Si je voulais démolir ce livre, je parlerai de « récit initiatique », d’ « échanges et de partage » pour mieux « vivre ensemble ».
Mais ce texte est superbe, d’une fort belle écriture, toujours dans le ton. C’est grave et drôle à la fois.
Tout se passe dans la tête et dans les pas de Mortimer Linskey, Américain de souche irlandaise qui vit à Denver (Colorado). Ingénieur dans une « start up » californienne, il a fait un « burn out » qui lui a valu neuf mois de thérapie psycho-émotionnelle. Pour conclure, son « psy »lui assigne d’entrer dans une librairie et, au terme d’un calcul savant, de tirer un livre des rayons et d’exécuter le titre du livre. Ce sera : « Journey through France ».
Informaticien de haut vol, Mortimer est aussi un homme sans qualité qui ne sait rien du vaste monde, de son être profond, de ses racines. Parti pour la France, il va l’arpenter en compagnie d’un chef indien (Cheyenne, Shoshone ? ) qui sera son ange gardien. Running Black Cloud, tué à Sand Creek, le met en garde :
« L’homme blanc ne peut pas attendre. Il est pressé de savoir, mais il ne cherche pas à comprendre. »
Mortimer découvre une « Doulce France » qui a bien changé. A Paris et ses banlieues, un conglomérat multicolore gavé de burgers. De Versailles à Lorient en passant par le Val de Loire, l’Ardèche, l’Auvergne, la Vendée et la Bretagne, il en prend plein la gueule. Sa peau la plus superficielle disparaît, il n’est plus un produit marchand, mondialisé mais un homme qui se ressource. Avant de mourir pour renaître, il verra Mirabilia, Morgane et Mélusine, les triplées monozygotes de Vouvant (Vendée). Femmes ou sirènes ?
Un temps devenu l’Ankou, Mortimer fait passer de vie à trépas un policier qui ne comprend rien à un Américain passant de la Vierge d’Orcival aux zadistes de Notre-Dame-des-Landes.
A Nantes, place Viarme, au pied de la croix votive de Charette, fusillé là, le 29 mars 1796, Mortimer dialogue avec Running Black Cloud : le même soleil noir des vaincus !
Nos vies sont cycliques et pour sortir du cercle, il faut se mettre au centre lui dit l’Indien. Ainsi « recentré », Mortimer gagne l’Irlande pour retrouver ses dieux. Oui, vraiment, superbe !
Jean Heurtin
Le voyage de Mortimer, Tomàs Turner, Balland Ed., 340p, 19 euros
Crédit photo : DR
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