Saint-Nazaire. L’évocation de Montoir-Gron comme alternative à Notre-Dame-des-Landes déclenche une intense polémique

28/07/2017 – 07h00 Saint Nazaire (Breizh-info.com) – Oui à l’aéroport, mais pas dans mon jardin. C’est ainsi qu’on peut résumer les multiples réactions locales à une proposition de faire de l’aéroport, pour l’heure industriel et en partie réservé à Airbus, de Montoir-Gron une alternative peu coûteuse au projet de Notre-Dame-des-Landes afin d’y délester une partie du trafic de Nantes-Atlantique.

En effet, depuis le début de la médiation lancée par Emmanuel Macron, les propositions affluent pour suggérer des alternatives à Notre-Dame-des-Landes… ou tout simplement exprimer le point de vue de divers groupes de pression. Ainsi, des opposants au projet à Notre-Dame-des-Landes ont proposé de transférer l’aéroport là où il a été accepté par référendum, c’est à dire dans les landes entre Treffieux, Issé et Abbaretz. « Il semble que la région centrée autour de Notre-Dame-des-Landes ne souhaite pas, dans l’ensemble, la construction de cet aéroport, tandis que le nord du département approuve massivement son utilité », constatait ainsi l’auteur de la pétition. Celle-ci, remise au conseil général de Loire-Atlantique, a rassemblé près de 10.000 signatures.

Une autre, lancée par des entrepreneurs vendéens qui étaient déjà opposés au projet, a été largement partagée en Vendée et signée par Philippe de Villiers, qui s’est empressé d’afficher son opposition au projet aéroportuaire. De quoi mettre en difficulté Bruno Retailleau, vendéen, proche des milieux patronaux et ardent soutien de l’aéroport et de l’évacuation de la ZAD à Notre-Dame des Landes.

Un aéroport à Montoir-Gron, sur un site industriel jugé sous-utilisé ?

A Saint-Nazaire, le collectif citoyen à l’origine de la proposition de faire de Gron l’alternative à Notre-Dame-des-Landes est porté par Hélène Challier. Ex-socialiste passée à La République en Marche,  candidate malheureuse à la candidature aux législatives de la 7e circonscription, elle est en revanche élue d’opposition à Guérande. Il compte dans ses rangs Laurent Beyssat, instructeur et pilote de ligne qui fait partie des pilotes qui ont publiquement exprimé leur opposition au projet d’aéroport de Notre-Dame des Landes. Plusieurs autres membres du collectif présents sur sa photo officielle habitent, à titre principal ou secondaire, Guérande, Saint-Lyphard, Pornichet… mais pas Montoir ou Gron.

Géré par Vinci Airports comme l’aéroport de Nantes, celui de Saint-Nazaire accueille aussi un aéroclub, un centre de pilotage et d’aviation, ainsi qu’une compagnie d’hélicoptères. Il fut le siège jusqu’en 2010 de Eagle aviation, puis Noor Airways, qui louait des avions aux pays africains. Cette compagnie a été mise en liquidation judiciaire. Jusqu’en 1989, un vol Saint-Nazaire – Paris Orly était assuré par TAT (Transport aérien transrégional) dite Paris – La Baule/Montoir. Il accueille toujours une liaison d’entreprise pour Airbus entre Nantes et Toulouse, matin et soir. En 2016, il y avait 24.316 passagers pour 7.411 mouvements d’avion, toutes activités confondues, pour 14.499 passagers et 6.047 mouvements en 2011.

Ce collectif propose de « continuer l’activité à Nantes-Atlantique tout en transférant la moitié, low-cost et fret, à Gron », qui dispose en effet d’une tour de contrôle, d’un service de pompier, de ravitaillement en carburant, mais aussi de l’espace et de la réserve foncière nécessaires pour construire une aérogare, des parkings, et étendre la piste de 2.400 m sur 900 mètres supplémentaires.

Un atout qui n’est pas négligeable. L’un des arguments des partisans du projet de Notre-Dame des Landes est en effet que l’aéroport de Nantes est très difficile à agrandir sur place, que ce soit en allongeant la piste ou en réalisant une piste sécante, faute de réserve foncière suffisante. Il faudrait l’acquérir et pour cela exproprier ou exposer au bruit des centaines de personnes. Une autre piste possible, si l’on ose dire, mais qui n’a jamais été vraiment étudiée, serait de mettre en place un seuil décalé sur la piste principale pour augmenter sa disponibilité, comme cela existe à Francfort sur le Main ou à Albi.

Le collectif met en avant le peu de personnes qui sont survolées car le site est à vocation industrielle. De même, il y aurait une faible consommation de foncier et une grande  facilité pour relier le site à la 2×2 voies Nantes-Saint-Nazaire et à la voie ferrée proche. Cependant, le site est utilisé par Airbus. Sous-utilisé, selon le collectif. Pour David Pelon en revanche, l’ancien maire de droite de Trignac, que nous avons joint. « Ce projet est irréaliste, sans même parler des nuisances pour les habitants de Trignac s’il est mis en œuvre. Le site est aujourd’hui utilisé à 95% pour Airbus », juge-t-il.

Hostilité des populations concernées… qui ont pourtant voté en majorité pour le transfert de Nantes-Atlantique, mais à Notre-Dame des Landes

Quant aux trajectoires d’approche, elles évitent la presqu’île guérandaise et La Baule… mais passent pile au-dessus de Trignac-Certé et de plusieurs écarts de Montoir, dont la population accueille avec suspicion, voire hostilité, ce projet aéroportuaire inattendu. Et ce bien que les communes autour de Saint-Nazaire aient voté massivement pour le transfert de l’aéroport de Nantes à Notre-Dame des Landes : 61% à Montoir-de-Bretagne, 59.7% à Donges – où le phénomène NIMBY, pas dans mon jardin, touche massivement la déviation pourtant nécessaire de la voie ferrée passant actuellement dans la raffinerie, mais dont le tracé ne convient à personne, ni à la mairie, ni aux riverains – 60% à Trignac, 53% à Saint-Nazaire, 63% à Besné, 52% à Saint-Malo de Guersac, 59% à Saint-Joachim, avec une participation allant de 40 à 50% en moyenne, et 52% à Besné.

Nous avons recueilli certaines réactions. Hélène, qui habite Trignac, « en a marre de voir les bourges de Guérande, la Baule et de la côte décider pour nous. Oui, on est fiers de nos usines, mais c’est à nous de décider qu’est-ce qui doit nous survoler, et non à eux de jouer au Monopoly avec les avions ». Pour Leïla, qui vit à l’ouest de Saint-Nazaire, « ce qui me choque, c’est de voir que certains considèrent les territoires industrialisés comme une zone poubelle, où on peut balancer toutes les infrastructures dérangeantes : un aéroport dont personne ne veut, ou pourquoi pas une décharge ou un incinérateur à ordures tant qu’on y est. Heureusement qu’il y a des territoires industriels pour payer la retraite et le farniente des bourges de la côte, et la possibilité pour eux d’avoir du temps pour des idées à la noix ! ».

Michel, qui habite à l’ouest de Donges, trouve que « trois vols de Beluga par jour et l’odeur de la raffinerie de Donges, c’est déjà beaucoup, mais 40 ou 50 vols par jour juste au-dessus de nos têtes, c’est insoutenable ». Pour André, un habitant de Montoir, « ici c’est industriel certes, mais bien urbanisé avec Gron, Méan, la Croix de Méan, Montoir, Trignac… sans compter les hameaux divers près de la 2×2 voies. Il va falloir que les habitants s’équipent de vitrages doublés, l’Etat va certainement devoir payer, sans compter le coût des travaux, finalement ça risque d’être aussi ruineux que d’agrandir Nantes-Atlantique là-bas, à Nantes ».

Nous nous sommes rapprochés d’Hélène Challier, qui met en avant des « impératifs écologiques » et un « impact très favorable pour l’emploi sur un territoire de toute façon industrialisé » pour justifier son projet. Surprise par la « violence des réactions [contre] sur les réseaux sociaux », elle réaffirme que son « propos, c’est de délester Nantes si le trafic y continue d’augmenter ».

Elle dément toute implication politique : « je suis en marche, mais à titre personnel seulement. C’est un collectif citoyen. Je ne suis pas à la botte de Macron », affirme-t-elle avec force, alors que le président a lancé une médiation pour tenter de sortir par le haut de l’enlisement autour de Notre-Dame des Landes, attendre l’opportunité politique et examiner les alternatives. Elle avoue une « sensibilité écologique. J’ai grandi dans la lutte contre le nucléaire au Pellerin », relayé ensuite par un autre projet nucléaire au Carnet, près de Paimboeuf, mis en échec par une très forte mobilisation citoyenne. « Tous les textes de loi actuels sont opposés à Notre-Dame des Landes, c’est un vieux projet qui n’économise pas les ressources agricoles, foncières, écologiques disponibles », ce qui est du reste vrai, le projet aéroportuaire ne respectant pas – et de loin – la législation environnementale actuelle.

Elle espère qu’une solution « négociée » va émerger pour sortir du bourbier. « On ne va pas faire une ZAD à Gron ». Les riverains, peut-être que si. L’ADEM, association de défense environnement Montoir, monte au créneau mi-juillet sur le sujet dans l’Echo de la presqu’île, jugeant ce projet « incompatible avec le périmètre du plan de prévention des risques technologiques de Montoir de Bretagne » et « apportant des nuisances sonores considérables au-dessus d’un groupe scolaire nouvellement construit ».

Trois sites sont classés en seuil Seveso haut sur la commune de Montoir-de-Bretagne : le terminal méthanier du port, la base logistique d’engrais d’Idea et  l’usine d’engrais Yara France. Il faut y ajouter les sites Seveso haut de Donges (raffinerie Total, usine Antargaz et dépôt de carburants SFDM) situés à proximité. Cependant cela n’empêche pas aujourd’hui l’aéroport de Montoir-Gron de fonctionner, ni les montoirins, dongeois et trignacais de vivre dans leurs communes respectives.

Louis-Benoît Greffe

Crédit photos : Wikipedia (cc)
[cc] Breizh-info.com, 2017, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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4 réponses à “Saint-Nazaire. L’évocation de Montoir-Gron comme alternative à Notre-Dame-des-Landes déclenche une intense polémique”

  1. Pschitt dit :

    Bel article, documenté, pas manichéen. Bravo à l’auteur.

  2. ALREN dit :

    Aéroport de Gron-Montoir de Bretagne est devenu la roue de secours des opposants à NDDL,

    Pour décharger Nantes Atlantique on peu aussi en low-cost aller plus à l’ouest, à Lann-Bihoué près de Lorient ou plus au Nord à Rennes-Saint Jacques. Pour le fret, rien n’empêchait de la faire avant. si Gron convient.

    L’alternative proposée n’est qu’un gadget de plus pour une opposition « raisonnable » f à N

  3. Anne Hélène Gestin dit :

    Et pendant ce temps, l’aéroport « high tech » de Brest marche au ralenti …..Ne parlons pas de Quimper, Rennes….etc….

  4. Yannick Magne dit :

    bonjour, notre association « défense des habitants du village de gron  » et ses 700 habitants est fortement contre un transfert d’activité de l’aéroport de Nantes Atlantique à celui de gron pour l’exploitation des vols low-cost ou autre . L’aéroport Saint-Nazaire Montoir constitue un outil essentiel à l’industrie locale aéronautique airbus . Les propos tenus par le collectif de la presqu’ile emmenée par Mme Challier de Guérande semblent ignorer les milliers de personnes résidants dans la zone concernée.Si il est vrai que ce collectif par ses propos considère les territoires industrialisés comme une zone poubelle nous Habitants de Montoirs et riverains de l’aéroport sommes résolument contre et sommes déterminés à défendre notre environnement
    Nous vous informons un point presse à la maison des associations du village de Gron Lundi matin.

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