10/09/2017 – 08h20 Paris (Breizh-Info.com) – L’enfer est souvent pavé de bonnes intentions. C’est ainsi que le quotidien conservateur parisien Le Figaro, qui a fait tout récemment un article sur l’apprentissage des langues régionales à l’école, a multiplié les bêtises, au point de traiter le breton, le basque ou encore le corse de « patois ». Et de susciter des réactions indignées de la part de nombreux lecteurs. Et une foire d’empoigne dans les commentaires entre jacobins et régionalistes.
Du reste, ça commençait mal puisque l’accroche renvoyait tout bonnement les langues régionales aux limbes de l’Histoire : « Héritage du passé, les langues régionales ou dialectes se perdent avec le temps. Mais certaines régions sont déterminées à perpétuer la tradition auprès des plus jeunes ».
La suite était encore pire puisque l’article affirmait, comme à regret que « l’apprentissage du «patois» dans les écoles publiques est permis par l’Éducation nationale ». Un inter-titre plus loin enfonçait le clou : « Le choix du patois dans les écoles publiques ». Parmi les langues ainsi rabaissées : « basque, breton, catalan, corse, créole, gallo, occitan-langue d’oc, tahitien, des langues régionales d’Alsace, des pays mosellans, des langues mélanésiennes ainsi qu’au wallisien et au futunien ».
Les journalistes du Figaro, perdus dans la grisaille parisienne, sont sans doute ignorants du fait que le breton est parlé en Armorique depuis le Ve siècle, et le brittonnique dont il descend comme le cornique l’était sous l’Empire romain. Isolat linguistique, le basque est parlé depuis l’Empire romain et les premières traces écrites connues datent du IVe siècle (Veleia). Et on peut continuer avec bien d’autres langues régionales.
Tout cela est bien antérieur aux poètes de la Pleïade qui renouvellent et enrichissent le français dans un double objectif de la rendre indépendante par rapport à l’italien et au latin, plus riches, et d’unification de la France. Leur manifeste, La Défense et illustration de la langue française de Joachim du Bellay, date de 1549. Joachim du Bellay, pour la petite histoire, est né à Liré, situé en Anjou juste en face (3 km) de la forteresse bretonne d’Ancenis ; cela dit, à l’époque et jusqu’à la Révolution, Liré faisait partie du diocèse de Nantes… en Bretagne.
La langue bretonne est aussi antérieure à l’année zéro pour les jacobins de toutes espèces, avant laquelle il n’y a ni Histoire ni passé digne d’être retenu : 1789. Et elle est très antérieure aux réformes orthographiques de l’Académie Française (1718 : adoption du J et du V, 1835, 1878 et enfin 1990) qui ont donné lieu au français moderne.
Les journalistes du Figaro ignorent aussi sans doute qu’eux, comme beaucoup de français, parlent – horresco referens – breton ! Et pas seulement quand ils sortent un article qui va faire du reuz. Hervé Lossec a mis en lumière cette réalité et trouvé de quoi faire deux tomes de bretonnismes (en 2010 et 2011). Bref, avant de remplir sa colonne, la brave Pauline Dumonteil qui a écrit l’article aurait pu souffler un peu, se prendre un jus avec des lichouseries, ou à la rigueur une binouze. Et en profiter pour venir en Bretagne, s’intéresser aux langues régionales, plutôt que de se retrouver dans le lagen après avoir multiplié les approximations.
Loeizh Milin
Crédit photo : Martinb [CC BY 2.0]
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21 réponses à “Le Figaro cède au démon du jacobinisme et traite le breton de patois”
Chasser le naturel, il revient au galop !
Dans cet article du Figaro, le journaliste ne se rend même pas compte de l’arrogance crasse vis à vis des voisins européens, les flamands, luxembourgeois, allemands, italiens, les catalans, basques et même gallois … En Bretagne c’est jouer petit jeu, le journaliste devrait aller loger au Pays Basque côté espagnol ou même en Corse et aller qualifier de patois leur langue.
Remarque historique : le basque n’est pas parlé depuis l’empire romain mais avant. Il est non indo européen et antérieur aux langues celtiques.
Le basque en effet doit être parlé depuis l’époque mésolithique (il a sûrement évolué depuis). A l’époque, même dans la basse Antiquité, son aire était beaucoup plus vaste.
J’ai le souvenir, dans un bar de Hendaye, d’un universitaire qui s’était hasardé à dire: « votre langue n’est pas latine, elle est finno-ougrienne, vous avez plus d’affinités pour des solutions violentes que pour un dialogue constructif, cela fait beaucoup de points communs avec les Albanais, il ne vous manquerait plus que de devenir musulmans! »
Inutile de dire que ça a bien failli se barrer en live, heureusement il y avait aussi quelques clients costauds mais qui avaient le sens de l’humour (ce qu’ils ne partagent pas avec les Albanais) et ça s’est terminé par une tournée générale aux frais du gaffeur.
N’importe quoi ! Le basque est une langue préindo-européenne mais certainement pas finno-ougrienne, rien à voir avec le finnois ou le hongrois. Il se rapprocherait davantage du berbère ou de l’abkhaze. L’albanais n’est pas une langue latine (encore que les mots d’origine latine soient relativement nombreux) mais néanmoins indo-européenne.
Je n’ai jamais dit que j’approuvais les propos de l’intello du dimanche (un Béarnais d’une fac de Pau) mais en tant que partiellement Basque et avec des ancêtres Bretons et Irlandais, j’ai entendu (et entends encore) tout et son contraire sur le Basque et les différentes langues Bretonnes, et je préfère encore le prendre à la rigolade sauf quand il s’agit d’un article comme celui du Figaro.
Le summum de l’article du Figaro : » Mais le dialecte corse est encore très répandu grâce à son apprentissage dans le public » ! Mais on peut compter sur leur expertise en matière de voies d’exécution …
Le Figaro n’a jamais été un vrai quotidien conservateur et ses pigistes proviennent souvent de la sodosphère (libé, marianne, inrocks etc) . Rien d’étonnant donc, si des articles comme celui qui fait l’objet de notre discussion, sont d’immondes bouses sans aucune valeur d’information.
Bon résumé, dans le style « péremptoire mais tellement vrai ». Je garde la « sodosphère », c’est lichou comme terme :D
Je ressors ce terme à chaque fois qu’on m’inflige « fachosphère » et à chaque fois c’est comme si je mettais un pain à mon interlocuteur, il reste un instant coi et après il ne peut laisser passer ça sans réagir, c’est un vrai plaisir!
Au fait l’expression a été utilisée pour la première fois par le regretté Maurice G. Dantec, trop tôt disparu.
Tout à fait hors sujet, il est aussi l’auteur de ce poème, lui qui était converti à la religion chrétienne après une enfance dans une famille de communistes athées:
http://haussedecombat.xooit.fr/t83-Il-faut-enculer-les-crapauds.htm
Excellent, gageons que le terme sodosphère va faire son chemin !!!!
La réaction des Provençaux à cet odieux article : wp.me/p94NZx-1V
Si la Provence est une nation, l’Auvergne, la Gascogne aussi. Certains Niçois ne se veulent pas plus provençaux que certains Provençaux ne se veulent occitans. Le nom « Occitanie » existe depuis le Moyen Age. Un jour, un Occitan m’a dit que l’Occitanie était tellement « immense » qu’il était difficile d’y trouver une unité.
La création des grandes régions n’a pas eu que des inconvénients. Ainsi l’Occitanie a retrouvé ses frontières originelles puisque son nom est le dérivé latin de celui de Languedoc.
La Provence est une nation, c’était même un Etat indépendant qui possédait son propre parlement (comme la Bretagne) et qui a été rattaché à la France lors de la fameuse Nuit du 4 août 1789 (comme la Bretagne). A l’initiative du Club des Bretons qui deviendra le Club des Jacobins, pour l’anecdote.
La Countea possède une culture et une langue qui lui sont propres et qui doivent être respectées. Mais avant de choisir de rejoindre la Savoie en 1388 en se constituant en « Terres neuves de Provence », ce territoire appartenait au Comté de Provence.
..
Que le créole de latin qu’on appelle le français ait eu un impact débilitant sur le breton, tout comme sur l’Anglais d’ailleurs, ne fait aucun doute. C’est une grande tristesse pour Breizh pas un motif de réjouissance …
du
Une étude linguistique approfondie que je tiens à la disposition de qui me la demandera m’a permis de conclure à la pertinence de l’étymologie du mot « patois » (qui fut aussi « patrois ») qu’avait avancée le grammairien Gilles Ménage en 1694 : aboutissement d’une forme latine « patrensis », paternel (sermo), langue paternelle. car l’expression « langue maternelle n’apparait pas avant le XIIe s.
Cicéron notamment l’employait au sujet du latin, qui était déclassé dans l’opinion romaine par rapport au grec, langue commune depuis Alexandre vers 300 avant Jésus-Christ.
Quand il y a une langue d’usage général sur un vaste territoire, tous ceux qui ont besoin de sortir du cercle de leur langue paternelle lui préfèrent la langue commune.
Il en fut ainsi notamment des Bretons qui rédigèrent leur grande Coutume en français, vers 1325.
Un « patois », langue apprise en famille, sans les contraintes de l’école, n’a pas demandé d’effort, et ceux qui l’ont ainsi appris font très rarement l’effort d’en apprendre la grammaire, et l’orthographe mise au point par quelques universitaires.
On peut toujours agonir d’injures ceux qui disent que le basque, le breton, le gascon ou le provençal sont AUJOURD’HUI des « patois », cela ne change rien à leur statut sociolinguistique de langues secondes dans une société moderne.
L’énumération que je viens de faire était déjà dans l’article 17 du décret du Président Carnot du 12 janvier 1894 (J.O. du 11 février, p. 670) sur le service du télégraphe. Nommés « idiomes », ils étaient bénéficiaient du tarif en « langage clair’.
Mais même me service du télégraphe a disparu !
Ce qui ne nous empêche pas d’aimer et cultiver NOTRE PATOIS, LA LANGUE DE NOS PÈRES !
Jean Lafitte : BRAVO !!!!!
Historiquement vous avez surement raison.
Néanmoins une langue évolue, parfois les mots ont 2 sens, sens désuet etc, en 2017 le mot « patois » a principalement une signication péjorative et dénigrante. Et son usage par le journaliste du Figaro est l’usage dénigrant et de manière volontaire.
Vous avez raison, j’en traite dans mon étude, que je vais donc citer :
Le mot est apparu à l’écrit vers 1260, sans AUCUN SENS PÉJORATIF; l’écrit en perd la trace jusqu’à la fin du XVIème siècle. Et j’écris :
« Ceux qui possèdent le français le doivent le plus souvent à des études
qui ont pesé sur leur jeunesse ; ils en font un titre de supériorité… et
le mépris, peu charitable mais si humain, s’insinue vite dans le concept de
“patois”. Aussi, dès l’introduction de ce mot dans les dictionnaires,
sa définition fera toujours référence aux paysans, et sera accompagnée de
quelque mention dépréciative ; ainsi, chez Antoine Oudin
(1656, p. 309) : “Patois, i. langage de paysan, ou du vulgaire. parler son Patois,
i. son langage maternel, & grossier.” »
Cela se poursuit au XVIIème s., mais…
« Paradoxalement, le sens péjoratif disparait à la Révolution
[…] Alors que l’Académie française n’était plus qu’une “classe” de l’Institut de France créé en 1795, elle va produire en 1798 la 5ème édition de son Dictionnaire ; […] l’article de la p. 247 du t. 2 ne mentionne plus le sens péjoratif, mais (ré)introduit la notion de particularisme géographique : “PATOIS. s. m. On appelle ainsi Le langage du peuple et des paysans, particulier à chaque Province. Parler patois. etc. (in-changé).” »
On voit que l’aspect sociolinguistique et la limitation dans l’espace sont bien évoqués.
Quant au « jacobinisme », il doit son nom au Club dit “des Jacobins” parce qu’installé dans un ancien couvent des Dominicains, appelés ainsi à cause de leur autre couvent, plus ancien, de la rue St-Jacques.
Mais on ne doit pas oublier que ce Club est né du développement du “Club breton” sur lequel Wikipédia pourra vous renseigner : https://fr.wikipedia.org/wiki/Club_breton
J’ajouterai, parce que je suis un vieux « réac », que tout ce qu’on peut dire autour des “discriminations” ne peut être que du vent si l’on ne s’adresse pas au cœur de l’homme en lui rappelant la parabole évangélique des talents : celui qui a des avantages de culture ou de richesse qui le placent en avant dans la société a le devoir de les mettre au service des autres, en remerciant Dieu de les lui avoir donnés et en évitant tout mépris à l’égard des moins dotés.
Je pense qu’il faudrait laisser de côté l’expression « langue régionale » qui ne veut rien dire . Les dites régions sont une construction récente . Chaque région n’a pas sa langue et inversement . Surtout, cette expression suppose de s’incliner devant le français baptisé de manière trompeuse « langue nationale » alors que justement ma mangue nationale comme Breton c’est quand même le breton !