtilité des vendeurs indélicats est de laisser penser – notamment en soignant les emballages et l’apparence du stand, voire en portant des costumes régionaux ou en parlant avec l’accent corse – que leurs produits sont locaux alors qu’ils ne le sont pas.
D’autres labels sont en réalité déposés par des ONG (RSPO, Huile de palme durable), des associations interprofessionnelles (Viande de Boeuf française, Viande de porc françaises), des bureaux de certification (Origine France Garantie), des associations (MSC, Bleu Blanc Coeur) et ont des garanties différentes qu’il faut connaître. Et rien n’empêche certains industriels de faire ressortir l’origine française de certains produits pour mieux en oublier d’autres, importés.
Sur les marchés, faire attention aux balances détarées, aux boîtes et emballages planqués derrière le banc – surtout pour les fruits et les légumes ainsi que le poisson et aux mentions d’origine – est nécessaire. On peut aussi comparer les prix des vendeurs de plein air et des boutiques, notamment pour le fromage à la coupe et le nougat où il s’envole facilement. Dans la grande distribution le magazine 60 millions de consommateurs a constaté que les filets de légumes, les tablettes de chocolat et autres kilos de farine sont très souvent en dessous du poids annoncé, au-delà de la marge autorisée de 15 grammes pour un produit affiché comme pesant 1 kilo.
Pour les huiles d’olive, l’indication d’origine sur l’étiquette est obligatoire. Cependant le décor provençal sur la bouteille, la mention « transformée en Provence », les huiles exposées en plein soleil sur les marchés ou l’adresse commerciale dans le sud de la France peuvent être de mauvais conseil. La France compte 7 AOP et 1 AOC, elles seules sont fabriquées en France : l’huile d’olive de Nyons, de la vallée des Baux-de-Provence, l’huile d’olive d’Aix-en-Provence, de Nîmes, de Nice, de Corse (Oliu di Corsica), de Haute-Provence et l’AOC Huile d’Olive de Provence. Et ce sont des huiles chères : de 15 à 20€ le litre au moins. Des huiles marquées « produit de l’UE », « origine communautaire », « huile d’olive de la communauté européenne » viennent d’autres pays européens – c’est le cas de 90% de l’huile vendue en France qui est importée d’Espagne, de Grèce, d’Italie ou du Maghreb.
Pour les miels, nombre d’entre eux proviennent en réalité de l’Europe de l’Est voire de Chine et transitent par Hambourg en Allemagne. Les coordonnées de l’apiculteur et l’indication du pays sur l’étiquette sont en théorie obligatoire pour les miels. Mais pas pour les produits préparés comme les pains d’épices, souvent faits avec du miel chinois – la France consomme en effet trois fois plus de miel qu’elle n’en produit. Sans compter que l’on peut trouver dans les spécialités au miel de l’amidon hydrolisé, ou des arômes artificiels. Sans oublier des mélanges avec des miels étrangers ou entre un miel d’oranger et un miel bas de gamme chinois. Et les miels qui ne contiennent pas de pollen (donc pas naturels) qu’on trouve dans les chaînes de restauration rapide mondiales. Pour trouver du miel français, il faut chercher les mentions « récolté en France » et « mis en pot par l’apiculteur » ou recourir aux circuits courts : la moitié des apiculteurs français pratiquent la vente directe.
L’appellation « herbes de Provence » n’est plus protégée et est tombée dans le domaine public. Si bien que vendre du thym polonais – la Pologne fournit la moitié des importations de la France depuis 10 ans, de l’origan marocain, de la lavande turque et beaucoup de poussière pour de l’herbe de Provence, ce n’est pas une fraude. D’ailleurs, 80% des herbes de Provence vendues en France, notamment dans la grande distribution, sont importées. Le seul critère possible est le prix – et encore cela ne garantit pas tout : au-dessous de 3€ pour 100 grammes, c’est de l’import. On peut aussi s’appuyer sur la couleur – un vert franc – l’absence de tige et de poussière et la forte odeur pour reconnaître le vrai du faux.
Idem, le « melon charentais » n’est pas une appellation protégée. Et dans leur grande majorité, les melons vendus sur les marchés viennent de Chine, du Maroc, d’Espagne ou d’Israël – ces pays couvrent un quart de la consommation française, le reste est produit un peu partout en France. Seuls trois types de melons bénéficient d’une IGP en France qui garantit legur origine et leur qualité : les melons du Haut-Poitou, du Quercy et de Guadeloupe.
Enfin le saucisson d’âne est devenu un attrape-touristes classique pour vendre de la charcuterie corse qui serait traditionnelle. Le problème… c’est qu’il n’a jamais été une spécialité locale! Ce compagnon de labeur n’a jamais été utilisé pour sa chair, même pendant la guerre et l’Occupation. Ce n’est qu’après-guerre que des saucissons ont été importés de Sardaigne et que la confusion s’est installée. L’appât du gain aussi : comme la tomme, le saucisson vaut le double s’il est corse plutôt que sarde. Et en l’état du droit, faute de dispositif de labellisation, rien n’empêche une charcuterie artisanale d’importer de la viande d’ailleurs puis de l’étiqueter « charcuterie corse » tant qu’elle la transforme sur l’île.
Louis-Benoît Greffe
Photos : DR
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Une réponse à “Alimentation : comment ne pas se faire pigeonner par les faux labels et mentions”
Le salpêtre E 252 n’est pas du nitrate de sodium, mais du nitrate de potassium.