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L’actualité sportive de l’été a été une fois de plus marquée par le football, et particulièrement par l’arrivée de Neymar, célèbre joueur brésilien, au Paris Saint-Gemain. Dans le même temps, l’annonce du dépôt de bilan du Sporting Club de Bastia et sa relégation en 5ème division (alors que ce dernier devait prendre part au championnat de Ligue 2) n’a pas suscité le moindre intérêt médiatique. L’histoire est ironique et la trajectoire croisée de ces deux clubs n’est pas sans rappeler les tiraillements en cours dans notre société.
Paris Saint-Germain, le jacobinisme moderne
Depuis quelques années, le PSG est devenu de très loin le plus gros club du football français. Avec un budget supérieur à 550 millions d’euros pour cette nouvelle saison, le géant d’Île-de-France représente à lui seul plus de 30% du budget de la Ligue 1. Un monstre financier piloté par QSI (Qatar Sports Investments), détenteur de la totalité des actions du club.
Mais, derrière la vitrine sportive qui semble ravir les amateurs de 4-4-2, quelles sont donc l’image et les valeurs véhiculées par le PSG et son public aujourd’hui ?
Le Parc des Princes, stade dans lequel évolue le club, est un avant-goût des évolutions sociétales qui nous attendent dans les prochaines années. Un phénomène qui ne date pas d’hier.
Le virage Auteuil, entité créée sous l’ère Canal Plus afin de promouvoir le multiculturalisme et occupé par différents groupes de supporters dits « ultras » jusqu’à la fin des années 2000, fut un laboratoire de l’idéologie Benetton. Une tribune dans laquelle cohabitaient militants d’extrême gauche, délinquants issus des quartiers sensibles de la banlieue parisienne et jeunes issus des classes moyennes en mal de diversité.
Remarquons au passage que la sulfureuse tribune Boulogne de jadis, assimilée régulièrement à l’extrême droite tant par les médias que par les supporters adverses, n’était ni plus ni moins qu’une version « européenne » de sa cousine d’Auteuil. Mais certainement pas un bastion de l’enracinement ! Une sorte de melting-pot blanc mélangeant enfants d’immigrés portugais et serbes, descendants de Bretons et de méridionaux atterris à Paris par les hasards de la vie, attirés par les lumières de l’ogre centraliste. Rien de surprenant en soi. De tout temps, Paris ne s’est-il pas nourri sur le cadavre des provinces de l’hexagone ? Pas de quoi y voir des vraies valeurs de Droite en tout cas !
Supporters parisiens et qataris, un point commun ?
Au tournant des années 2010, le public parisien connaîtra une évolution dans la forme, pas dans le fond. Un plan de sécurité drastique suite à de violents incidents puis l’arrivée des Qataris signeront la fin des groupes de supporters organisés. Une fin temporaire avant le retour des ultras au stade, métissés et « modernes » comme jamais. Le président du PSG Nasser Al-Khelaïfi est même particulièrement apprécié par ces derniers. Des affinités pas si surprenantes compte tenu de l’origine de ces supporters dans leur majorité…
Quant au reste du public, le Parc des Princes reflète tout autant la sociologie parisienne. Hipsters et bourgeois de l’intra-muros viennent y côtoyer le temps d’un match de football la population suburbaine, celle qui voit les prolos blancs déclassés et les bandes ethniques de quartiers défendre la même cause pendant 90 minutes. En n’oubliant jamais de considérer comme « paysan » tout supporter de club adverse n’habitant pas dans une jungle bétonnée et multiculturelle de plus de 10 millions d’âmes perdues. Quand le pain et les jeux sont le dernier ciment d’une société qui se fissure de partout. Ajoutez à toute cette galerie quelques touristes asiatiques ahuris par le spectacle offert par des millionnaires du ballon rond élevés au rang de demi-dieux, et le tableau du PSG est complet. La modernité en marche. Celle qui va s’imposer à notre société dans l’avenir. Et pas uniquement dans les stades de foot. Nous y reviendrons.
Paris reste toujours Paris, ville-monde (et tiers-monde) laboratoire de la globalisation, et n’a que ce qu’il mérite.
Bastia, Bashar et la politique en tribune
Loin, très loin des frasques plus people que sportives du PSG et de ses maillots à 140 euros, le SC Bastia sombre dans les abysses du football. L’un des porte-drapeaux de l’identité corse risque purement et simplement de disparaître, sans même prendre part à un championnat amateur. Un naufrage silencieux en dehors de l’île. Tout au plus quelques ricanements et sarcasmes contre ce petit club, un peu trop familial, un peu trop vieille école, un peu trop corse.
Il est vrai que les fans de Neymar et du football moderne se voient débarrassés de cette anomalie, de ce cas bien à part qu’était Bastia. Pas besoin du FC Barcelone pour être « bien plus qu’un club ».
De l’épopée en finale de la coupe UEFA en 1978 (époque où le mouvement nationaliste reprenait vigueur) jusqu’à ces derniers mois, le Sporting fut une vitrine pour la Corse.
Tandis que la grande majorité des groupes de supporters du championnat de France se sont drapés dans un apolitisme bon teint en se contentant de ne se positionner que sur les questions de football, les supporters corses se démarquaient là encore du continent et abordaient volontiers d’autres sujets.
Regroupés au sein des groupes Testa Mora (en référence à la tête de maure du drapeau corse) puis Bastia 1905, la tribune Est du stade de Furiani s’est souvent faîte remarquer par ses banderoles pour le moins dérangeantes.
La France du foot criera au scandale lorsque lors d’un Bastia-PSG en janvier 2015, quelques jours après la tuerie de Charlie Hebdo, un message grinçant sera déployé dans la tribune bastiaise : « Le Qatar finance le PSG… et le terrorisme ». Un message complété par un drap sur lequel un « Forza Bashar » venait enfoncer le clou. L’esprit Charlie façon corse. Les bastiais recroiseront la route du PSG en finale de Coupe de la Ligue au printemps 2015 à Paris. Bastia 1905 poussera la plaisanterie jusqu’à se promener avant le match dans le secteur de Châtelet avec une croix catholique en tête de cortège. Plutôt rare dans le quartier.
Défense de la langue corse
Mais, bien souvent, ce furent davantage les problèmes de la société corse qui inspiraient ces supporters. Ces derniers ont toujours rejeté par ailleurs l’appellation « ultras » et les codes qui en découlent. Ainsi, les banderoles en soutien à des indépendantistes corses emprisonnés sont apparues à plusieurs reprises à Furiani sous l’ère Bastia 1905. D’autres messages réclamaient la création d’une équipe de football nationale corse.
Enfin, autre fait notable, la totalité des chants de la tribune Est (renommée Petrignani par la suite) étaient en langue corse. De quoi joindre l’utile à l’agréable et permettre aux jeunes supporters turchini de soutenir leur club fétiche dans la langue de leurs ancêtres. Et d’éveiller les consciences par la même occasion. Du côté de la direction du SC Bastia, la promotion du corse n’était pas en reste non plus, gage d’une identité certaine.
Quoiqu’il advienne du sort du club, Bastia et ses supporters ne sont pas étrangers au regain de cette jeunesse corse qui a pris conscience d’elle-même et des enjeux tout aussi exaltants qui attendent l’île de Beauté. Les bons scores des nationalistes et autonomistes aux dernières élections sont autant de victoires du Sporting.
« A droga fora ! »
Décidément bien singulier, le SC Bastia fut le seul club du championnat français dont les supporters s’opposèrent ouvertement à la consommation de drogue par la jeunesse corse. Un message sera apposé derrières les buts de Furiani : « Ghjuventù corsa senza droga ». Pour une jeunesse corse sans drogue ! Le Groupe Bastia 1905 prendra même part à une manifestation organisée par le collectif « A Droga Fora » (la drogue dehors !) à Ajaccio en 2012. Qui peut en dire autant parmi les autres groupes de supporters du continent ? Les tribunes sont à l’image de la société et la drogue est effectivement bien présente dans les stades. Les ultras et leurs fameuses « valeurs » n’y sont pas imperméables, bien au contraire !
D’aucuns diront que l’on s’éloigne du football. Et alors ? Le marketing outrancier, le capitalisme sauvage et les valeurs du mondialisme s’affichent ouvertement dans les stades. Pourquoi avoir l’esprit sélectif ?
Épilogue
Voici donc les parcours croisés de deux clubs emblématiques du football contemporain. Deux symboles aux identités et aux valeurs diamétralement opposées. Avec des publics antagonistes. Urbains déracinés, atomisés et interchangeables contre insulaires claniques bien décidés à rester maîtres chez eux. Mais ce clivage ne s’opère pas qu’autour d’un rectangle vert, il divise et va diviser encore davantage notre société. Qu’elle soit bretonne, française, occidentale. Les maux sont les mêmes.
La ligne de démarcation est de plus en plus nette et les indécis devront choisir rapidement entre les deux camps. Prendre le maquis comme les Corses ou collaborer avec le mondialisme, qu’il soit qatari ou non.
Youenn Kereon
Crédit photo : Wikipédia/Pixabay
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2 réponses à “Bastia/PSG : parcours croisés de deux clubs à l’image d’une société [Tribune libre]”
Qui est le gars voilé qui a un drôle…d’air.?
[…] y a 2 jours 1 Commentaire FacebookTwitterGoogle+EmailYahoo MailGoogle GmailBlogger […]