28/09/2017 – 08hO0 Cholet (Breizh-Info.com) – C’est ce qu’on appelle une innovation disruptive. Le robot d’Octopus Robots, une start-up implantée au cœur de Cholet – un positionnement en centre-ville revendiqué, change radicalement le métier d’éleveur de poulets. Autonome, de taille peu imposante, il ne brutalise pas les poulets et fait un certain nombre de tâches très importantes pour l’hygiène, mais dont la réalisation manuelle prenait jusqu’alors beaucoup de temps pour des résultats généralement insatisfaisants.
Octopus bénéficie de recherches faites depuis plusieurs années. En 2000 le PDG Olivier Somville rachète une entreprise spécialisée dans la métrologie de haute précision. En 2011, il le diversifie dans la désinfection des hôpitaux. « A la base, on avait des machines fixes pour désinfecter les blocs opératoires dans les hôpitaux. Puis on a découvert qu’il y avait du potentiel pour la désinfection de grands volumes, supérieurs à 100 mètres cubes, mais que c’était infaisable avec des machines fixes. Il fallait donc rendre la machine mobile, donc faire un robot. J’ai tout vendu et je suis reparti sur cette idée », en 2014.
Aujourd’hui, Octopus, c’est 15 employés et un marché presque infini – il y a 1 million de bâtiments d’élevages à traiter pour les 80 plus grands groupes avicoles de la planète, mais le robot peut aussi désinfecter des grandes surfaces, des halls d’hôpitaux, des gares, des voies ferrées etc. Primée au SPACE à Rennes en 2016 pour son innovation, l’entreprise était à nouveau présente au SPACE 2017.
Faciliter la vie aux éleveurs et lutter contre l’antibiorésistance
Modulaire, le robot Octopus Poultry Safe est partiellement imprimé en 3D et protégé par plusieurs brevets. Il peut brasser les litières, procéder à des vaccinations, mais aussi propager dans les bâtiments un « brouillard sec, des micro-gouttelettes de biocide qui détruisent les bactéries, les germes de staphylocoque doré, l’E. Coli etc. et s’infiltrent partout, saturant le bâtiment », nous explique le PDG, Olivier Somville. L’avantage : il n’y a pas de condensation, « les structures du bâtiment ne sont pas abîmés par les produits comme c’est le cas avec une désinfection classique ».
« Dès la première désinfection avec nos robots, dans un élevage avicole, à la demande d’un vétérinaire qui y avait constaté une épidémie de fièvre hémorragique, l’éleveur n’a relevé aucune nouvelle mortalité », explique Olivier Somville. Conséquence pour un élevage qui s’équipe avec le robot Octopus Poultry Safe : « une diminution de la mortalité des poulets, de leur consommation de médicaments, et une très forte réduction de leur déclassement en abattoir. La marge de l’éleveur augmente donc ».
Par ailleurs, le recours aux antibiotiques est évité, et donc le phénomène de développement de bactéries multi-résistantes est endigué. L’antibiorésistance, reconnue comme problématique majeure par l’ANSES, a été la cause de 13.000 décès en 2015 en France ; 160.000 patients contractent des infections chaque année. D’après l’OMS, il y aura 10 millions de morts par an à cause de l’antibiorésistance en 2050 si aucune solution n’est trouvée.
Son travail achevé, le robot, pourvu d’une intelligence artificielle et bardé de capteurs interactifs divers et variés rentre lui-même à sa base pour s’y recharger en électricité et en biocides. Qui sont en fait des mélanges d’huiles essentielles ou du péroxyde d’hydrogène (eau oxygénée). Bien pulvérisés, ils permettent l’éradication des agents pathogènes comme si le bâtiment avait été vidé et stérilisé. L’agriculteur n’a plus qu’à définir l’heure à laquelle le robot doit vaquer à ses tâches, celui-ci peut traiter jusqu’à 1000 mètres cubes avant d’aller recharger ses batteries.
Outre la désinfection et le traitement des poulaillers, le robot cartographie en permanence la température des bâtiments, l’humidité, les niveaux de Co² et d’ammoniaque, le niveau sonore et la luminosité. Les données sont compilées en continu dans une base Big data et l’éleveur est prévenu si le robot relève des anomalies qui peuvent entraîner la mort d’animaux. La base du robot – où se trouvent les capteurs, les caméras thermiques et l’intelligence artificielle – ne pèse que 35 kilos et dispose d’une autonomie de 20 heures, « ce qui permet de surveiller efficacement les abords des élevages ; cette application intéresse déjà certains éleveurs », précise Olivier Somville.
Les poulets ne sont pas brutalisés par le robot : alors qu’ils sont prompts à s’entasser sur eux-mêmes et à s’étouffer lorsqu’un humain entre dans leur bâtiment, ils avancent doucement devant le robot, équipé d’une jupe de protection, certaines poules ou dindes montent même dessus faire un tour de manège.
Après une levée de fonds de 1,5 millions d’€ bouclée en deux semaines auprès de gestiionnaires privés pour fabriquer en série son robot, complétée par une autre levée de fonds de 500.000 € en crowdfunding, Octopus a commencé à le commercialiser dès 2017. La fabrication sera faite à Cholet, avec des pièces qui proviennent notamment de RBL Plastiques, à Châteaubriant (jupe de protection, châssis et réservoir). Les premières livraisons auront lieu dès décembre 2017. Octopus Robots a déjà acquis « six imprimantes 3D professionnelles » pour réaliser les pièces les plus complexes à Cholet même.
« La base du robot, avec les capteurs et l’intelligence artificielle, coûtera 35.000 €. Après, il y a plusieurs modules qu’on branche en plug and play sur le robot, dont le prix pourra aller jusqu’à 50.000€ avec toutes les options », précise Olivier Somville, dont l’objectif est de « produire 1000 unités par an en vitesse de croisière ».
Il a déjà séduit déjà des éleveurs français, mais aussi brésiliens, belges, néerlandais, canadiens, lituaniens… ou russes. La société, assez pro-active par rapport à bien d’autres PME, a déjà embauché des collaborateurs qui parlent russe, espagnol, anglais, arabe… pour commercialiser son robot. En France, Doux, LDC ou encore Agrial s’y intéressent. « En France comme à l’étranger, nous avons été identifiés par la plupart des plus grands acteurs de l’aviculture », explique Olivier Somville. La start-up, qui continue à grossir, prévoit d’entrer en bourse « d’ici 6 à 8 mois ».
Un enjeu anti-terroriste important
Il y a bien d’autres utilisations possibles. « Aujourd’hui, s’il y a une attaque terroriste avec un agent bactériologique, un germe d’Ebola par exemple, rien n’est prévu pour désinfecter le bâtiment touché », nous explique Olivier Somville. « Nous avons interrogé les acteurs concernés : ce n’est pas le rôle des pompiers, ni des forces de l’armée ou de la police… en dernier ressort c’est à la mairie de faire le nécessaire. C’est à dire que la mairie de Paris par exemple ira s’adresser au dératiseur du coin, faute de dispositif ad hoc, avec des matériels faits pour la désinfection post-attentat des bâtiments ou des contenants concernés » (par exemple un centre de tri postal qui aura vu transiter des colis avec des bactéries de la maladie du charbon… comme cela a été le cas en 2001 aux Etats-Unis (5 morts, le ou les auteurs des envois meurtriers n’ont jamais été trouvés).
Si les terroristes utilisent pour l’heure des moyens à bas coût, faciles à mettre en œuvre et qui n’attirent pas l’attention (attaques au couteau, tireurs isolés, voitures bélier…), le terrorisme low cost n’est pas la seule menace qui pèse sur la France. En 2015, le gouvernement a autorisé la pharmacie des armées à distribuer du sulfate d’atropine aux équipes du Samu et des pompiers, un antidote puissant contre les gaz toxiques.
Octopus a pris des contacts avec des prestataires de nettoyage pour la désinfection de grandes surfaces telles que les aéroports, mais aussi d’abattoirs ou d’usines de transformation. Un projet est aussi en cours avec la SNCF pour le desherbage des voies ferrées, puisque le glyphosate sera bientôt tout à fait interdit. « Des essais ont déjà été faits avec le robot sur des voies ferrées et sont concluants », remarque Olivier Somville. « Celui-ci dispose d’une très grande autonomie, d’un poids réduit – de l’ordre de 70 kilos avec tous les modules – il est polyvalent, ça ouvre de nombreuses possibilités d’utilisation. Dans le domaine de la désinfection aujourd’hui, il y a énormément de travail ».
Louis-Benoît Greffe
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