Immigration. Y-a-t-il un « white flight » en France ?

17/11/2017 – 07h15 Paris (Breizh-info.com) – Qu’est-ce que le « white flight » ? Le terme, d’abord apparu aux États-Unis puis au Royaume-Uni désigne tout simplement la fuite des populations blanches (d’origine européenne donc) des zones dites « multiculturelles » vers des lieux de résidence à la population plus homogène. Mais qu’en est-il en France ?

Né aux États-Unis

C’est donc aux États-Unis que le phénomène a été identifié en premier. Cela remonte aux années 1960. Mais les choses se sont accélérées au cours des années 1970 et 1980. Les populations blanches états-uniennes ont alors progressivement fui les centres des métropoles pour les suburbs, ces quartiers périphériques, voire même pour les campagnes plus éloignées.

Il était alors question de quitter des quartiers pauvres, souvent synonymes de violences urbaines. C’est ainsi que se sont constituées les célèbres zones pavillonnaires de la classe moyenne blanche américaine. Cependant, les centres-villes restaient des endroits prisés pour le travail et la consommation.

Dans un entretien accordé au site atlantico.fr le 3 novembre 2016, la démographe française Michèle Tribalat a tenté d’expliquer ce phénomène. Pour elle, « les processus de concentration et de ségrégation sont très anxiogènes pour les autochtones lorsqu’ils deviennent minoritaires et voient se transformer leur environnement ».

Signalons au passage que, depuis les années 2000, il est également question de « black flight » outre-Atlantique. Les classes moyennes noires fuyant elles aussi les ghettos populaires pour des quartiers plus calmes.

Aucun tabou chez les Anglais

Plus récemment, c’est le Royaume-Uni, et principalement Londres, qui ont vu le « white flight » se mettre progressivement en place. Le phénomène a même pu être évalué et quantifié dans une étude menée par le professeur Ted Cantle, présenté comme un « spécialiste en cohésion des communautés ».

Il faut rappeler que l’autorisation des statistiques ethniques en Grande-Bretagne a largement facilité le travail des chercheurs. Et leurs conclusions sont sans appel : 600 000 Londoniens de souche européenne ont quitté la capitale entre 2001 et 2011. Dans le même temps, la population de Londres a augmenté de près d’un million d’habitants. Ce qui représentait alors le départ de 14% de la population de la ville pour une augmentation générale de 56%.

D’autre part, signe d’une fracture ethnoculturelle grandissante de l’autre côté du Channel, les études révèlent que plus de la moitié des minorités ethniques vivent dans des quartiers comptant moins de 50% de blancs. C’est ce que soulignait déjà en 2013 le think tank Demos, groupe de réflexion interpartis en Grande-Bretagne.

Les non-dits du cas français

Qu’en est-il en France ? Faute de données autorisées sur l’appartenance ethnique des populations, la situation est beaucoup moins lisible. Mais des phénomènes similaires aux cas américains et anglais sont tout de même observables.

D’une part, les centres des villes moyennes en voie de déclassement (Nord, Est et Centre de la France), voient les populations autochtones partir progressivement. Saint-Étienne et Mulhouse en sont de bons exemples. En effet, par le truchement de divers phénomènes, certains de ces cœurs de ville concentrent désormais une population noire, turque et maghrébine importante qui rappellent le phénomène déjà observé dans les banlieues des grandes métropoles. La partie visible de l’iceberg étant le développement des commerces non-européens.

Les démographes soulignent par ailleurs que la migration des populations des centres-villes vers des quartiers périphériques ou vers les campagnes est soumise à deux conditions : avoir les fonds suffisants pour accéder à la propriété immobilière (quoique pas impératif) et disposer d’une autonomie de déplacement (véhicule), ce qui n’est pas une évidence pour tout le monde.

Quant aux métropoles, elles connaissent un sort différent. Toujours attractives malgré tout et productrices de richesses, elles voient deux types de populations se développer de plus en plus : une population aisée aux situations professionnelles confortables (cadres, professions libérales, haute fonction publique) dans les hypercentres et une population d’origine immigrée extra-européenne dans les zones plus excentrées. Les grands perdants des métropoles étant les petites classes moyennes autochtones, coincés par des prix de l’immobilier prohibitifs et des revenus malgré tout trop élevés pour prétendre aux aides sociales. Des phénomènes que le géographe Christophe Guilluy a expliqué dans plusieurs publications.

De plus, le « white flight » à la française est soumis à un dilemme dans son interprétation. Les démographes, géographes et autres experts s’étant penchés sur la question considèrent qu’il pourrait s’agir davantage d’une volonté d’évitement des villes par les natifs (blancs) que d’une réelle fuite de ces derniers. Et arguent par exemple que des logements désormais occupés par des populations d’origine immigrée ont d’abord été boudés par ces mêmes natifs.

Reste à savoir à quoi cette volonté d’évitement serait alors due…

Crédit photo : Breizh-info.com
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4 réponses à “Immigration. Y-a-t-il un « white flight » en France ?”

  1. Pschitt dit :

    La distinction entre « évitement » et « fuite » n’apparaît pas clairement ! Dans votre analyse, je crois qu’il manque un mot, ou plutôt un acronyme : HLM. L’énorme importance numérique du logement social peut avoir des conséquences différentes d’une ville à l’autre selon les politiques des logeurs et des collectivités locales. La notion de « quartier pauvre » est à nuancer : certains quartiers pauvres sont des quartiers de taudis, en grande partie occupés par des populations qui n’ont droit à rien et/ou ne demandent rien (naufragés de la vie, retraités à très petits moyens, migrants clandestins…), d’autres quartiers pauvres sont des quartiers de HLM en grande partie occupés par des populations prises en charge par la société (notamment des migrants détenteurs d’un titre légal, en particulier au titre du regroupement familial). Les désirs et les possibilités de « white flight » ne sont sûrement pas identiques dans ces deux types de quartiers. Chacun connaît des habitants de HLM qui voudraient bien aller ailleurs mais qui sont plus ou moins prisonniers de leur logement.
    Il est convenu d’évoquer des quartiers « oubliés » ou « délaissés ». Cependant, les grands ensembles de HLM sont en général assez bien équipés (proximité d’écoles, de terrains de sport, de services sociaux, de lignes de transport en commun, de commerces, d’espaces verts). Mais on pourrait peut-être considérer comme une forme de « white flight » les phénomènes de « déséquipement » qu’on constate parfois : personnel des services sociaux qui cherche à se faire muter ailleurs, commerces et cabinets médicaux qui ferment après des cambriolages, refus des chauffeurs de bus d’assurer certaines dessertes à la suite d’agressions.
    Il me semble qu’il y aurait des micro-études à effectuer autour de l’ancienneté des HLM. Dans les grands appartements des HLM neufs, on installe des familles avec de jeunes enfants. Or les problèmes de l’immigration apparaissent surtout avec la seconde génération : au bout de quinze ou vingt ans, les HLM deviennent moins attrayants, pas tant parce qu’ils ont vieilli que parce que les charmants bébés du début sont devenus des ados agressifs ou des jeunes chômeurs révoltés ou trop débrouillards. La catégorie « quartiers pauvres » est sûrement très complexe !
    Les politiques de « mixité sociale » résolument menées par certaines municipalités comme celles de Nantes sont finalement un aveu épouvantable : le problème est insoluble, la seule solution de le gérer consiste à le disperser. Mais cela revient aussi à le répandre dans des quartiers dont il était absent.

  2. CUNIN dit :

    Affirmatif et de plus en plus !

  3. As29 dit :

    Quand on voit à quel rythme soutenu nos quartiers populaires changent de population, ben effectivement on n’a plus qu’une envie, aller voir ailleurs si le pain est moins noir….

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