01/12/2017 – 07h00 La Haye (Breizh-Info.com) – Les images ont fait le tour du monde : alors qu’il était jugé pour crimes de guerre par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) – un tribunal dont beaucoup contestent la légitimité – le général croate Slobodan Praljak, considéré comme un héros dans son pays, s’est donné la mort mercredi, en pleine audience, en avalant une fiole contenant du poison.
En Croatie, c’est avant tout l’indignation et la colère contre le TPIY qui l’emportent au sein de la population. Le Premier ministre croate a présenté ses condoléances à la famille de l’ancien général, et a dénoncé l’injustice du tribunal de La Haye. A Belgrade, capitale de la Serbie, le suicide de l’ancien chef de milice croate a été salué comme un «geste héroïque» par l’un de ses anciens codétenus à la prison internationale de Scheveningen, le dirigeant nationaliste serbe Vojislav Seselj.
Pour évoquer cette affaire – qui ôte une nouvelle fois toute crédibilité au TPIY après les jugements de Mladic, Karadzic, Gotovina ou encore Milosevic, nous avons interrogé Maître Frédéric Pichon, avocat, mais également ancien combattant volontaire français engagé en faveur des Croates lors de la guerre d »indépendance.
Breizh-info.com : Tout d’abord, que vous inspire le suicide du Général Praljak à l’annonce du verdict du TPIY ?
Frédéric Pichon : De la tristesse et de la colère. De la tristesse car le suicide d’un homme est toujours un drame et un échec pour l’humanité. Ensuite de la colère car trop souvent les juges ne mesurent pas la portée de leur jugement, ou le font avec légèreté, passion désordonnée ou idéologie ce qui me semble être le cas ici. Le Juge a pu vivre en direct les conséquences de son jugement. Cette vidéo où l’on voit le juge bouche bée assistant au suicide du général est surréaliste. J’ose espérer que sa conscience le travaillera un peu.
Breizh-info.com : En matière de droit, quelle légitimité a ce tribunal ?
Frédéric Pichon : Ce Tribunal est censé examiner les crimes commis dans l’ex Yougoslavie.
Mais son refus d’examiner les éventuels crimes de guerre perpétrés par les bombardements de l’OTAN au printemps 1999 et les déclarations des autorités américaines lesquelles jamais les États Unis ne se soumettraient à une telle juridiction, porte d’emblée atteinte au principe de justice et d’équité. Soit la justice s’applique à tous soit à personne.. Cette justice est celle des vainqueurs qui entendent recomposer une carte des Balkans. Du reste le fait que l’intervention des États-Unis et de l’Otan en 1999 ait été réalisée au profit de la création du Kosovo dirigé à l’époque par Hasim Thaci ancien chef mafieux et trafiquant d’organes, aux termes d’un désinformation incroyable donne une idée de la légitimité de cette justice des vainqueurs.
Breizh-info.com : Vous avez soutenu et combattu avec les nationalistes croates durant la guerre. Pouvez vous nous parler de cet engagement à l’époque ? Qu’est ce qui fait qu’un jeune français a pu aller combattre dans un pays étranger sous un drapeau étranger ?
Frédéric Pichon : J’avais 21 ans et comme beaucoup de jeunes de mon âge j’étais bercé par un certain romantisme de l’engagement. La France n’avait plus d’engagements réels comme l’Indochine ou l’Algérie. De plus ce conflit est intervenu concomitamment avec la chute du communisme. La Fédération yougoslave était le dernier bastion communiste (même si le titisme était un communisme moins violent que le stalinisme ou des régimes comme celui de Ceaucescu). Il y avait donc cette idée de mettre sa peau au bout de ses idées.
Je me suis donc engagé dans un premier temps dans une unité de volontaires étrangers ( australiens, français, anglais, hongrois, espagnols, portugais, italiens) située à Osijek à côté de Vukovar, unité dirigée par un espagnol : Eduardo Florès – aujourd’hui décédé. Cette unité était une unité d’intervention et de reconnaissance. Une action a été menée en mars contre des bunkers avancés de l’armée fédérale.
Fin mars 1992, le conflit s’est calmé en Croatie. L’unité a été démobilisée et la guerre s’est ensuite propagée en Bosnie-Herzégovine. J’ai alors rejoins fin juillet une unité de reconnaissance de la 2ème brigade de l’armée croate composée d’anciens combattants du Hos issus de Vinkovci, très jeunes pour la plupart ( certains avaient 16-17 ans) et qui combattait à Zavala située à une cinquantaine de kilomètres de Dubrovnik dans les montagnes d’ Hercegovine. A la suite d’un opération où l’unité a eu des blessés, il a été proposé de professionnaliser l’unité avec des contrats de deux ans. C’est à ce moment là que j’ai décidé de rentrer.
Breizh-info.com : Pensez vous que ce suicide médiatisé ait des répercussions en Croatie, où le Général Praljak était considéré comme un héros de guerre ?
Frédéric Pichon : Comme le procès du général Ante Gotovina, ancien légionnaire et héros de guerre de Croatie, j’imagine que cela va très mal passer. D’autant que le général Praljak était le commandant du HVO, l’unité qui représentait les Croates de Bosnie. Les Croates de Bosnie qui ont été victimes d’ une partition imposée par les institutions internationales et donc placés sous la tutelle des autorités bosniaque, se sentaient déjà abandonnées. Cet évènement risque de réactiver leur colère.
Cela étant je crains que cela ne suffise pas à permettre un changement politique profond. Les Américains et l’Otan ont verrouillé cette région.
Propos recueillis par Yann Vallerie
Crédit photo : DR
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4 réponses à “Suicide du Général Praljak. « Le juge a pu vivre en direct les conséquences de son jugement » selon Frédéric Pichon”
Fonctionnaire à « La Poste », je comprends son geste extrême.
Moi, je tiens le coup grâce à mon conjoint et notre entourage.
C’est difficile à vivre face à des directeurs pourris et des syndicalistes véreux et pleins de haines.
J’écris ici la vérité.Les « clients » de la « poste courrier » sont en accord total avec moi!!!
Non mais là on est face à un samouraï et yen a qui rapporte leurs problèmes de petits chefs, certes usants et déprimants, mais rien en rapport à ce que vous serez amené à vivre dans une situation telle que l’ont connu les Yougoslaves, qui se concrétisent un peu plus chaque jour en Europe de l’ouest.
Si vous avez des idées noires à cause d’un petit chef de secteur, effectivement, estimez vous heureux d’être soutenu par vos proches.
On devrait lui élever une statue ; il s ‘est battu pour son pays .
Seul consolation , le TPI sera fermé définitivement (?) en Décembre 2017 ; Triste fin .
je ne crois pas dans ce tribunal qui traine en longueur ou les prisonniers sont condamnés d ‘avance .
L ‘exemple de Bagbo me révolte !
Un homme qui défend son propre Pays est un héros et non un criminel !