07/09/2017 – 07h00 Nantes (Breizh-Info.com) – La Damnation de Faust, qui ouvre la saison d’Angers-Nantes Opéra, est une œuvre trop rarement donnée pour être manquée. Hector Berlioz en commence la composition en 1828, à partir d’une traduction du premier Faust de Goethe par Gérard de Nerval. Tout juste âgé de 25 ans, il s’empresse d’en rédiger huit scènes et de les publier à compte d’auteur comme son opus 1. Il en envoie la partition au poète allemand, alors âgé de 78 ans, lequel ne répond pas. Berlioz délaisse le thème général dix-huit ans durant.
Quand il reprend sa partition en 1845, c’est dans une sorte de fièvre. Il en fait une sorte d’autoportrait musical : Faust a vendu son âme à Méphisto et a abandonné Marguerite en espérant découvrir d’autres plaisirs ; lui-même vient de quitter Harriet Smithson, l’actrice irlandaise épousée en 1833, inspiratrice de la Symphonie Fantastique, et s’est lié à la mezzo-soprano parisienne Marie Recio. Voilà qui le travaille.
A la fin de 1845 et au début de 1846, alors qu’il songe à sa partition, Berlioz est pris par une tournée européenne, Autriche, Prusse, Prague, Budapest. Il écrit sa musique en train, dans les diligences, les bateaux, les chambres d’hôtel. A Budapest, à la demande d’un ami, il harmonise la ‘Marche de Rakoczy’ qui évoque un épisode de révolte hongroise contre l’Autriche, et remporte un succès phénoménal lors d’un concert ; il l’intégrera à la fin de la première partie de la Damnation.
L’œuvre enfin complétée, présentée non comme un opéra mais comme une ‘Légende dramatique’ en quatre parties, est créée sans succès à l’Opéra-comique parisien le 6 décembre 1846, et reprise deux semaines plus tard sans plus d’effet. Berlioz, qui a pris ces deux concerts à sa charge, est ruiné. La partition ne sera reprise en France, tant par les Concerts Colonne que par les Concerts Pasdeloup, qu’en 1877, huit ans après la mort du compositeur. Entre temps, et dès 1847, elle aura permis à Berlioz de briller tant à Moscou qu’à Berlin, où elle lança sa carrière, et à Londres où elle est donnée régulièrement depuis 1848.
Certains interprètes ne se lassent pas de l’œuvre. C’est le cas de Ruggero Raimondi, baryton-basse dont la carrière fut brillantissime, interprète fréquent du rôle de Méphistophélès, et qui, reconverti dans une nouvelle fonction, a mis en scène avec succès la Damnation en janvier dernier à l’Opéra Royal de Wallonie. Car les deux types de représentation coexistent, en concert ou sur scène. Cette seconde manière est parfois plus difficile à réussir, tant les chœurs (pour hommes, pour femmes, ou mixtes) tiennent un rôle important et risquent d’encombrer le plateau. Une reprise scénique à l’Opéra Bastille, en décembre 2015, avait été longuement huée à chacune des représentations, malgré une brillante distribution vocale.
Rien à craindre dans ce genre au cours des soirées proposées à Angers et Nantes, où seule la version de concert est proposée, avec une distribution on ne peut plus exemplaire. Le ténor Michael Spyres avait pris le rôle-titre à Bordeaux en 2015, et l’a repris cet été aux Proms de Londres et au Festival Berlioz. Le baryton et musicien polyvalent Laurent Alvaro était lui aussi à Bordeaux en 2015, et est un habitué remarquable et remarqué des quatre rôles du Diable dans les Contes d’Hoffmann. Catherine Hunold prend ici le rôle de Marguerite, mais elle a été entendue avec succès à Rennes (2015), Nantes et Angers (2016) dans Lohengrin (rôle d’Otrud). Quant au rôle de Brander, il est tenu par Bertrand Bontoux, pilier du chœur Accentus et des enregistrements de William Christie, déjà entendu ici en début d’année dans deux rôles du Little Nemo de David Chaillou, salué par toute la presse.
Pas moins de trois chœurs, dont un venu de Dijon, se joignent à l’ONPL pour assurer la pérennité de cinq soirées d’exception placées sous la direction de Pascal Rophé. A ne pas manquer.
Angers, le 15 et 17 septembre ; Nantes, les 19, 21 et 23 septembre 2017.
Réservations par : http://www.angers-nantes-opera.com/billetterie.html
Crédit photo : MiklGds [CC BY-SA 4.0]
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