31/10/2017 08h00 Bruxelles (Breizh-info.com) – Alors que la quasi-totalité des dirigeants des États européens ont pris position pour le gouvernement espagnol de Rajoy dans la crise entre l’Espagne et la Catalogne, un discours différent se fait entendre depuis la Flandre. Nous avions par ailleurs récemment expliqué la situation flamande et sa proximité avec la Catalogne.
Asile possible pour Carles Puigdemont
Tandis que la situation se tend de plus en plus en Catalogne, le président désormais destitué de la région autonome pourrait avoir à faire à la justice. Le gouvernement espagnol l’a effectivement menacé de poursuites judiciaires suite à la résolution d’indépendance unilatérale votée le 27 octobre dernier par le parlement catalan.
Concrètement, l’État espagnol accuse Carles Puigdemont de « désobéissance » et « malversation de fonds » pour avoir organisé le référendum interdit du 1er octobre. Mais également de « rébellion ». Une accusation partiale mais susceptible d’entraîner une condamnation de 30 ans de prison tout de même.
Une main tendue à Carles Puigdemont est cependant apparue en Flandre. Ainsi, le secrétaire d’État à l’Asile et à la Migration Theo Francken (N-VA) a proposé l’asile à l’homme le plus en vue de Catalogne et à son état-major. Alors qu’il répondait à une question sur la chaîne flamande VRT samedi dernier, Theo Francken a affirmé : « La situation en Catalogne est en train de dégénérer. On peut supposer, de manière réaliste, qu’un certain nombre de Catalans vont demander l’asile en Belgique. Et ils le peuvent. La loi est là. Ils pourront demander une protection et introduire une demande d’asile et on y répondra convenablement. »
Une justice équitable ?
Le secrétaire d’État flamand s’est également interrogé sur le caractère équitable du probable procès qui attend Carles Puigdemont :
« Quand on voit la situation, la répression de Madrid et les peines de prison dont on parle, on peut se demander s’il y aura un procès équitable. Maintenant, cela nous mettrait dans une situation diplomatique compliquée avec l’Espagne. »
Et de poursuivre : « Un juge belge devra décider. Il y a aussi la procédure d’asile. S’il reçoit l’asile, il sera difficile de l’extrader vers l’Espagne. Notre droit l’en empêche. »
Voilà un signal clair de sympathie de la part d’un membre important du gouvernement belge. Rappelons que Theo Francken appartient à la N-VA, la formation nationaliste flamande majoritaire au parlement. La N-VA s’est notamment faite élire sur la promesse de conduire la Flandre jusqu’à l’indépendance. Une promesse que la frange la plus dure de l’électorat flamand rappelle régulièrement à ses représentants. Ces déclarations sont donc aussi un moyen pour Theo Francken de rassurer les Flamands impatients de sortir de la Belgique.
L’Espagne en colère
La réponse de l’Espagne aux déclarations de Theo Francken ne s’est pas faîte attendre. Madrid, par l’intermédiaire du porte-parole du Parti populaire Esteban Gonzalez Pons a jugé « inacceptables » les déclarations de Theo Francken.
Dans un communiqué associé aux déclarations, le gouvernement de Mariano Rajoy précise qu’il s’agit de « graves accusations contre le système judiciaire espagnol ». Il estime également que le secrétaire d’État flamand a « violé les principes de solidarité et collaboration loyale entre les pays membres de l’UE ».
Theo Francken affole les Wallons
En Belgique, c’est tout d’abord le premier ministre Charles Michel qui a tenu à calmer le jeu. Il a ainsi demandé à Theo Francken de ne pas « jeter d’huile sur le feu ». Et a également voulu réchauffer les relations avec les Espagnols : « Nous appelons à une solution pacifique, dans le respect de l’ordre national et international ».
Charles Michel est par ailleurs membre du Mouvement réformateur, parti francophone d’inspiration libérale.
Un autre membre du Mouvement réformateur, Willy Borsus, ministre-président de Wallonie, a quant à lui précisé qu’il n’était « pas favorable » pour accorder l’asile à Carles Puigdemont.
Sur les réseaux sociaux et dans les commentaires d’articles de presse concernant l’affaire, ce sont très majoritairement les Wallons (francophones donc) qui réagissent défavorablement aux propos de Theo Francken. Beaucoup demandant même son renvoi du gouvernement et se plaignant plus généralement du séparatisme flamand.
La situation catalane a remis au premier plan la question flamande en Belgique. Il faut également souligner que les arguments des unionistes espagnols comme belges sont similaires : appel au « vivre ensemble » et à la solidarité financière entre régions riches et régions plus pauvres. Avec en toile de fond l’argument épouventail du « repli identitaire ».
Ahmed Laaouej et les socialistes contre les Flamands
De son côté, la patronne du groupe Centre Démocrate Humaniste (ancien Parti social chrétien) à la Chambre, Catherine Fonck, a enjoint Charles Michel d’éclaircir la position du gouvernement belge. Elle aussi wallonne, elle a donc demandé au Premier ministre de ne plus se limiter « à parler de dialogue entre l’Espagne et la Catalogne » mais plutôt de rappeler « le nécessaire respect de l’État de droit, des règles constitutionnelles et des décisions de Justice ».
Le ton est plus dur du côté des socialistes wallons. C’est Ahmed Laaouej, chef du groupe PS à la Chambre, qui s’est indigné sur Twitter :
« À la fin, qui décide de la conduite du gouvernement Michel à l’international : Francken, la N-VA, ou Michel ? »
La députée socialiste Julie Fernandez a surenchéri en estimant que les « recadrages » de Theo Francken avaient désormais « une portée internationale ».
Ces crispations entre Wallons et Flamands confirme que la crise catalane a effectivement des répercussions internationales. Et rappellent qu’en Espagne comme en Belgique, les questions identitaires reviennent au premier plan.
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