09/11/2017 – 06h00 Bruxelles (Breizh-info.com) – La conférence « Néonicotinoïdes : Une interdiction à venir ? », organisée par l’ONG POLLINIS s’est tenue mardi 7 novembre au Parlement européen à Bruxelles. Devant la disparition massive des insectes, cinq scientifiques appellent l’Union européenne à prendre des mesures urgentes.
Parrainée par Éric Andrieu, eurodéputé français et porte-parole S&D à l’Agriculture et au Développement rural au Parlement, cet événement a permis de réunir cinq scientifiques de renom qui ont présenté leurs récents travaux sur l’impact de ces pesticides sur les abeilles et les écosystèmes.
Caspar Hallmann et Hans de Kroon, de l’Institute for Water and Wetland Research, Radboud University sont revenus sur leur étude ayant démontré le lien direct entre le déclin des oiseaux insectivores et des concentrations élevées en néonicotinoïdes. Ils ont ensuite insisté sur l’urgence d’agir au plus vite au vu des résultats de leur dernière étude qui révèle que 75 % des insectes ailés ont disparu en 30 ans en Allemagne : “Un tel déclin appelle une action immédiate, et le principal suspect à ce stade sont les pratiques agricoles”, a notamment souligné le professeur de Kroon.
Peter Neumann, de l’Institute of Bee Health, Université de Bern, président du groupe de travail sur les services écosystémiques, l’agriculture et les néonicotinoïdes, à l’European Academies Science Advisory Council (EASAC), a listé les nombreux impacts des pesticides néonicotinoïdes, et ce même à des doses infinitésimales (dites sublétales) sur les insectes pollinisateurs et sur l’environnement en général: “Nous avons aujourd’hui plus de 550 études qui montrent que l’usage prophylactique généralisé des néonicotinoïdes a des impacts sévères sur des organismes non ciblés apportant des services écosystémiques importants tels que la pollinisation ou le contrôle naturel des ravageurs, il faut donc agir maintenant”.
Jean-Marc Bonmatin, vice-président de la Task Force on Systemic Pesticides et chercheur au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) a rappelé que la preuve est faite que les néonicotinoïdes affectent non seulement les insectes mais aussi les invertébrés, les oiseaux et les mammifères, élargissant le spectre des impacts négatifs à la santé humaine. Il a également insisté sur le phénomène en pleine expansion des résistances des ravageurs aux pesticides. “L’usage actuel des néonicotinoïdes n’est pas durable, il faut les réduire drastiquement ou les interdire, d’autant que des alternatives efficaces existent comme la Protection Intégrée des Cultures ou l’agriculture biologique”.
Fabio Sgolastra, chercheur en entomologie à l’Université de Bologne et membre de plusieurs groupes de travail de l’EFSA sur la santé des abeilles a quant à lui rappelé le problème de l’effet cocktail résultant de la synergie des différents produits utilisés, renforçant la mortalité des abeilles. Or les effets des néonicotinoïdes sur les abeilles sont étudiés individuellement et dans 75% des cas seulement sur les abeilles mellifères. Il faut donc selon lui tester les combinaisons de pesticides susceptibles de se produire dans les paysages agricoles, et inclure plusieurs espèces d’abeilles dans les schémas d’évaluation des risques environnementaux. Selon lui, “le moratoire partiel sur les pesticides néonicotinoïdes n’est pas en accord avec la science”.
Après une série de questions en provenance de la salle où se trouvaient des eurodéputés, des représentants d’ONG environnementales et de l’agro-chimie, un vif débat s’est engagé sur les alternatives agricoles, le problème des résistance des bio-agresseurs aux pesticides, et l’avenir de la PAC.
« Les interventions des scientifiques sont sans ambiguïtés sur les ravages de ces pesticides sur nos écosystèmes. Il apparaît que notre système alimentaire est en danger à ce stade », a souligné Nicolas Laarman, délégué général de POLLINS. « La science a parlé et les citoyens sont vent debout contre l’utilisation des pesticides : c’est au politique de prendre le relais, a-t-il conclu. Il faut de toute urgence amorcer la transition agricole vers l’agroécologie. Il faut interdire les néonicotinoïdes sans les remplacer par d’autres molécules chimiques toxiques mais par des pratiques alternatives qui existent déjà et qui ont fait leur preuve. »
L’eurodéputé Eric Andrieu a conclu l’événement en demandant « L’interdiction pure et simple des néonicotinoïdes tueurs d’abeilles en Europe et une stricte application du règlement européen 1107/2009 en matière d’homologation des produits phytosanitaires. Il est, par ailleurs, urgent de combler le vide juridique pour pouvoir faire condamner les multinationales de l’agrochimie, coresponsables du dépeuplement de l’abeille. «
Avant d’insister sur l’urgence de changer de modèle agricole : »Ne nous y trompons pas, le déclin des abeilles est symptomatique d’une vision à court terme et intensive de l’agriculture qui n’a que trop duré. A l’heure où le débat sur la future PAC post-2020 a commencé, nous avons besoin d’une réforme en profondeur de la future PAC et d’un changement de modèle agricole, favorisant la diversification des productions, limitant les intrants chimiques et par là même préservant les abeilles, la biodiversité et avec elles l’avenir de nos agriculteurs. »
Cette conférence avait lieu alors que l’EFSA, l’agence sanitaire européenne, s’apprête à publier son rapport d’étude sur les néonicotinoïdes et que la Commission va soumettre au vote des États membres, avant la fin de l’année, une proposition législative sur cette famille d’insecticides surnommés les « tueurs d’abeilles ». Pour sa part, la France a déjà voté durant l’été 2016 une interdiction totale de ces substances actives qui doit entrer en vigueur à partir de 2018.
L’ONG POLLINIS, qui agit depuis 2012 sur ce thème, a réuni plus d’1.3 million de signataires à travers l’Europe pour une interdiction totale des néonicotinoïdes.
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