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Michel Onfray : au sujet de « décoloniser les provinces »

Nous vous proposons ci-dessous une chronique du dernier livre de Michel Onfray  Décoloniser les provinces , chronique rédigée par l’autonomiste catalan Llorenç Perrié Albanell.

Au moment où le gouvernement annonce qu’il souhaite diminuer le nombre d’élus locaux, sans en donner toutefois le détail, il est intéressant de se pencher sur l’un des derniers ouvrages de Michel Onfray publié en mars 2017, Décoloniser les provinces, sous-titré Contribution aux présidentielles.

La quatrième de couverture annonce clairement la couleur : « Tous les candidats aux présidentielles de 2017 sont jacobins, tous. Or le centralisme qui fait de Paris la tête qui commande et des provinces un corps qui obéit a montré son inaptitude à incarner la démocratie qui reste formelle en ne produisant qu’une aristocratie d’élus insoucieux du peuple. De Philippe Le Bel à Charles de Gaulle en passant par Robespierre ou Napoléon, le modèle jacobin a failli.

Je propose une révolution pacifique inspirée des Girondins de la Révolution française : redonner le pouvoir aux communautés, aux collectivités, aux régions, autrement dit : décoloniser les provinces. Le communalisme libertaire, les élections dans des parlements régionaux, l’autogestion sur le terrain sont seuls susceptibles de fournir des contre-pouvoirs efficaces à l’effondrement de la formule jacobine de la démocratie. La politique ne doit plus être une affaire de commettants qui délèguent mais de citoyens qui décident ».

Sans appel. L’autonomiste catalan que je suis, lecteur de Proudhon, n’a pu résister à l’envie de vous faire partager cette lecture qui remet en cause le système jacobin. Un système qui, il est bon de le rappeler, est la matrice des grands systèmes totalitaires. Un système jacobin que je combats depuis de nombreuses années, preuve en est, ma récente candidature aux élections législatives de 2017, où mon programme a été sans ambiguité sur cette question. Puisque le Pays Catalan s’est soulevé il y a un an déjà contre la décision injuste de nous fusionner dans une grande région Occitanie, de nous voir dépossédés de notre nom, c’est-à-dire ce qui nous définit, et ceci sans concertation de la population. Les nord catalans, mais pas seulement, trouveront ici matière à réflexion pour alimenter leur soif de liberté locale, toujours rognée depuis Paris.

L’idée autogestionnaire proudhonienne imprègne l’ouvrage. Cette idée n’est pas seulement taillée que pour le politique, mais pour tout ce qui concerne l’activité humaine, il s’agit du Fédéralisme Intégral, dont Onfray ici, nous livre en exemple l’affaire de l’usine LIP et de la mutualisation de celle-ci par les travailleurs refusant le dépôt de bilan. Une aventure humaine malheureusement sacrifiée sur l’autel d’un obscur cartel politico-financier. Fermons la parenthèse.

A la question, comment peut-on être gouverné sans l’être de façon jacobine ? Onfray répond : En étant à soi-même sa propre loi, étymologiquement : en étant autonome. Vision autonome du collectif, en d’autres mots, construire la société par la base. L’ordre consenti, et non subi.

Onfray, en opposition aux Jacobins, cite de nombreuse fois les Girondins, en prenant bien soin d’expliquer pourquoi ils intéressent sa personne : Ils ne méprisent pas les régions, les provinces, la forme administrative et laïque donnée par les anciennes paroisses, car ils pensent que le pouvoir ne doit pas descendre de la capitale, exercé par des chefs, mais monter des territoires, inspiré par les peuples. Le Parlement devrait ici prendre note, notamment le Sénat, qui prétend être la chambre des territoires. Une observation de taille est à souligner. Onfray parle des peuples, des peuples autochtones qui composent la France. Vision plurielle qui reconnait la diversité ethnoculturelle des territoires. Une composante qui doit être perçue comme un trésor mutuel, et non, comme dans la vision jacobine, un handicap. De toutes évidences, la Révolution française était plus révolutionnaire dans sa formule girondine que dans sa formule jacobine.

L’idée fédéraliste, si souvent décriée afin de servir le pouvoir jacobin, est défendue ici, non pas comme un outil destiné à faire éclater la République, sinon comme un antidote afin de se prémunir face à l’accaparement du pouvoir entre les mains de quelques politiciens concentrés à Paris, ou de quelques clubs.

Onfray soulève également un problème de taille qui se vérifie à chaque élection. Le français s’intéresse à la politique, mais se désintéresse des élections, du moins certaines. L’abstention comme preuve. Pourquoi ? Le système jacobin met en place un président-césar que rien ne peut atteindre sous prétexte du suffrage universel, or au vu des résultats des dernières élections présidentielles, voire législatives, nous sommes en droit de dire : président légal, mais illégitime. A ce sujet il nous renvoie à Tocqueville, qui en parlant de la Révolution française, décrit qu’elle n’a rien changé, sinon aggravé les choses en ce qui concerne la concentration des pouvoirs. Ceci pose la question, non seulement de la proportionnelle intégrale. Comment un parti politique comme le Front National se retrouvant au second tour de la présidentielle, n’obtient que 8 députés ? Mais également du mandat impératif. Rappelant que le président Sarkozy n’a pas hésité à balayer d’un revers de main le référendum contre le traité de Lisbonne de 2005, ou de jeter aux poubelles de l’histoire son projet de « karcherisation » des zones de non droit, si pudiquement appelées zones sensibles. Le mandat impératif, c’est-à-dire la révocation en cours de mandat des élus qui ne respecteraient pas leurs engagements et leur probité. Evidemment contre preuves à l’appui et récolte d’une pétition. En bref, le cauchemar de la caste politicienne professionnelle et parasitaire.

Pour Onfray le pouvoir réside dans les associations Loi 1901. Idée que je partage et dont j’avais esquissé certains détails dans un article publié en version papier, sur le populisme (en ligne prochainement). En effet, les associations ont la souplesse, la vitalité, le sens du réel et de la communauté, ainsi qu’un fort maillage territorial que n’ont pas ou peu, les élus hors sol qui encombrent les couloirs des assemblées. Les mairies sont le relais politique de ces associations. Autre idée phare d’Onfray : le communalisme d’inspiration proudhonienne. Le vrai pouvoir doit partir de la commune. C’est là que vivent, travaillent et meurent les gens. La commune c’est le contraire de la mégapole où règnent en maître le béton et l’anonymat. Commune et ruralité, de quoi donner de l’urticaire aux éternels habitués des salons germanopratins qui méprisent « ceux qui votent mal, parce qu’ils refusent de voter pour ceux qui leur font du mal ». Si pour Onfray la Nation est une idée, en revanche la Commune, elle, est une réalité.

Au moment où de grandes questions se posent quant à la réorganisation territoriale du pays, ce livre est un outil de réflexion pour qui souhaite militer pour un autre modèle d’organisation sociétale, fédéraliste, autonomiste, communalisme, autogestion. De grandes questions déjà posées du temps de Proudhon.

Llorenç Perrié Albanell

Décoloniser les Provinces, Contribution aux présidentielles, Editions de l’Observatoire, Paris, mars 2017. 160 pages, 15 euros.

Crédit photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2017, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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2 réponses à “Michel Onfray : au sujet de « décoloniser les provinces »”

  1. jcbrk dit :

    «  »La politique ne doit plus être une affaire de commettants qui délèguent mais de citoyens qui décident «  ».

    Je suis de cet avis depuis 55 ans…Mais également, psychiatre-criminologue et travailleur du Social…j’ai observé que la Masse des « commettants » (quel que soit son niveau..) est incapable de travailler et de prendre des responsabilités pour le Bien Commun, qu’elle délègue « joyeusement » aux Oligarques qu’elle hystériquement admire, de surcroît! (Le Chef et ses sbires) pour mieux pourvoir s’en plaindre ensuite.
    Aboulique et versatile, le Peuple n’a que ce qu’il a mérité dans sa détermination fatale aussi…
    Kalorifère ? Dirait Zazie…

  2. An dit :

    Onfray n’étant pas un imbécile, cet ouvrage pue la malice.
    « Contribution aux présidentielles » ? Dans ses apparitions médiatiques, Onfray ne cherchait pas à développer la thèse de son livre. Il tenait son discours habituel, jouant son rôle de soupape, de catharsis pour le peuple,, marqué finalement plus par du mépris que des propositions.
    Quant au livre, c’est quand même très faible. Intérêt de quelques références obscures mais passionnantes, beaucoup plus dans l’idéal anarchique que dans la description et la proposition d’un régime fédéral au niveau de la France. Pas de prise de position sur les régio-natios classiques des Nations minoritaires de France, qui sont pourtant pour beaucoup des nouveaux venus à l’idée fédérale, étant un peu moins révolutionnaire ou aristocratique que les générations précédentes.
    C’est quand même un tour de force.
    Au moins Onfray évite-t-il de rappeler ces déclarations d’époques, quand le projet de ce livre n’existait pas, insultant envers les langues minoritaires.
    Avec Onfray, on a l’habitude des raccourcis assez échevelés pour éventuellement être intéressant un côté compilateur fou réjouissant. Mais pas d’un tel louvoiement.
    C’est mieux de l’avoir de son côté face à sa popularité ceci dis. Mais pas beaucoup plus à tirer du bonhomme. À l’heure du choix ?

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