Le consensus scientifique général considère que les psychopathes ne disposent pas d’un sens de l’éthique et de la morale pour des raisons liées soit à la génétique soit à leur environnement. Une étude récente de l’Université Vanderbilt de Nashville montre qu’il existe des prédispositions génétiques pour la maladie, et qu’un fonctionnement anormal du système de récompense pourrait l’expliquer.
La libération de la dopamine joue un rôle important dans le déclenchement du « circuit de récompense » dans le cerveau. En clair de la satisfaction/plaisir. La dopamine, libérée en quantité trop importante dans le cerveau (comme avec des amphétamines), pourrait expliquer certains comportements psychopathiques dans la mesure ou le plaisir (ou circuit de récompense en neuropsychologie) créerait un mécanisme progressif d’accoutumance et de dépendance susceptible d’occasionner des désordres psychologiques et un abaissement progressif inconscient des barrières morales limitatives à l’obtention du « plaisir ».
Ces conditions biologiques peuvent ensuite être encore renforcées par d’autres facteurs d’influences environnementales. Par exemple, une étude récente a suggéré que les adultes qui ont été négligés par leurs mères étant enfants étaient plus susceptibles d’avoir des difficultés à éprouver de l’empathie et d’autres traits caractéristiques du comportement psychopathiques.
En 2002, une étude a révélé que 93,3% des homicides commis par des psychopathes ont été prémédités ou planifiés, contre 48,4% des homicides par des personnes qui ne sont pas des psychopathes. En synthèse, contrôle ou inexpressivité des émotions, rationalisation des actes répréhensibles, comportement manipulatoire, instincts de prédation, besoin de stimulation constante et absence de sens moral commun caractérisent le comportement psychopathique. Mais celui le plus fréquemment mis en avant est l’insensibilité aux émotions et l’absence de regrets. Dans une étude publiée ce mois de novembre par l’Académie des Sciences des Etats-Unis (PNAS), les chercheurs ont constaté que les participants psychopathes non-psychotiques éprouvaient bien le même degré rétrospectif de regret que les participants non-psychopathes.
Cette étude suggère que le comportement psychopathique pourrait être lié à des processus de prise de décision plutôt qu’à une incapacité à éprouver des émotions. Le psychopathe ne serait pas insensible, même si le « regret est autocentré, alors que le remords implique un autre », mais il serait dans l’incapacité d’utiliser ces regrets pour l’aider à prendre des décisions ultérieures, empathiques ou plus conformes aux standards sociaux. Dans la balance émotionnelle, le poids de l’émotion et du regret serait maîtrisé par d’autres « impératifs psychologiques ». Le psychopathe se caractériserait, non par l’incapacité à éprouver des émotions, mais par la gestion d’un équilibre faisant prédominer des impératifs non-grégaires et, de ce fait asociaux, sur les normes morales et sociales communes.
Mais notre perception du degré pathologique de ces personnalités a sans doute lui aussi évolué. Dans une société complexe, renforçant les impératifs de contrôles sociaux pour assurer la stabilité d’un ensemble de personnes de plus en plus nombreuses et différentes, la perception de la psychopathie est probablement plus précoce qu’elle ne pouvait l’être voici quelques générations et plus encore, durant 95% du temps de vie de l’humanité : au paléolithique.
Laurent Ozon
Une réponse à “Psychopathie et insensibilité, par Laurent Ozon”
Le paracétamol a, comme les drogues, un effet psychopathique.