Las de cette campagne outrancière qui interdit désormais d’écouter le Don Giovanni de Mozart et la plupart des opéras célèbres pour cause de harcèlements sexuels avérés ; lassé d’attendre la fin de l’interminable Train pour Petrograd (190′ ! en 1988) et l’achèvement du très repoussant Lenin qui tranche malencontreusement avec la grâce naturelle des deux actrices-phares : Leslie Caron (en Kroupskaïa) et Dominique Sanda (en Inès Armand)… un Lenin joué par un arrogant Ben Kingsley, mauvaise reproduction du réel – même si la tare « congénitale » n’est pas niée ; las de cette vie littéraire où le travail de lèche-bottes (pour être poli envers la ministre-éditrice Françoise Nyssen) de ce coquin de Bernard aboutit à reconnaître la vénalité du palmarès éditorial de la saison ; las d’être condamné à ne plus boire que de l’eau pour cause de vieillesse… je trouve enfin consolation et réconfort à la lecture du dernier livre de Brice Couturier : Macron, un président philosophe.[1]
Il y va fort le Couturier : les prédécesseurs de Macron étaient « incultes en histoire, ignorants en philosophie, ce qu’ils ont appris à l’Ena se limite au fonctionnement de l’État… » Encore que Sarkozy ne dépasse pas l’horizon borné d’un maigre diplôme d’avocat (mais il a de l’énergie). Caramba ! réplique ainsi le jeune Bart, chez les Simpson, quand des obstacles disruptifs entravent l’évolution de sa mauvaise volonté infantile. Un boulevard s’ouvrait donc à un natif d’Amiens – ville où le « bon Dieu » est un « beau Dieu » (la seule ville de France) accueillant la foule au porche d’une merveilleuse cathédrale.
C’était au temps où « Monsieur le Maire » était Gilles de Robien, un homme fort distingué, d’une vraie noblesse, qui poussait ses racines jusque chez moi… Chez les « bons pères », un gamin éblouissait la chrétienté par son verbe et son talent. Il s’était formé au grec ancien avec son père, médecin, et à la vie intellectuelle avec sa grand-mère maternelle, une authentique pédagogue de l’ancien temps, d’avant le pédagogisme rampant. Ce gamin aimait le théâtre, il s’y adonna. C’est là, encore imberbe, qu’il tomba en sidération devant la prof(e), la reine Brigitte et qu’il jura, garnement convaincant, de l’épouser. On a, au travers de l’histoire de France – façon Stéphane Bern – des cas semblables : Blanche de Castille, Jeanne de Beaujeu, notre reine Anne, Louise de Savoie, les deux Medicis, Catherine et Marie, Marguerite de Valois… La reine Brigitte appartient à la lignée ! Même si mon ami Richard, qui est purement monarchiste et légitimiste, n’y croit pas, ne la trouve « pas belle » et ne l’aime pas.
Ce n’est pas le tout, il fallait faire des études. Il essaya la « rue d’Ulm »… Bernique ! Il rata l’entrée – ce dont il resta fort marri. Mais j’avoue que ce n’est pas trop grave vu le niveau lamentable des anciens élèves férus de marxisme-léninisme (à tendance maoïste) par l’effet dévastateur des « philosophes » qui n’ont cessé d’y sévir, d’Althusser à Badiou. Au moins aura-t-il ainsi échappé « au bolchévisme stalinien » (dénoncé par Gilles Deleuze), à la « haine de la démocratie » (Myriam Revault d’Allonnes) ou à « l’ignorance crasse de la réalité historique » (Simon Leys). Grâce à ses talents il s’en fut se « rééduquer » chez Paul Ricoeur… et c’est là que tout a commencé (comme Aragon disait des Ponts-de-Cé).
Poursuivant sa formation, il entra à l’Ena pour apprendre les rudiments du métier. Ensuite, il fit banquier, histoire de découvrir la marche du monde. Il passa très vite, puis fit son entrée dans les antichambres du pouvoir où il découvrit la nullité en même temps que la vacuité. Il était prêt pour la marche suprême… Il avait eu le temps de constater, nous dit Couturier, que « cela faisait plusieurs décennies que notre pays était gouverné par des personnages sans envergure intellectuelle (…) jamais je n’aurais prêté à Hollande une philosophie hégélienne de l’Histoire, ni supposé chez Sarkozy une notion kantienne du devoir moral… » Bref, ces présidents n’avaient « aucun sens des discontinuités historiques. Cela les avait rendus aveugles aux bouleversements socio-politiques en cours. » Et l’excellent Couturier confesse qu’il est allé lire « à peu près tout ce qu’il a rendu public et je n’ai pas été déçu. Il y a un noyau intellectuel au coeur du réacteur Macron. Et il est construit, cohérent ». Avec Ricoeur dans son coeur, le jeune homme a choisi » l’autre voie de Mai 68″, celle qui n’est pas « du côté de la déconstruction ». A Nanterre, il est « reparti de zéro ».
Acclamé par sa légion, il est désigné comme « imperator »… non pas à la manière de César, mais au niveau du général en chef de l’armée victorieuse. C’est vrai qu’il néglige les braillards, les insoumis à la poudre de perlimpinpin, ceux qui « foutent le bordel », les chougneurs qui ne voient l’avenir qu’au bout de leur nez. Macron est mondialiste. Il a pris la mesure du temps des horloges. Couturier le juge très « saint-simonien ». Saint-Simon (1760-1825), auteur d’un ouvrage paru en 1814 : De la réorganisation de la société européenne, apparaît en effet comme un de ses maîtres à penser. Il en a d’autres, évidemment : un certain Amartya Sen, économiste et philosophe indien (né en 1933), prix Nobel d’économie en 1998, que les Français ignorent totalement… En fait, dit la notice sur FACILECO, Amartya Sen est « un des rares économistes à appréhender sa discipline avec à la fois le formalisme mathématique et le recul philosophique ». Inutile de vous précipitez… lisez plutôt Claude-Henri de Rouvroy de Saint-Simon pour commencer. Mais n’oubliez pas l’autre.
MORASSE
[1] Editions de l’Observatoire, 304 p., 18 €.
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