21/08/2017 – 07h45 Nantes (Breizh-info.com) – Les jours passent et de plus en plus d’entreprises françaises d’ovoproduits sont concernées par les œufs contaminés au Fipronil, que cela soit en Alsace, en Moselle, dans le Midi, ou même en Vendée où une grosse boulangerie industrielle de la Mothe-Achard a importé 31 T d’ovoproduits infectés. En tout, quarante grossistes sont portés sur une liste par le Ministère de l’Agriculture. En Bretagne, trois entreprises dont une casserie sont concernées. Deux d’entre elles sont situées en Loire-Atlantique.
A Lanouée (56), l’on sait depuis le début du mois d’août que la petite casserie Futur Oeuf a reçu 180.000 œufs belges contaminés au Fipronil. Douze palettes ont été consignées sur le site de l’entreprise, et les ovoproduits réalisés à partir des six autres, bloqués chez un client.
En Loire-Atlantique, deux grossistes sont touchés, au nord et au sud du département. Dans le Pays de Retz, la société le Rocher du Lion a livré à une centaine de restaurateurs du département près de 400 kilos d’ovoproduits – principalement des blancs en neige et des crèmes liquides – qu’elle ignorait avoir été contaminés au Fipronil.
Cinquante autre kilos ont été tracés et bloqués à temps chez des clients ; l’entreprise est en train de les rappeler. Ce sont néanmoins des quantités très peu importantes par rapport aux flux quotidiens du grossiste basé à Saint-Père en Retz. L’usine, qui employait 50 personnes et réalisait un chiffre d’affaires de 15 millions d’euros en 2015, alors qu’elle était encore basée à Pornic, en emploie désormais 60. L’ancienne filiale de la Colarena, devenue indépendante en 1989, s’est diversifiée alors qu’elle distribuait essentiellement, à l’origine, des produits laitiers. Elle livre principalement des restaurateurs du département.
Au nord du département, c’est le grossiste familial Laiterie du Grand Clos à Pontchâteau qui est concernée, là encore sur des quantités peu importantes, comme nous l’explique son PDG Jean-Pierre Gascoin. « Il s’agit d’un lot de 100 litres d’oeufs liquides qui venaient de Belgique et qu’on a livré à deux clients fin juin ».
Les lots « ont été tracés et ces œufs ont depuis été consommés ». Le dirigeant insiste sur le fait qu’il « achète pour l’essentiel des œufs français et locaux, et ce sont des quantités très peu importantes par rapport à l’ensemble ; je livre 400 clients par jour ». Il explique que « le lot a été acheté pour dépanner chez un fournisseur avec lequel nous avons des relations de confiance », mais il ne se fournira plus en Belgique : « les clients, quand ils voient B [Belgique] ou NL [Pays-Bas] pour la provenance des produits n’en veulent plus ».
Créée en 1932 par Francis Gascoin, la laiterie-fromagerie du Grand Clos a cessé la production laitière en 1970 et l’abattage des volailles en 1966. A partir des années 1970, l’ancienne laiterie – qui garde son nom – se diversifie dans la distribution des produits frais. Un établissement est ouvert sur le MIN de Nantes. Une troisième génération prend le relais au début des années 2010 et ouvre un site de vente en ligne, ainsi qu’un drive, destiné aux particuliers, aux associations et aux comités d’entreprises de la Loire-Atlantique et des départements environnants. Près de 1000 professionnels de la restauration se fournissent dans l’entreprise, qui compte 30 employés.
Jean-Pierre Gascoin s’étonne de la « force des retombées médiatiques alors qu’il n’y a pas de risque sanitaire » : selon l’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), « le fipronil a une toxicité modérée. Les effets observés chez l’Homme à la suite de l’exposition aiguë à des préparations contenant du fipronil sont généralement bénins ». Pour atteindre ce niveau d’exposition aiguë, il faut qu’un adulte consomme jusqu’à 10 œufs par jour et un enfant de 3 à 10 ans au moins trois. Mais même « des niveaux de dose de l’ordre de 10 fois la dose de référence aigüe n’ont conduit qu’à des symptômes bénins et réversibles, notamment des troubles digestifs, y compris chez l’enfant ».
Un buzz médiatique qui prospère sur la mondialisation et les accusations de minimisation de l’affaire
La polémique semble bien moins alimentée par des risques sanitaires – qui semblent bénins – que par la volonté des médias de faire du buzz alors que l’actualité, au cœur de l’été, semblait plus pauvre qu’au cours de l’année, traversée par des enjeux électoraux et sociaux importants. La vitesse de la propagation du Fipronil à travers les circuits mondialisés de l’industrie agro-alimentaire, depuis la start-up hollandaise jusqu’à Hong Kong, a aussi participé à l’intensité de l’émotion générale.
Les accusations de minimisation de l’affaire par les autorités sanitaires des gouvernements européens – entretenues par l’attitude des services sanitaires des Pays-Bas qui ont su dès novembre 2016, mais plus que tardé à prévenir leurs voisins – participent à entretenir la polémique sur ce scandale sanitaire que certains croient « étouffé dans l’oeuf » et que la presse néerlandaise a déjà rebaptisé « Eiergate ».
Le scandale sanitaire profite aux éleveurs bio ou de plein air français… et aux équarrisseurs néerlandais
A quelque chose malheur est bon. Alors qu’aux Pays-Bas toutes les filières sont touchées – des œufs bio contaminés, pondus aux Pays-Bas, destinés au marché belge et rachetés par un destockeur de la banlieue de Lille ont été retirés d’un magasin – les œufs bios et de plein air français voient leurs ventes décoller.
Les commandes ont ainsi augmenté de 10% dans la zone de production de Loué, générant des pénuries d’oeufs. Les producteurs ou revendeurs d’oeufs fermiers sur les marchés voient aussi les clients se ruer sur leurs caisses et alvéoles, qu’ils soient bio ou de plein air, mais avant tout français et si possible locaux. Des clients qui avant le scandale se ravitaillaient en grande distribution se tournent maintenant vers les marchés, les circuits bio, les AMAP et les magasins paysans. Les éleveurs bio ont aussi acquis une plus grande visibilité – il ne se passe pas un jour sans qu’un média interviewe un éleveur de poules ou un jeune qui veut se lancer.
Il y a un autre bénéficiaire plus inattendu, mais somme toute plus logique. Il s’agit d’un gros équarisseur belge et néerlandais, Rendac, qui traite en temps normal les dépouilles des poulets, les chauffe pour les stériliser, puis les sèche pour recueillir un mélange de farines et de graisses animales transformé en bio-carburants. Ils sont ensuite utilisés par des centrales themiques ou par des cimenteries.
En ce moment, Rendac collecte aussi les œufs et les ovoproduits contaminés, qui sont bloqués et doivent être détruits ; l’entreprise traite ainsi 200.000 œufs par jour, pour un coût facturé aux négociants en œufs de 150 € par tonne en Flandre (Belgique).
Plus d’un million et demi de poules pondeuses vermifugées au Fipronil, et qui ne pondent plus que des œufs infectés, ont été abattues aux Pays-Bas. Les équarrisseurs néerlandais peinent à répondre à la demande – elles ne proviennent pourtant que de 47 élevages, alors que 149 au total ont utilisé du Fipronil. De nombreux produits à base d’oeufs commercialisés sur le marché néerlandais ont aussi été infectés, mais comme en France, les concentrations sont bien inférieures aux seuils estimés dangereux pour la santé.
Louis-Benoît Greffe
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