01/10/2017 – 06h30 Rennes (Breizh-Info.com) – En 2013 le producteur français installé aux USA Daniel Rabourdin tournait en Vendée un film documentaire sur la Guerre de Vendée. Il s’était entouré de l’historien Reynald Secher et des bénévoles de l’association des Brigands du Bocage, ainsi que du réalisateur Jim Morlino.
Sorti en décembre 2016 aux Etats-Unis, il est régulièrement présenté en France depuis le printemps 2017 ; son réalisateur fait le tour du pays pour le faire connaître et espérer convaincre des distributeurs de le présenter dans leurs salles.
Nous l’avons interviewé alors qu’il était de passage à Rennes pour une projection organisée par l’association Mémoire du Futur, devant 300 personnes.
Breizh Info : Daniel Rabourdin, pouvez-vous vous présenter ?
Daniel Rabourdin : J’ai vécu en France jusqu’à mes 24 ans, et je suis installé depuis 30 ans aux États-Unis. Je travaille pour EWTN (Eternal World Television Network), la plus grosse télé catholique du monde, basée en Alabama, qui a 500 employés et 3 millions de dollars par mois de budget. Elle est engagée dans l’évangélisation, sans aucune concession au politiquement correct. Je ne suis rentré en France que pour diffuser mon film.
Breizh Info : Pourquoi avoir choisi le sujet de la Vendée ?
Daniel Rabourdin : Je me suis aperçu du fait que c’était le début apocalyptique de la persécution culturelle des chrétiens aujourd’hui en France. Tout l’appareil culturel (Éducation nationale, médias etc.) est contre les chrétiens.
Breizh Info : Le clergé porte une part de responsabilité, comme le dénonçait récemment, dans ces locaux même à Rennes, le rédacteur en chef Culture de Valeurs Actuelles Laurent Dandrieu ?
Daniel Rabourdin : Oui, tout à fait.
Breizh Info : Où avez-vous tourné ?
Daniel Rabourdin : En Vendée, à Chantonnay, avec les bénévoles figurants de la compagnie des Brigands du Bocage (dirigée par Ghislaine Herbreteau), et les conseils de Reynald Secher.
Breizh Info : Pourquoi avez-vous choisi de le diffuser en faisant appel à des associations ?
Daniel Rabourdin : Je veux convaincre les distributeurs que ça peut remplir des salles. Il y a des centaines, des milliers de français qui veulent voir ce film et connaître leur histoire. Et puis ça part d’une démarche basée sur le peuple et non les élites, comme par exemple le recours au financement participatif.
Breizh Info : Comment avez-vous financé ce film, justement ?
Daniel Rabourdin : J’ai craqué ma retraite US, travaillé quatre ans sans me prendre de salaire, et ça a fait un tiers du film. Les deux autres tiers ont été payés par le financement participatif, à 60% par des donateurs américains et 40% par des donateurs français.
Breizh Info : Pourquoi n’avez vous pas fait financer la production par EWTN ?
Daniel Rabourdin : Parce qu’en définitive il y a peu de budget, tout passe dans le paiement de places sur les bouquets satellites.
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Breizh Info : Que réalise d’ailleurs EWTN ?
Daniel Rabourdin : Des documentaires, des séries TV, des émissions diffusées pour les enfants, des téléréalités…
Breizh Info : Des téléréalités ? Pour nombre de catholiques français, c’est l’expression du Mal absolu sur la télé, alors des téléréalités catholiques, ça surprend un peu voyez-vous…
Daniel Rabourdin : Ce sont des réacs qui n’y comprennent rien et ne détachent pas le contenu du format. On peut par exemple filmer des comportements nobles et constructifs, comme des missionnaires dans la jungle, puis ensuite agencer les images, créer des respirations et du suspense, faire un récit selon la structure du drame chez Aristote…
Breizh Info : Quel a été votre angle dans la réalisation de Rébellion cachée ?
Daniel Rabourdin : Je ne suis pas un historien qui cherche des images pour démontrer une chronologie. C’est un documentaire, ça doit être vrai mais aussi attrayant.
Breizh Info : Quels ont été vos personnages clés ?
Daniel Rabourdin : J’ai choisi délibérément de créer un couple de paysans qui ont repris les caractères de plusieurs personnages qui ont, eux, existé, et non un général vendéen par exemple.
Breizh Info : En donnant la parole aux paysans, vous avez choisi un angle qui n’a été repris, pour relater l’épopée des chouanneries, que par quelques auteurs, comme Pierre Péan (Les Chapellières : une terre, deux destins en pays Chouan) ou Henri Queffelec (la Mouette et la Croix), tandis que bien d’autres se focalisaient sur l’un des personnages principaux, connus, des chouanneries ou de la guerre de Vendée. Pourquoi ?
Daniel Rabourdin : Parce que j’avais une pensée issue du Nouveau Monde, celle que n’importe quel homme peut devenir leader. Mais aussi le souci de voir les gens s’approprier mieux leur histoire à travers notamment la sympathie envers un homme qui s’élève. Cela permet aussi d’embrasser tout le spectre social. Et puis c’est la gloire de la civilisation chrétienne de permettre aux gens de s’élever ; ailleurs, il y a des castes ou des tribus très cloisonnées, on n’en sort pas comme ça.
Breizh Info : Comment avez-vous filmé ?
Daniel Rabourdin : Avec 160.000 € de budget, un seul caméraman. Et pourtant on atteint un niveau proche d’un documentaire Arte à 500.000 €
Breizh Info : Comment avez-vous fait ?
Daniel Rabourdin : En utilisant des raccourcis méthodologiques, des tuyaux [ce que les américains et les russes à leur suite appellent lifehack]. Par exemple On n’a pas fait appel à des subventions publiques ou privées. Pourquoi remplir des tonnes de papier, attendre 6 à 12 mois et voir 20% de l’argent repris par les donateurs à l’issue ? On a foncé et fait appel au crowdfunding. On n’a pas fait de campagne d’appel aux dons sur le web. J’ai fait une vidéo de moi pour expliquer le projet aux futurs donateurs. On n’a demandé aucune autorisation aux autorités ecclésiastiques, historiques ou intellectuelles. On les attendrait encore. On s’est passé de bande originale coûteuse : pourquoi payer 30 à 40.000 € quand il y a des banques de musique en ligne, à 60 € l’une, où des gens talentueux basés en Corée ou en Afrique du Sud contribuent sans cesse ? Et ainsi de suite. Bon, il faut dire qu’en quatre ans, je n’ai pas pris un jour de vacance non plus.
Breizh Info : Quelles sont vos meilleures projections ?
Daniel Rabourdin : A Angers, 240 personnes. Toulon, 7 projections, 700 personnes. Ici à Rennes, 300 personnes. Le Pecq (78), 180 personnes. Il y en a d’autres.
Breizh Info : Combien paient vos spectateurs ?
Daniel Rabourdin : Un « prix libre » de 6.5€ et généralement ils achètent le DVD à la fin.
Breizh Info : Donc vous valorisez mieux qu’au cinéma ? Pourquoi continuer à vouloir convaincre les distributeurs alors que vous vous en passez très bien ?
Daniel Rabourdin : Oui, mais c’est important de voir le film passer en salles pour la vente de DVD et la diffusion à l’étranger.
Breizh Info : Votre film dresse des parallèles entre la Terreur et la Révolution russe héritière des idées de Robespierre, entre la Vendée et le Holodomor en Ukraine – même si la famine au Kazakhstan et sur la Volga, tout aussi meurtrières, ont été oubliées, tout comme la répression de la révolte paysanne de Tambov, qui est vraiment l’équivalent, tout aussi apocalyptique, de la rébellion vendéenne en Russie. Vous parlez aussi des Cristeros. Quelle est la réception de votre film ?
Daniel Rabourdin : Les gens applaudissent. J’ai été remercié par des descendants de survivants du Goulag ou de Cristeros. Comme je le dis dans le film, « tous les peuples libres ont souffert de l’utopie communiste tirée de la Révolution ». Seulement la répression par la lame de l’épée sous la Révolution a été remplacée de nos jours par celle qui est faite par la plume et la caméra.
Propos recueillis par Louis-Benoît Greffe
Crédit photo : DR
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