13/08/2017 – 06h30 Paris (Breizh-Info.com) – A l’occasion du 150ème anniversaire de la fédération canadienne, le dossier central du 91ème numéro de la Nouvelle revue d’Histoire portera sur le Canada, et sur la genèse de cette nation.
L’occasion pour les lecteurs et les curieux qui trouveront la revue en kiosque de découvrir l’histoire du Canada, de la Nouvelle France au voyage effectué par le général De Gaulle au Québec en 1967.
Dans le reste du numéro, un texte du général Bach, disparu en mai, qu’il avait confié à la revue et dans lequel il tire le bilan des commémorations de la première guerre mondiale qui sont en cours et s’inquiète de l’avenir de l’histoire dans notre pays.
Pierre Le Vigan analyse les métamorphoses des droites qui se sont accomplies durant les dernières décennies. Nicolas Vimar démontre comment est imposée, à partir du Siècle des lumières, la figure sociale de l’ingénieur.
Alain Couartou raconte comment Blas de Lezo, un amiral espagnol borgne, manchot et unijambiste a tenu en échec une formidable armada anglaise venue assiéger Carthagène des Indes en 1741.
Arnaud Imatz démonte, par ailleurs, le mythe de la victoire électorale du Frente Popular espagnol en février 1936…
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Le Canada, un géant à l’identité devenue incertaine. Éditorial de Philippe Conrad
Avant de présenter le dossier proposé dans ce numéro de La Nouvelle Revue d’Histoire, je tiens à rendre hommage au général André Bach qui, récemment disparu, nous a honorés de son amitié et de sa confiance en nous donnant de nombreux articles ou entretiens consacrés à la Première Guerre Mondiale.
Nous présentons dans ce numéro le dernier message qu’il nous a adressés pour nous faire part de la déception que lui ont inspirée les commémorations officielles du centenaire organisées depuis 2014. Saint-Cyrien de la promotion « Lieutenant-colonel Driant », officier parachutiste au 1er RCP, il était breveté de l’École supérieure de guerre (débaptisée un temps pour devenir le Collège interarmées de Défense).
J’avais eu le privilège de suivre ses cours dans le cadre de l’École supérieure des officiers de réserve du service d’état-major et j’avais ainsi pu apprécier ses qualités d’enseignant : concision et clarté dans l’expression, maîtrise de la matière abordée. Je l’avais retrouvé à Vincennes où, au Service historique, il nous facilita grandement la tâche lorsque Jean-Pierre Turbergue et moi entreprîmes de réaliser, en 2006, Les 300 jours de Verdun, un album qui allait rencontrer un immense succès auprès du public attaché au souvenir de la Première Guerre mondiale.
Spécialiste de 14-18, André Bach n’en connaissait pas moins l’histoire de l’armée française au XIXe siècle, comme en témoigne son livre L’Armée de Dreyfus. Histoire politique de l’armée française (Tallandier, 2004). Il s’est surtout imposé comme le meilleur spécialiste des « Fusillés pour l’exemple » et l’on ne peut que regretter qu’il n’ait pu mener à son terme l’immense travail qu’il avait entrepris à propos de la crise de la discipline de 1917. C’est en exploitant une masse considérable d’archives qu’il avait rassemblé la matière de sa recherche et de son érudition impressionnante, fondée sur une connaissance détaillée des événements et des parcours personnels des différents acteurs. Nous avons perdu avec lui un chercheur exigeant, doté d’une puissance de travail exceptionnelle, qui a fait, ô combien, honneur au métier d’historien.
Les Canadiens célèbrent cette année le 150e anniversaire de l’accès de leur pays au statut de dominion de l’Empire britannique. L’occasion de revenir sur l’histoire originale de cet immense pays.
Le Canada, si l’on oublie les populations amérindiennes autochtones, ce fut d’abord une épopée française, bien oubliée aujourd’hui de ce côté-ci de l’Atlantique. Mais elle demeura longtemps vivante dans la mémoire de nos compatriotes, quand ceux-ci tiraient fierté des découvertes de Jacques Cartier, de l’œuvre pionnière de Champlain ou de la défense héroïque de la Nouvelle-France par Montcalm et ses compagnons.
Faute d’avoir accordé à ce qui aurait pu être un grand empire français d’Amérique des moyens suffisants, la monarchie d’Ancien Régime dut renoncer aux « arpents de neige » que s’approprièrent alors les Britanniques. N’en demeurait pas moins sur place une population francophone fière de son identité, dont le dynamisme démographique a, deux siècles durant, permis le maintien d’une province du Québec tentée par un rêve d’indépendance que, contre toute attente, le général De Gaulle vint encourager en 1967. Le souverainisme québécois a perdu depuis de sa virulence, d’autant qu’une forte immigration est venue transformer la composition ethnique de la population de la « Belle Province ».
La récente évolution de la fédération canadienne – qui a vu en 2015 Justin Trudeau remporter les élections – laisse également perplexe quant à l’avenir du pays ; le nouveau chef du gouvernement, adulé par tous les relais de la bien-pensance, ayant eu à cœur de constituer, au nom de l’idéologiquement correct, un cabinet rigoureusement paritaire femmes/hommes, sans oublier la dimension multiculturelle puisqu’il a accueilli plusieurs ministres nés à l’étranger, dont une musulmane chargée des réformes démocratiques… L’arrivée de 25 000 réfugiés syriens a correspondu, de plus, à la promesse formulée durant la campagne électorale de doubler les entrées d’immigrés dans le pays.
Dans la conclusion de l’excellent ouvrage qu’il a consacré au Canada français, Jean-Claude Rolinat résume parfaitement la situation du pays : « Aujourd’hui, Haïtiens et Asiatiques débarquent à Montréal comme à Vancouver et renforcent la disparité de la mosaïque canadienne. Un Canadien, quand il quitte sa province d’origine ou de résidence, a un peu l’impression d’aller à l’étranger… » L’auteur constate toutefois la persistance d’une identité québécoise et affirme que « ce pays a une histoire et une mémoire – la devise officielle n’est-elle pas “Je me souviens” – une langue originale, bref une civilisation à défendre. La dramatique chute de la démographie aura-t-elle raison de quatre siècles d’histoire et fera-t-elle mentir Louis Hémon qui écrivait dans son célèbre Maria Chapdelaine que “ces gens sont d’une race qui ne sait pas mourir” ». Ce qu’il nous dit du Québec vaut aussi pour la fédération canadienne, confrontée au projet « d’ouverture » porté par son nouveau Premier ministre.
Les flux de la mondialisation risquent en effet de transformer profondément un pays dont le visage, dans deux générations, n’aura peut-être plus grand-chose à voir avec celui qu’il a présenté au cours des derniers siècles.
Philippe Conrad
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