27/10/2017 – 06H00 Paris (Breizh-info.com) – « Et si vous emmeniez votre voiture en vacances ? » A partir du 10 décembre prochain, il ne sera plus possible de partir avec la SNCF en même temps que sa voiture sur la quasi-totalité des lignes du service auto-train. Alors que la France est plus qu’engagée dans la transition écologique, la SNCF marche à contre-voie et renvoie les voitures (et leurs conducteurs) sur les routes.
Laurent Breyton dirige l’association AUT-AUT (Association des Usagers du Transport Auto-Train). « Notre association a été créée il y a quatorze ans lors des premières menaces de suspension de l’auto-train. La SNCF a fini par fermer toutes les liaisons internationales, notamment vers l’Italie, l’Angleterre et l’Espagne, puis toutes les grandes gares en province, Auray, Nantes etc. [Calais, Genève, Lille, Metz, Mulhouse, Strasbourg, Reims, Tarbes, Saint-Gervais aussi] Depuis douze ans, il ne reste que trois lignes : Paris–Briançon via Lyon, Avignon, Marseille et Nice, Paris-Narbonne et Paris-Biarritz via Brive, Toulouse et Bordeaux », et les tarifs ont fortement augmenté tandis que les fréquences diminuaient et les liaisons de province à province étaient supprimées. C’est ce maillage restant qui est aujourd’hui menacé.
« A partir du 10 décembre, nous avons obtenu la confirmation qu’ils ferment les deux lignes du Sud-ouest, ne maintenant que Paris–Briançon limité à Nice. Cependant sur cette ligne il n’y aura plus la desserte de Lyon, ni donc de Briançon. La raison est qu’ils suppriment un des deux trains à couchettes vers Nice et préfèrent vendre ce qui reste comme place en couchettes à prix d’or », avance-t-il. Depuis douze ans, la SNCF a maintenu l’auto-train en désynchronisant l’acheminement des voitures de celui des passagers, c’est à dire en rompant avec le vieux modèle des auto-couchettes. Les dessertes des terminaux de Brive, Biarritz, Bordeaux, Toulouse ou encore Narbonne sont aussi supprimées.
Officiellement, le service auto-train n’est pas rentable. « La SNCF n’a rien de rentable », tranche Laurent Breyton, « pas même les TGV. Les diverses entités de la SNCF passent leur temps à se facturer des prestations, on marche sur la tête. Ainsi, quand ils vendent un billet auto-train à 160€, ils disent qu’ils perdent 100€ dessus, mais en fait 40% du coût total ce sont les prix des sillons versés à SNCF-Réseau ». La désynchronisation ajoute à l’aberration : tandis que le sillon fret (qui achemine les voitures) « coûte trois fois moins cher grâce aux subventions publiques », celui du train à couchettes est payé à prix fort.
« Ensuite, il y a les coûts de manœuvre. Par exemple les trains sont limités à dix-huit wagons porte-autos alors qu’il pourrait y en avoir plus, mais soi-disant c’est trop difficile à manœuvrer. Sur la liaison vers Biarritz, les voitures qui vont à Bordeaux sont décrochées, soit à Angoulême soit à Limoges, c’est une entité différente de la SNCF qui assure ces manœuvres, et ça a un coût énorme ».
Résultat, comme le fret qui est lui aussi dans une situation dingue après des décennies de gestion aberrante, le service auto-train s’étiole doucement. « On a même l’impression que la SNCF fait tout pour qu’il disparaisse », nous confie un usager parisien. « Pour ma ligne, ça semble plié, mais je ne reprendrai pas la route avec ma voiture… ce sera l’avion puis je louerai une voiture là-bas ». Laurent Breyton tire le bilan : « en 1990 la SNCF transportait 300.000 voitures par an avec ce service, aujourd’hui c’est 60.000. Avec la fin de la quasi-totalité du service, c’est donc plusieurs dizaines de milliers de voitures qui seront remises sur les routes alors que ça fait des années que tout le monde fait des efforts inverses, avec le développement des transports en commun, du covoiturage etc. ça n’a aucun sens ! ». En 2003 encore, l’auto-train transportait 92.000 voitures pour 78 liaisons et 21 terminaux…
L’aberration n’est guère partagée au niveau européen, même si la Deutsche Bahn a supprimé son service auto-train l’an dernier, il reste encore des liaisons Vienne-Livourne, Vienne-Hambourg et Vienne-Vérone, ainsi que des liaisons d’ouest en est de l’Autriche, très populaire chez les motards, assurée par les chemins de fer autrichiens. Il y a aussi des liaisons intérieures en Finlande, Slovaquie, Slovénie, Suisse (du canton d’Uri au canton du Tessin et entre les cantons de Berne et de Valais), République Tchèque… Ainsi qu’une ligne aux Etats-Unis de New York à Miami. Et au Chili, une liaison Santiago–Temuco.
Pour remplacer l’auto-train qui était pratique, la SNCF propose des solutions moins pratiques et plus chères. Ainsi, pour un Paris-Toulouse qui coûtait entre 119 et 248 € en auto-train et permettait de récupérer sa voiture à destination, la SNCF propose de la faire acheminer par un particulier en quatre jours (169€), la transporter par camion (!) pour 338 € en 18 jours – plus c’est gros et mieux ça passe –, voire carrément la faire trimballer par un professionnel qui conduira la voiture pour son propriétaire – il s’agit d’Expediacar, partenaire de la SNCF. La voiture sera déposée dès le lendemain, pour la modique somme de 491€. Bref, pour la SNCF, la transition écologique, c’est moins de trains et plus de voitures sur les routes ; c’est censé s’appeler le progrès.
Louis-Benoît Greffe
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