Olla Vogala, l’Histoire de la langue des Flamands, en France et ailleurs, de Wido Bourel

23/07/2017 – 06h45 Arras (Breizh-Info.com) – Un Breton mal informé serait bien tenté de se poser la question de savoir s’il existe encore un peuple flamand et une langue flamande en France. On ne lui en voudra pas. Des Flamands de France se posent d’ailleurs très exactement la même question… De forts liens ont toujours uni Flandre et Bretagne.

Aussi, louons l’éditeur Yoran Embanner de publier les ouvrages sur la Flandre puisqu’il se trouve encore des écrivains Flamands assez fous pour ne pas s’accommoder de la lente (et inexorable ?) disparition de l’identité flamande.

Ainsi, très certainement Wido Bourel est-il l’un des plus talentueux représentants de cette caste. Talentueux essayiste, talentueux mais discret. Trop peut être… Bon sang flamand ne saurait mentir. Né en 1955 de parents dont la langue flamande était encore maternelle, Bourel, mohican malgré lui, entreprend de sonder des domaines encore trop méconnus de la langue de nos ancêtres. Loin de toute vision muséographique, l’ami Wido se veut également le militant prosélyte d’un nouvel essor du parler néerlandais dans le Nord de la France qu’il appelle de ses vœux.

Mais alors ! Qu’es aquo que l’Olla Vogala qui résonne comme du mandarin en Bro Breizh ? Ce curieux terme servant à introduire l’ouvrage mérite bien quelques éclaircissements, et ce, même pour des locuteurs néerlandophones. Pouvant se traduire en néerlandais ancien par « Tous les oiseaux », les mots Olla Vogala proviennent de l’un des premiers textes considéré comme du vieux néerlandais écrit et découvert dans un manuscrit daté du début du XIIe siècle exhumé à Oxford par un germaniste anglais.

L’ouvrage de Wido Bourel invite à une très intéressante découverte ou redécouverte, c’est selon, de l’Histoire des peuples fondateurs des Pays-Bas français, histoire de laquelle ne sont pas exclus le merveilleux et la mythologie. Ces peuples fondateurs exercèrent également leur influence sur les premiers occupants du trône de France et l’on se dit que l’Histoire eut pu être différente. Mais avec des si… Ainsi Chlodoweg, futur Clovis chrétien et Charlemagne pratiquaient-ils des idiomes francs bien plus proches de l’allemand que du français. Wido, aussi malicieux que Till est espiègle, ne peut manquer de remarquer que « parmi les premiers intéressés par la sauvegarde de la langue des Flamands devrait donc figurer l’Etat français. »

Aujourd’hui circonscrite dans les arrondissements de Hazebrouck et Dunkerque, la langue flamande se constitue vers le début du VIIIe siècle sur une aire linguistique alors bien plus vaste ; la frontière linguistique s’étendant alors sur la Somme. Les terres néerlandaises de la France du Nord occupèrent d’ailleurs une place prépondérante dans le dynamisme linguistique flamand et germanique de l’Europe du Nord-Ouest, ce que l’ouvrage rappelle avec bonheur. L’Histoire se charge parfois de régler de mauvais contes et voilà les idiomes flamands séparés au-delà de trois frontières. Dans sa partie méridionale, l’appétit français est entre temps passé par là. La France gagne en territoire et la bourgeoisie affecte de parler comme à Paris. Tel que l’indique un chant populaire flamand de France du patrimoine de De Coussemaker :

A Dunkerque, tout va de travers,

Les jeunes filles apprennent le français.

Dans cette même ville de Dunkerque, le dramaturge flamand Michel De Swaen exécute le chant du cygne de la littérature flamande qui se mue progressivement en langue orale. Après l’annexion, l’usage du flamand en France périclite progressivement sous les assauts du centralisme monarchique qui redouble d’énergie après les furieuses lois d’uniformisation linguistiques qui se succèdent à l’ombre de l’héritage du maudit abbé Grégoire. En Bretagne comme en Flandre, il n’est pas seulement interdit de cracher par terre et d’uriner sur les murs. Le chant du signe ne se veut qu’en français.

Le nombre de locuteurs flamands en France s’évapore rapidement comme bière au Soleil. Ce dialecte flamand, les jacobins et le personnel politique local régional espèrent bien l’accompagner au plus vite dans sa dernière demeure : le cimetière pour les uns, la douce torpeur mortifère d’un musée pour les âmes les plus généreuses. Patience, ils ne sont plus que quelques milliers à parler cette langue qui se pratique ô combien plus dans les hospices que dans les cours de récréation. La patrie des Droits de l’Homme aura bien mérité de son idéologie niveleuse. Il est d’autant plus facile de préparer les funérailles que d’aucuns se plaisent à dresser des murs entre langues flamande et néerlandaise afin de mieux consolider leurs pré-carrés et autres chasses gardées carriéristes. Pour certains, le néerlandais serait donc une langue étrangère. Il faut oser mais puisque certains osent, Bourel sort ses griffes. La survie du dialecte flamand passe par l’apprentissage de la langue véhiculaire néerlandaise. Sans aucune ambiguïté, l’auteur se range derrière cette perspective.

Les Hauts du Nord-Pas-de-Calais de France (enfin, un truc comme ça…) ne sont pas sortis du marasme dans lequel nos élites maintiennent la région. Quel contraste avec le dynamisme du monde néerlandophone dont la langue est pratiquée par vingt-cinq millions de locuteurs, au sein d’un espace économique de tout premier ordre en Europe

Wido Bourel livre un très intéressant ouvrage, bilingue de surcroît, et délivré de toute rigueur et exégèse universitaires. Voilà qui fait aussi du bien. Le lecteur profane sera initié à l’Histoire de la langue et du peuple flamand à l’aide de courts chapitres richement illustrés d’exemples issus de notre plus longue mémoire, de références littéraires et historiques mais également de souvenirs plus personnels de l’auteur. Il se dit que finalement la Flandre en France n’est pas morte. Alors lisez ce livre !

Virgile Dernoncourt

Wido BOUREL, Olla Vogala, L’Histoire de la langue des Flamands, en France et ailleurs, Yoran Embanner, 159 p., 9 euros

Crédit photo : DR
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