10/09/2017 – 07h35 Pékin (Breizh-Info.com) – En quinze ans, la Chine est devenue la deuxième économie mondiale derrière les États-Unis (son PIB a été multiplié par 8), le premier exportateur mondial (devant l’Allemagne depuis 2010) et le premier détenteur de réserves de change.
Comment est-ce possible ? La Chine est-elle libérale ?
Non, la Chine est communiste et le restera : l’ouverture du marché chinois aux entreprises étrangères y est toujours soumise à de dures restrictions. Les constructeurs automobiles étrangers doivent former une co-entreprise avec un partenaire local s’ils veulent s’installer en Chine. Un groupe étranger ne peut monter au-delà de 20 % au capital d’une banque chinoise. Pékin a même récemment décidé que les transferts à l’étranger d’une valeur de plus de 5 millions de dollars seront désormais tous contrôlés par l’administration publique des changes, qu’ils soient libellés en yuan ou en monnaies étrangères. De fait, en abaissant drastiquement le plafond, plusieurs entreprises étrangères se retrouvent désormais en difficulté, notamment pour faire remonter leurs dividendes à leur maison mère.
Astucieux mais quel est donc le secret de l’économie chinoise ?
Tout simplement l’économie fermée de Friedrich List auquel Nouvelle Ecole avait consacré déjà il y a quelques années un numéro spécial. C’est List et son Système d’économie politique qui a été revu et lu au pays de Marx et de Mao.
Fin juillet, la construction d’un port militaire chinois à Djibouti, notre ancien pré-carré nous avait tellement alerté qu’on décida de rompre un court instant notre trêve estivale pour diffuser l’info.
La Chine se prépare-elle à tout ?
En tout cas militairement, elle se ceinture et ceinture aussi sa diaspora.
Selon de multiples rapports du commandement militaire américain dans le Pacifique, des avions de combat chinois survolent irrégulièrement les îles contestées de la mer de Chine méridionale. Pour le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi, les activités de la Chine dans ces archipels ne sont réalisées que dans le cadre de la souveraineté territoriale de l’Empire du Milieu et sont donc conformes au droit international. En fait, quand on discute avec les militaires américains du Pacifique, la présence ponctuelle de ces avions est moins inquiétante que l’installation de radars plus au sud, en particulier dans l’archipel des Spratleys.
Des images satellites du récif de Cuarteron (Huayang en chinois) situé dans l’archipel des Spratleys et publiées par le Centre d’études stratégiques et internationales (CSIS) ont détecté la présence en particulier d’un radar à haute fréquence mais aussi d’un phare, d’un bunker souterrain, d’une plateforme pour hélicoptère et des équipements de télécommunications sur ces îles.
D’autres clichés de récifs proches (Gaven, Hughes, Johnson South) sont présentés comme montrant des installations similaires. Or Woody (appelée Yongxing en chinois), qui est la principale île de l’archipel des Paracels, contrôlé par Pékin est également revendiquée par Taïwan et le Vietnam. Un responsable américain avait très discrètement confirmé en début d’année que les Chinois avaient déployé sur cette île des missiles sol-air. Ce qui est en tout cas certain c’est que les Chinois disposent d’une piste aérienne sur cette île depuis 1990 et y ont effectué des travaux en 2014-15 pour pouvoir accueillir des avions de combat modernes chinois comme le J-11.
Ceinture extérieure mais aussi ceinture intérieure
En début d’année, Pékin a adopté le projet de loi imposant des contrôles accrus aux organisations non gouvernementales (ONG) étrangères. Ce texte a été approuvé par l’Assemblée nationale populaire (ANP) en dépit d’une levée de boucliers d’organisations caritatives et de gouvernements étrangers, qui s’inquiétaient d’un contrôle policier renforcé de leurs officines locales. Désormais, les ONG étrangères devront être “associées” en Chine à une agence contrôlée par le gouvernement chinois et régulièrement, elles devront rendre compte de leurs activités, avec l’obligation de rapporter toute “activité temporaire” aux autorités à l’avance. La police peut par ailleurs annuler toute activité d’une ONG qu’elle juge contraire à l’intérêt national chinois ou qui, selon elle, constituerait une menace pour la sécurité nationale.
Les policiers chinois sont ainsi habilités à inviter les dirigeants d’ONG étrangères dans le pays et à parler avec eux. Le texte couvre également les associations professionnelles et les institutions universitaires présentes dans le pays. Les ONG sont en outre interdites d’avoir des “membres” en Chine, sauf permission spéciale, et toute organisation jugée comme encourageant la “subversion du pouvoir de l’Etat” ou le “séparatisme” pourrait être placée sur une liste noire.
Clairvoyant, Pékin a bien compris que les ONG ne sont souvent que des couvertures des services secrets occidentaux, fomenteurs comme en Ukraine, en Russie ou dans les pays arabes de « révolutions orange ». En janvier 2016, Pékin avait par exemple arrêté puis expulsé un militant suédois des droits de l’homme chargé de former des avocats chinois. Or, un millier d’ONG étrangères opèrent en Chine, allant des organismes caritatifs ou environnementaux jusqu’aux chambres de commerce, en passant par les structures universitaires et bien sûr les associations LGBT dont toutes les communications sont systématiquement écoutées comme sont archivées les sites de rencontre gay. La Chine ayant aussi compris que comme Google, il lui fallait être capable de mettre main basse sur toutes les données y compris les plus privées en circulation pour être demain le vrai maître du monde.
Alors, posons la question : la Chine avatar moderne du despotisme éclairé ou populisme communiste ?
Michel Lhomme, philosophe, politologue
Article initialement paru dans les colonnes numériques de Metamag. le magazine de l’esprit critique.
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