05/11/2017 – 06H45 Rennes (Breizh-info.com) –De nouveaux pictogrammes à destination des femmes enceintes sont apposés depuis mardi 17 octobre 2017 sur les boîtes de médicament dont la prise comporte des risques pendant la grossesse (médicaments dits tératogènes). La mise en place de ces pictogrammes s’inspire d’une mesure similaire prise au début de l’année concernant les médicaments contenant du valproate, comme l’antiépileptique Depakine.
Mais une étude de l’ANSM publiée le 20 octobre montre que le niveau d’application de toutes ces conditions de prescription et de délivrance « est insuffisant. »
Pour certaines familles, victimes du manque d’information au sujet de certains médicaments, c’est toutefois un début de soulagement. Cela ne viendra toutefois pas compenser le mal qui a été fait, comme en témoignent certaines familles de Bretagne que nous avons interrogées et qui nous ont raconté comment leurs vies ont basculé.
C’est l’association d’aide aux parents d’enfants souffrant du syndrome de l’anticonvulsivant (Apesac) qui réclamait l’apposition de tels pictogrammes sur les médicaments contenant du valproate, nocifs pour les foetus et auxquels des dizaines de milliers de femmes ont été exposées depuis les années 1960.
Concernant le nouvel étiquetage, le premier est un pictogramme « danger » (une silhouette de femme enceinte dans un triangle rouge), pour signaler « aux patientes que le médicament doit être utilisé uniquement s’il n’y a pas d’autre médicament disponible. » Le second est un pictogramme « interdit », qui « signale aux patientes que le médicament ne doit pas être utilisé ».
La Dépakine (valproate de sodium) et ses dérivés (Depakine Chrono 500, Micropakine, Depakote, Depamide) sont indiqués pour deux indications, le traitement de l’épilepsie et des troubles bipolaires. Il est commercialisé en France par le laboratoire Sanofi, depuis 1967, et aussi sous forme générique.
Il est désormais établi que les enfants nés de femmes ayant pris du valproate pendant la grossesse présentent un risque élevé de troubles du développement (jusqu’à 30% à 40% des cas) et/ou de malformations (10% des cas). Plus la dose est élevée, plus les risques sont importants mais toutes les doses exposent à ce risque.
Nous vous proposons ci-dessous le témoignage d’une famille d’Ille-et-Vilaine (à l’heure actuelle, 41 familles, soit 75 victimes sont recensées dans le département) qui ont souhaité témoigner sur le calvaire enduré.
Anne Caesert : « Je souhaite à terme obtenir une indemnisation pour mon fils car son avenir est incertain.»
Anne Casaert, 38 ans, qui vit en Bretagne et qui a été confrontée aux conséquences de la Dépakine, a accepté de témoigner, « pour faire réagir l’opinion public et faire part de notre combat . Pour montrer que la prise de médicaments n’est pas forcément anodine pendant une grossesse Et que les laboratoires attirés par le profit se moquent des produits qu’ils vendent même si ils savent qu’ils peuvent être nocifs. Ils savent que financièrement ils pourront faire face au scandale et seront plus ou moins soutenu par des politiques liés aux laboratoires ».
Mère de 3 enfants, elle nous parle d’Alexandre, l’ainé, victime de la Dépakine et de ses conséquences. Elle se félicite par ailleurs des modifications en terme d’étiquetage qui vont permettre d’informer les femmes sur les dangers des anticonvulsivants .
« A l’âge de 16 ans j’ai fais une crise d’épilepsie, puis j’ai été hospitalisée pendant quelques jours, suivant de nombreux examens. Le neurologue m’a mise sous Depakine et Rivotril (traitement stoppé par la suite), en me disant que je devrais prendre toute ma vie la Depakine à raison d’un comprimé et demi par jour.
Voici qui allait bouleverser ma vie, puis celle de mon fils …
Au début des années 2000, j’ai quitté ma région natale pour venir en Bretagne Avec mon mari ….et ma Depakine alors que je n’avais eu aucune crise depuis 16 ans. Puis l’envie de fonder une famille arriva, et je suis tombée enceinte. Mon médecin me dit alors qu’il n y a aucun problème avec la Depakine, tout en me donnant de l’acide folique…pour éviter des complications !
En 2005, mon fils est né, mais nous ne pouvions pas encore présumer d’une quelconque conséquence dans son comportement puisqu’il n y avait pas d’autres enfants dans notre entourage pour juger de la normalité d’Alexandre. En 2006, mon médecin traitant me dit que je peux arrêter la Dépakine étant donné que je n’ai plus de crise. Je la stoppe.
Parallèlement, mon fils Alexandre pleure beaucoup, énervé en permanence (je suppose que c’est lié au syndrome de manque).
Il a un gros reflux gastro oesophagien et se retrouve très souvent malade ( niveau ORL). Il ne parle pas forcément bien et a un comportement agressif envers lui et les autres.
En 2007, je me suis séparé de son père, puis il est rentré à l’école. Son comportement, comme son langage et son retard moteur ont été pointés du doigt, ce que nous (ses parents) attribuions à la séparation. Il a donc consulté un pédopsychiatre, qui n’a rien trouvé de particulier.
Mais les années passants, le comportement d’Alexandre ne s’est pas amélioré.
Son pédiatre prescrit alors un tas d’examen dont une IRM qui révélera des kystes au niveau de la substance blanche sans que personne ne sache dire d’où cela peut venir. Dans la foulée, c’est un neuropédiatre qui l’a examiné, décelant un léger retard moteur, et des troubles de l’attention et du comportement de type autistique.
Alexandre est donc dans la foulée suivi par un psychologue, mais aussi au niveau psychomoteur, et neuropsy. Nous avons par ailleurs effectué une demande pour qu’il bénéficie d’une AVS (assistante de vie scolaire) et à défaut, d’une place en ITEP (institut thérapeutique, éducatif et pédagogique) puisqu’à tout moment, il pouvait être renvoyé du collège.
C’est en 2012 que je suis tombé, grâce à Internet, sur les études sur la Depakine, et que j’ai entendu Marine Martin (NDLR : devenue la figure de proue du combat des victimes de la Dépakine). J’étais effondrée, je culpabilisais. Mais il fallait combattre, malgré le sentiment de culpabilité, malgré la souffrance. J’ai eu beaucoup de mal ne serait-ce qu’à monter le dossier pour l’avocat qui nous assiste dans ce combat.
A l’heure actuelle, Alexandre est scolarisé au collège avec une AVS , en attente de place en ITEP. Son comportement est très compliqué à gérer que ce soit au collège ou dans la famille et pour nous, c’est un combat de tous les jours car il n y a aucun traitement médical possible, mais juste de l’accompagnement.
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