03/10/2017 – 08h30 Barcelone (Breizh-Info.com) – Les images de la police espagnole qui tabassait à coups de matraques des civils désarmés ou qui cassait les portes des bureaux de vote ont fait le tour du monde et suscité une immense indignation. A défaut d’avoir remporté la bataille de la légalité ou celle du nombre (la participation est de 42%) la Généralité catalane a remporté celle de la communication.
En Irak, le gouvernement central a condamné le référendum du Kurdistan mais laissé voter. La comparaison est d’autant plus cruelle pour Madrid qui a multiplié les faux pas qui n’ont qu’aggravé la crise et diminué les possibilités de négociations.
La faute à l’esprit centraliste espagnol ? « Ici pour aller à Valence avec le train, il faut quatre heures, comme pour aller à Madrid qui est bien plus loin », remarque un passager exténué de l’express qui se traîne vers Girona; 100 km de Barcelone, 1h28 de train. L’express met 1h09 en s’arrêtant presque à toutes les gares.
Ou à la « haine à l’état chimiquement pur« de Madrid pour Barcelone comme le pense l’indépendantiste catalan Alain Vidal ? Nombre de Catalans du Nord ont aidé leurs voisins du sud à organiser le référendum. D’après nos confrères de L’Indépendant, les urnes ont été cachées chez une centaine de particuliers de la petite ville d’Elne. Et des Catalans de Perpignan et d’ailleurs sont venus résister devant les bureaux de vote.
Les images d’un peuple debout, pacifique, déterminé à se libérer du joug espagnol ont fait le tour de la planète. Ces paysans descendus avec leurs tracteurs barrer les accès aux bureaux de vote. Ces civils repoussant la police, les bras levés et criant « Votarem » à Barcelone et Sabadell. Ces pompiers organisant la défense des dernières écoles ouvertes de Girona, ces Mossos d’Esquadras (police catalane) qui empêchaient la police espagnole de faire irruption dans les lieux de vote.
Avec beaucoup d’inventivité parfois et toujours pacifiquement. 13 heures, dimanche, près de la monumentale, magnifique et vide Gare de France, à l’est du centre-ville de Barcelone. Les feux du carrefour de la place Palau sont en panne, deux voitures de deux Mossos, une à chaque bout, font la circulation. Une colonne de cinq fourgons de la Policia (nationale espagnole) arrive de l’avenue Marques de Argentera à l’est et veut tourner dans la vieille ville, à droite. Ni une ni deux les Mossos font passer une longue file de taxis qui barrent le chemin. Un policier espagnol descend, courtes palabres, il tente d’aboyer un ordre. Refus poli des Mossos. La colonne de fourgons prend à gauche vers le port.
Dans un monde où l’image a souvent une plus forte valeur que les paroles ou les faits, il n’est pas étonnant que les médias aient salué, unanimes, la victoire des bulletins sur les matraques. Y compris les journalistes français, très discrets d’ailleurs hors de Barcelone.
Le très jacobin libéral-libertaire Libération, avait publié plusieurs articles très hostiles au référendum. Dont un qui brocardait tout particulièrement le nationalisme catalan, coupable aux yeux de l’auteur de fragiliser encore plus l’UE. Ce qui ne manque pas de sel puisque les indépendantistes catalans ne cessent de dire leur attachement à l’UE. Un des slogans majeurs de l’Indépendantisme est « la Catalogne, prochain état européen ».
Et bien Libération a titré sur le fait que les violences policières étaient la « défaite » du premier-ministre espagnol Rajoy. Près de 844 blessés, dont un vieillard tabassé à coups redoublés de matraques et un jeune eborgné, le bilan n’est pas à son avantage.
Presque toute la presse française, qu’elle soit du système ou indépendante, déplore et condamne ces violences. Le silence de Macron – qui avait assuré Rajoy de son soutien – n’en apparaît que plus fort. Lui aussi a perdu la bataille de la communication dans cette séquence politique.
Nous n’avons pas vu un seul antifa près des bureaux. Pas un manifestant cagoulé, armé de pavés ou de matraques. Barcelone n’est pas Nantes : lorsque deux millions de personnes défient les matraques, les pavés sont inutiles…
Autre bataille perdue par Rajoy : celle des soutiens. La presse espagnole affirme que la majorité des Catalans est opposée à l’indépendance. Il ne s’est trouvé pour l’affirmer que quelques milliers de personnes samedi et dimanche – dont des éléments radicaux venus de Madrid qui s’en sont pris à toutes les personnes qui avaient sur elles un symbole indépendantiste – drapeau ou pin’s avec le Si, courant ici. Des images qui font peur et repoussent ceux qui étaient susceptibles de soutenir l’union espagnole.
Encore une bonne raison pour que Rajoy passe un sale quart d’heure tant à Madrid qu’à Bruxelles.
Selon nos confrères allemands, Merkel aurait appelé Rajoy pour demander des explications quant à la répression policière. Le premier ministre belge aurait condamné la violence de la police espagnole. Et il apparaît de plus en plus probable, alors que les Catalans forts de leur vote poursuivent leur marche en avant vers la liberté, que l’avenir de la Catalogne ne sera pas décidé à Madrid.
De notre envoyé spécial à Barcelone, Louis Benoit Greffe
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5 réponses à “Catalogne : les indépendantistes remportent la bataille de la communication”
Il est certain que les catalans aient gagné la bataille de l’image,les leaders catalans sont suffisamment intelligents pour cela.Quant à prôner l’indépendance de la Catalogne,le sujet est discutable.A part le petit comté de Catalogne lors de la Reconquista,très vite rattaché à l’Aragon,la Catalogne n’a jamais été indépendante,la tradition de la Septimanie « wisigothique »bien lointaine.Le musée historique de Barcelone uniquement en catalan lorsque je l’ai visité est bien placé pour fausser la réalité historique(cf des historiens espagnols sans parti pris).L’espagnol est mis au ban de la Catalogne ,suppression de la chaire d’espagnol à l’université,refus de répondre en espagnol dans la rue,refus d’intégrer les étrangers qui parfois sont amené à catalaniser leur nom.Ayant travaillé en Aragon,j’ai eu maille à partir en Catalogne avec ma plaque d’immatriculation aragonaise.La bourgeoisie marchande de Barcelone et un certain nombre de politiciens locaux ne souhaitent que s’enrichir soit à travers le tourisme , le commerce ou autre ,les scandales apparaissent parfois(affaire du leader Pujol ) et malheureusement les attentats,le manque de protection des touristes,interessant pour leur argent,ne date pas du massacre de la rembla(risque prévisible après l’atentat de Nice).
La meilleure des légitimités est une démocratie.
La plus complète possible, si indépendance, quid de la Constitution ?
Je n’ai pas d’avis, ne connaissant pas suffisamment le sujet, bien qu’une forte sympathie (voire jalousie) pour les indépendantistes catalans.
Je constate néanmoins le délire du gouvernement central. Scrutin illégal ou pas, on ne traite pas des gens qui cherchent à voter comme cela. Déjà, les premières mesures sur les élus étaient très maladroites.
Au Québec, on a voté et pas d’indépendance. En Écosse, on a voté, même chose. Rien n’assurait une victoire du vote indépendantiste en Catalogne (espagnole ? ibérique ?), la réaction de Madrid est typiquement FASCISTE (ce mot a un sens, aujourd’hui, maintenant, en cet endroit, en Europe), car disproportionnée. Le pouvoir central est aux abois.
Les Etats-Nations, simples avatars à l’échelle de l’Histoire (et Préhistoire), sont finis et c’est leurs refus à disparaître qui entraîne la décadence de la civilisation européenne.
Une refonte de l’UE sur une armée unique et une Europe des Provinces est complètement viables.
Force est de constater que les Etats-Nations ont produit une monstre techno qui ne permettra pas cette armée (assez rapidement, ça finira bien par arriver, sûrement l’Allemagne qui recyclera l’industrie française, évidemment).
Si seulement de Gaulle n’avait pas eu l’ego de s’approprier un référendum en 69…
Entre autres. Mais rien que ça. Le Royaume-Uni est bien plus inégalitaire et presque autant centralisateur que la France (la plus perverse), pourtant la dévolution a eu lieu, et un référendum. La France a raté sa chance d’être plus forte, ce qui aurait rendu l’Europe plus forte.
à Barcelone il y a bien plus de personnes qui ne parlent QUE espagnol que de personnes qui parlent AUSSI catalan. Les noms de rues sont dans les deux langues (vieilles plaques en espagnol, nouvelles en catalan), il y a des messes en castillan (espanol) à la Cathédrale, beaucoup moins qu’en catalan il est vrai mais c’est logique… et pourtant l’Eglise est très partagée sur la question de l’indépendance, dans les lieux publics (gare, aéroports, métro) la double signalétique est partout de mise.
Bon article à part le « En Irak, le gouvernement central a condamné le référendum du Kurdistan mais laissé voter. »
La tutelle de l’Irak sur le Kurdistan irakien n’est plus que théorique et ce depuis la 1ere guerre du golfe !
Si l’état irakien avait pu il aurait sans doute fait pire que l’Etat espagnol …..
Très nombreux sont les Catalans à ne souhaiter en rien l’indépendance ! Selon eux, aussi bien RAJOY que le gouvernement catalan sont dans l’autisme le plus absolu, sur fond d’une idéologie basée sur les engagements lors de la Guerre Civile. Personne n’a rien à gagner ni d’une indépendance ni de ce chaos créé pour rien, alors que tout l’Occident fait face à des enjeux gravissimes, à savoir la submersion programmée de nos pays par l’islam et les manoeuvres de puissances politiques étrangères et de puissances d’argent mortifères !