Emilie, victime de la Dépakine : « Nous nous battrons toujours pour qu’Ewenn vive bien.»

06/11/2017 – 07H45 Rennes (Breizh-info.com) – Nous avons débuté ce dimanche une enquête sur la Dépakine . Ou plutôt sur ses conséquences pour de nombreuses familles et pour des enfants qui subissent aujourd’hui les conséquences de la consommation par leurs mères de médicaments en contenant, sans qu’aucun médecin ni laboratoire pharmaceutique n’aient prévenu du danger qu’il y avait à le faire.

Plus de 10.000 femmes enceintes auraient pris de la Dépakine, un antiépileptique accusé notamment de provoquer des malformations chez le foetus, entre 2007 et 2014, affirmait en 2016 Le Canard enchaîné.

Présent dans plusieurs spécialités pharmaceutiques, dont la Dépakine, le valproate de sodium est sur la sellette depuis plusieurs années en raison du risque élevé qu’il présente dans la formation de malformations – de l’ordre de 10% – mais également d’un risque plus élevé de retards intellectuels et/ou de la marche voire d’autisme, qui peuvent atteindre jusqu’à 40% des enfants exposés.

Utilisée pour traiter l’épilepsie, la Dépakine est commercialisée en France par Sanofi depuis 1967, puis sous forme générique par d’autres laboratoires. Mais le valproate est également prescrit dans les troubles bipolaires, sous d’autres appellations (Dépakote, Dépamide).

Aujourd’hui, nous publions le témoignage d’Emilie Crosnier, en Ille et Vilaine, qui a tenu à parler de sa vie, de ce qui arrive aujourd’hui à son fils et à sa famille. Bouleversant.

Je m’appelle Emilie, j’ai 39 ans et je suis maman de 4 enfants. En 2007, suite à une crise d’épilepsie, j’ai dû prendre un traitement avec de la Dépakine (Depakote). Quand j’ai été enceinte de mon troisième en 2010, j’ai continué à en prendre car personne ne nous avait informé des risques.

Ewenn a toujours été très éveillé, très actif et différent des autres enfants. Il jouait très peu et faisait d’énormes crises de nerf, ne dormait que très peu. Sur le conseil de notre médecin traitant, elle nous a dirigés vers le CMPEA pour rencontrer un pédo-psychiatre, à l’âge de 4 ans.

Malgré un suivi hebdomadaire, peu de résultat. En 2015, le professionnel nous oriente vers un de ses confrères à Saint-Malo, pour une journée de tests, une dure journée. Verdict ? Ewenn était déclaré TDAH, c’est à dire souffrant d’un trouble du déficit de l’attention avec une grosse hyperactivité.

Le traitement (Ritaline) mis en place l’étant avant l’âge légal en France (contenant des amphétamines notamment), le processus administratif est compliqué pour se faire délivrer le traitement, par mesure de sécurité. Mais nous constatons une amélioration dans le comportement d’Ewenn, il se sent mieux. Lorsqu’il nous dit : « Maman, ça ne court plus dans ma tête », les larmes vous montent, et vous vous sentez soulagé… pour une courte durée.

A 6 ans et demi la Ritaline ne fait plus effet, nous changeons donc de médicament, avant de revenir à cette dernière, car danger trop élevé pour l’autre médicament prescrit. A 7 ans, notre fils est toujours suivi par un éducateur, et nous faisons partie d’un groupe de soutien sur Facebook. On se comprend, on vide notre sac, on partage nos expériences, nous en rigolons aussi parfois.

Il y a deux mois, nous avons découvert grâce à ce groupe un nouveau médicament, « Medikinet ». Etant à court de solution, nous désespérons par ailleurs ; Ewenn est ingérable, les gens nous regardent de travers, nous ne sortons plus en famille, même faire les courses est devenu impossible.

Le regard et le jugement des autres sont durs à vivre. Mais grâce à Marie Martin (la lanceuse d’alerte au sujet de la Dépakine), nous avons rencontré Pamela, déléguée d’Ille-et-Vilaine de l’APESAC, et nous découvrons que tout ceci serait peut être lié à ma consommation de Dépakine.

Ce que confirmera le pédopsychiatre. La consommation de Depakote serait une des causes des troubles du comportement de notre fils. Enfin, nous trouvons une réponse. Du haut de ses 7 ans, Ewenn nous dit : « alors, ce n’est pas de ma faute ? C’est toi maman, parce que tu as pris un médicament, que je suis comme ça ? » . Dur à encaisser …

Depuis, Ewenn a entamé le traitement Medikinet, avec un suivi infirmier, une consultation mensuelle chez le pedopsychiatre. Il a été reconnu par la MDPH (Maison départementale des personnes handicapées) et bénéficie désormais d’un gros suivi médical.

Si nous souhaitons témoigner aujourd’hui, c’est pour que plus jamais ça n’arrive. Pour que les futurs parents soient conscients des dangers et des risques. Vivre avec un handicap, prendre des médicaments quotidiennement, est difficile à accepter pour notre fils. Nous faisons de notre mieux pour qu’il vive comme ses copains, mais c’est compliqué.

Aujourd’hui, je ne peux plus travailler, car le matin je suis son traitement, le midi je lui apporte une deuxième dose, puis l’amène à ses rendez-vous ; à 7 ans, il a un agenda de ministre.

Merci à Pamela de nous soutenir au quotidien. Merci à mon mari d’être là, notre force, c’est son soutien. Nous nous battrons toujours pour qu’Ewenn vive bien.

Emilie Crosnier

PS : depuis les révélations et le scandale autour de la Dépakine, étrangement, mon dossier médical hospitalier a disparu, alors que j’ai eu plusieurs grossesses, un cancer du col de l’utérus, mais pour eux, je n’ai visiblement jamais existé…

Crédit photo : DR
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