Les images de la tenue du référendum sur l’indépendance de la Catalogne le 1er octobre dernier et les violences de l’État espagnol contre les Catalans se rendant aux urnes ont fait le tour du monde. Les réactions politiques, hors Catalogne et Espagne, ont commencé à se faire entendre.
Le cas catalan et sa volonté d’émancipation ne sont pas isolés en Europe (lire ici). Les Écossais et les Flamands sont également sur la voie d’un fédéralisme avancé. Ce qui pourrait les conduire, à court ou moyen terme, jusqu’à l’indépendance.
Comment les événements de Catalogne sont-ils perçus depuis la Flandre ?
Une des seules voix européennes
Depuis dimanche, jour de référendum, les chefs d’État européens sont restés très timides sur la question. Peu se sont prononcés clairement, coincés entre un soutien de fait à Madrid et une gêne occasionnée par les images de la répression policière de la Guardia Civil.
Mais l’un d’entre eux s’est fait remarquer. Il s’agit de Charles Michel, Premier ministre libéral et francophone qui gouverne la Belgique aux côtés de la Nouvelle Alliance flamande (Nieuw-Vlaamse Alliantie, ou N-VA). La N-VA est un parti nationaliste néerlandophone (le flamand étant une langue très proche du néerlandais) dont le projet à terme est la création d’un État flamand souverain, indépendant de la Belgique, et membre de l’Union européenne.
Dès le dimanche matin du vote, sur Twitter, Charles Michel déclarait : « La violence ne peut jamais être la réponse ! Nous condamnons toutes les formes de violence et réaffirmons notre appel au dialogue politique ».
Violence can never be the answer! We condemn all forms of violence and reaffirm our call for political dialogue #CatalanReferendum #Spain
— Charles Michel (@CharlesMichel) 1 octobre 2017
Il y a deux ans, le ministre belge de la Justice Jan Jambon, membre de la N-VA, mettait en garde le gouvernement belge si ce dernier ne soutenait pas le référendum catalan et s’il ne respectait pas son issue. Il a visiblement été entendu.
Deux cas différents
Les situations catalane et flamande ne peuvent pas, malgré tout, être réduites à une même analyse car les contextes y sont différents. En résumé, la Belgique est un État de 11 millions d’habitants divisé en deux entités bien distinctes : la Flandre néerlandophone et la Wallonie francophone. Tandis que l’économie flamande est prospère et d’inspiration libérale, la Wallonie, au Sud, est l’une des régions les plus pauvres d’Europe occidentale et terre de socialisme.
La Belgique a été « créée » en 1830 par un groupe de Wallons francophones qui ont interdit l’usage du néerlandais dans la vie politique et administrative, ce qui fit naître le ressentiment chez les locuteurs flamands, leur langue étant mise au ban.
Mais les nationalistes flamands, pas à pas, ont redonné à la Flandre une large autonomie avec ses propres gouvernement et parlement. Une situation approuvée par le peuple flamand puisque, à l’heure actuelle, la N-VA, le parti séparatiste de centre-droit, est le plus puissant du pays. En y additionnant les voix du Vlaams Belang, parti classé davantage à droite que la N-VA, le courant nationaliste flamand représente environ 40% des voix dans cette région de 6,5 millions d’habitants.
Contrairement à la Catalogne, les séparatistes flamands sont dans un rapport de force favorable face à un État central belge très amoindri. Autre différence majeure, les Flamands sont majoritaires, de par leur nombre, en Belgique.
Drapeau catalan
Alors que la ligne dure du nationalisme flamand estime que les dirigeants de la N-VA ne vont pas assez vite ni assez loin dans le processus de l’indépendance, les couleurs catalanes ont pavoisé au siège du parti le weekend dernier.
Dans un communiqué daté du 1er octobre, la N-VA affirme :
« La direction du parti N-VA condamne la violence utilisée contre les Catalans qui voulaient voter lors d’un référendum sur l’indépendance le dimanche. Aucun démocrate ne peut rester indifférent aux images que nous avons vues hier. Ce fut un triste jour pour l’Europe. Les Catalans ont le droit d’exprimer leurs opinions. Et ce droit a été étouffé par la violence de l’État. C’est inacceptable ».
Avant de demander une médiation internationale :
« La Commission européenne ne peut rester à l’écart de la situation. Si un État membre tire sur ses propres citoyens et les frappe pour leur interdire d’exercer un droit démocratique fondamental, il ne peut et ne doit pas être négligé. Nous déposerons à nouveau notre résolution devant le Parlement flamand et le Parlement fédéral pour une médiation internationale ».
Et d’ajouter que « Les Catalans ont fait des déclarations claires, malgré toutes les intimidations. Pour la N-VA, il est clair qu’il faut maintenant un dialogue pour suivre la volonté du peuple catalan ».
Par ailleurs, lors d’un débat mardi 3 octobre, le chef de file de la N-VA, Bart de Wever a déclaré que « La volonté du peuple peut et doit être entendue ».
Vlaams Belang solidaire
Du côté du Vlaams Belang, le soutien aux indépendantistes catalans est inconditionnel. Des membres du parti se sont réunis à Bruxelles afin de demander l’intervention de l’Union européenne dans le conflit.
Where are EU? #CatalanReferedendum pic.twitter.com/AcFDoIgmIa
— Vlaams Belang (@vlbelang) 2 octobre 2017
Bien que le Vlaams Belang ait jugé la position de la N-VA trop peu offensive sur la question de la Catalogne, le parlement flamand a adopté à l’unanimité, le 4 octobre, une résolution sur le référendum pour l’indépendance en Catalogne.
Les prochaines élections flamandes en 2019 remettront obligatoirement la question de l’indépendance sur le devant de la scène. Et, face aux critiques du Vlaam Belang, la N-VA devra répondre aux électeurs sceptiques pro-séparatistes qui ont voté pour elle il y a trois ans.
Autant dire que ce qui se passe et va se passer en Catalogne dans les semaines qui viennent pourrait bien faire jurisprudence en Flandre.
VL
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2 réponses à “Catalogne. Le point de vue des nationalistes flamands”
Juste un petite précision sur l’Histoire de la Belgique:
»La Belgique a été « créée » en 1830 par un groupe de Wallons francophones »
En fait la Belgique a été créee par la classe dominante qui était francisée tant au nord qu’au sud du Pays. La bourgeoisie flamande – les »fransquillions » – parlait aussi le français. Ces francisés n’étaient pas moins belgicans que les Wallons. Paradoxalement on trouvait même un courant »orangiste » (favorable au maintien au sein du royaume des Pays-Bas) au sein de la bourgeoisie wallonne surtout à Liège.
Il y a clairement une dimension européenne à ces événements et l’effet domino. Ce qu’il y a derrière c’est l’effet domino et la prophétie de l’Europe des 100 drapeaux.
Pour citer la France, le Figaro très républicain centralisateur arrange les titres, « 500 000 opposants à l’indépendance déferlent » pour « 1 million de catalans défilent ».
Pour le futur, après les événements il va falloir expliquer comment les espagnols vont pouvoir rester en Catalogne ? A moins d’accepter les petits boulots. Sans maitrise de la langue flamande, tout espoir de carrière professionnel est déjà exclu en Flandre.