Fermeture des bureaux de poste : comment La Poste prend ses décisions ?

12/11/2017 – 07h00 Nantes (Breizh-info.com) – Nous nous sommes faits échos il y a quelques mois des nombreux projets de fermeture de bureaux de poste en Bretagne historique, qui seraient remplacés par des « points de contacts » chez des commerçants ou des agences postales communales. Nous avons rencontré un postier qui nous en dit un peu plus sur la façon dont La Poste s’y prend pour décider qu’un bureau est rentable ou non et décider sa fermeture.

« Il y a des gens qui se demandent : mais pourquoi mon bureau ferme alors qu’il est blindé de monde ? C’est que 70 personnes qui viennent acheter chacune un timbre, ça n’intéresse pas La Poste », nous explique cet agent. D’autres critères entrent aussi en jeu : la démographie du territoire, si elle est locataire ou non, si elle est propriétaire et que le bureau se trouve à un emplacement où le marché immobilier est tendu, et l’obligation de continuité du service public postal.

Celle-ci impose à la Poste de maintenir 17.000 points de contact sur le territoire (qui peuvent être indiffèremment des bureaux, des agences postales communales ou des points de contact chez les commerçants) et au moins un point de contact par tranche de 20.000 habitants dans les villes qui en comptent plus de 10.000 ; il y a aussi des critères d’accessibilité moyenne dans les campagnes. Ainsi, en Gironde, le réseau existant permet, en 2017, que 99% de la population ait un point de contact postal à 5 km ou moins de 20 minutes en voiture de chez soi.

La loi – qui prend en compte la baisse de fréquentation des bureaux de 6% par an en moyenne – permet à La Poste de fermer ses bureaux et d’ouvrir des points de contact (ou des agences postales communales) pour maintenir l’accès au service public tout en essayant d’élargir les horaires d’ouverture. Cela permet aussi à La Poste de faire des économies de postes et de moyens.

« Il y a eu aussi un énorme travail en terme de réduction des coûts : séparation de la distribution et des bureaux, transfert du tri vers des zones industrielles, souvent dans des bâtiments en tôle où les agents ont chaud l’été et se caillent l’hiver d’ailleurs, et décomposition de toutes les opérations faites par les clients pour connaître leur coût exact. Ainsi, si quelqu’un achète un timbre philatélique au guichet, c’est intéressant pour La Poste. S’il prend une Marianne au guichet plutôt qu’à l’automate, ce n’est pas du tout intéressant car l’automate occasionne moins de frais et plus de rentabilité à La Poste. Le seul critère qui compte, c’est ça ».

Pour les opérations bancaires, c’est pareil. « Un bureau qui n’a pas de distributeur bancaire, d’automate, est condamné à court ou moyen terme ». C’est le cas de bureaux dans la campagne, dans des bourgs qui connaissent aussi la réduction du réseau des agences bancaires classiques. Effectivement : les opérations faites au guichet coûtent plus cher (ne serait-ce qu’en frais de personnels) et prennent du temps.

De ce fait, « il y a encore beaucoup de bureaux qui ne sont pas rentables en Loire-Atlantique. Près de la moitié en fait », constate notre agent. Mais faire évoluer des bureaux en points de contact n’est pas toujours facile : les mairies peuvent s’opposer à ces transformations (au Gâvre, à Piriac par exemple), il n’y a pas de commerce de proximité qui souhaite ou puisse accueillir ce service dans la commune, ou la fermeture du point de contact met la population environnante à une trop grande distance des autres points de contacts postaux.

Nantes-Decré : le bureau de poste menacé que même ses agents refusent de défendre

« En ville, c’est plus facile de fermer des bureaux, parce qu’il y a des commerces de proximité qui peuvent prendre le point de contact, des supérettes par exemple. Les loyers peuvent être chers et grever leur rentabilité, ou alors c’est au contraire une poule aux oeufs d’or pour l’immobilier, et la Poste veut de l’argent frais tout de suite », explique notre source. « Beaucoup de bureaux sont partiellement inoccupés. Exemple Ledru-Rollin, à l’ouest de Nantes, où il y avait eu une cantine, un centre d’appel, des facteurs pour les lettres et les colis… c’est une coquille presque vide maintenant, mais La Poste en est propriétaire »

Ce qui n’est pas le cas du bureau de Nantes-Decré, situé au coeur du centre-ville face aux Galeries Lafayette (Decré). « Il y a beaucoup de salles vides, et le loyer est de plusieurs milliers d’euros par mois pour une superficie qui n’est occupée qu’en partie », précise l’agent. Cependant, ce bureau est très fréquenté. « Oui, mais ce ne sont pas des opérations rentables pour La Poste. Dans ce bureau il y a beaucoup d’Africains qui viennent faire des virements en liquide sur des comptes tiers, au guichet, ou des retraits lorsque tombent les allocations. Ce sont des opérations qui ne rapportent rien à La Poste et c’est un public franchement… difficile ».

Et les produits qui permettraient à La Poste de mettre du beurre dans les épinards, comme les assurances, ne trouvent pas preneur auprès de ce public : « quand ils viennent au guichet, c’est pour demander ce qu’il y a dans leur compte. Comme si c’était une boîte avec de l’argent dedans. Ils ne se projettent pas dans l’avenir et les assurances ou les placements ne les intéressent pas ».

Pour notre source, « même les agents qui travaillent à Nantes-Decré, et qui vont aussi dans les bureaux de Talensac (cours des 50 Otages) et Copernic, ne sont pas prêts à défendre Decré contre la fermeture. Aller y travailler, c’est la corvée ».

Louis Moulin

Crédit photo : breizh-info.com
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